Carême 1998 : Oser croire

Croire avec intelligence

Nicodème, le lettré prudent séduit par Jésus et la Samaritaine qui trouve le Messie sans l’avoir cherché.
(Jean 3 v.1 འ13 et 4 v.1 འ42)

Faut-il
même poser la question ?
La réponse ne va-t-elle pas
de soi ?
L’acte de croire priverait-il l’homme de ses facultés
 ?
Ou bien au contraire, serait-il réservé à
ceux qui ont un quotient intellectuel suffisant ?

A
en croire les débats passionnés que le couple : science
et foi a suscités tout au long de l’histoire,
la réponse
n’est peut-être pas aussi simple qu’on l’imagine.
Foi et
raison n’ont pas toujours cohabité pacifiquement

Il
est des rationalistes irréductibles, qui considèrent
l’acte de croire comme une aliénation.
Certains se
reconnaissent plutôt dans l’adage :
"Un peu de
science éloigne de Dieu, mais beaucoup de science y
ramène...
".
D’autres encore pencheront pour le
"pari" de Pascal.

L’acte
de croire n’a cessé d’intriguer.

Cette
interrogation est d’ailleurs loin d’avoir été une
question pour ceux-là seulement qui la considèrent de
l’extérieur. Les croyants - et les croyants chrétiens -
n’ont cessé de s’interroger eux-mêmes à son
sujet.

Au
12ƒ siècle, Saint Anselme, abbé du Bec Héllouin
en Normandie,
devenu par la suite Archevêque de Cantorbery
disait :
" Peu me sert de comprendre pourquoi... je
crois pour comprendre
...
". ( Note 1 )

Mais
il me faut sans doute préciser le contenu donné ici à
la notion d’intelligence.
Ce mot, qui vient du latin, désigne
l’acte de comprendre.
La racine dont il provient signifie :
démêler, reconnaître les traces.
Inter-legere
 : lire au travers ... au travers des choses de la vie commente
Patrice de la Tour du Pin.

Or
il existe de multiples formes d’intelligence.
On a que trop
tendance à privilégier sa seule dimension rationnelle.

Pourquoi laisser dans l’ombre ce qu’on appelle l’intelligence du
coeur.
Les sciences humaines nous ont aujourd’hui appris à
mieux comprendre son fonctionnement.
La sagesse des "anciens",
pétrie de l’expérience accumulée par
l’observation, ne serait-elle pas intelligence, elle aussi ?
Y
a-t-il une forme plus masculine et une forme plus féminine de
l’intelligence ?

S’interroger
honnêtement sur le rôle de l’intelligence dans l’acte de
croire, implique d’aborder dans son sens le plus large, la quête
du sens... la recherche de la compréhension.

Croire
avec intelligence.
Les hommes et femmes de la Bible ont-ils
eu recours à leur intelligence ?
Si oui à quelle
sorte d’intelligence, pour déchiffrer l’énigme de cet
homme : Jésus, qu’ils ont rencontré ?
...........

Nous
allons tenter d’en approcher deux, très différents
 :

-
un juif lettré... un docteur en théologie en
quelque sorte nommé Nicodème, qui vient interroger
Jésus en cachette.

-
et une femme de la campagne de Samarie... qui tombe par hasard
sur Jésus en allant puiser de l’eau.


Nicodème,
ce notable juif contemporain de Jésus, est intéressant
à plus d’un titre.
Il intervient à trois reprises
dans l’évangile de Jean :
- une première rencontre
nocturne avec Jésus, dont nous allons parler (Jean 3 v. 1 à
13).

-
lors d’un débat animé entre responsables juifs de haut
niveau sur la nécessité - ou non - d’arrêter ce
gêneur qui entraîne le peuple. Il prend alors la défense
de Jésus en rappelant le droit : pas d’arrestation arbitraire,
ni sans motifs (Jean 7 v. 50 à 52).

-
enfin à la mort de Jésus. C’est lui qui apporte des
aromates pour embaumer le corps.
Il faut un ensevelissement
rapide, juste avant que le shabat ne commence (Jean 19 v. 39).

Pour
que sa présence ait été ainsi notée et
rapportée... c’est sans doute qu’elle a été
jugée significative. Elle nous empêche de donner crédit
à une tendance qui n’est que trop répandue parmi les
chrétiens. Condamner en bloc tous les responsables juifs de
l’époque - si ce n’est même le peuple juif tout entier -
comme hostiles à Jésus.

La
période vraisemblable de rédaction de cet évangile,
soit un peu avant la fin du premier siècle, donne encore plus
d’importance à sa mention.
On est en effet à la
veille de la rupture consommée entre les synagogues et les
communautés chrétiennes naissantes. Elles avaient
jusque là vécu en leur sein ou tout au moins proches
d’elles.

Nicodème
pourrait bien être le symbole de ces "justes" qui ne
se sont pas associés à la condamnation de Jésus,
et sont restés ouverts et interpellés par son message.

Quoi
qu’il en soit, laissons d’abord parler le récit de l’évangile
de Jean (Jean 3 v. 1 à 13)

Le
rédacteur précise tout de suite que la visite de ce
lettré, de ce sage versé dans la connaissance des
Écritures, a lieu de nuit.
Désir de discrétion...
peur de se compromettre ouvertement dans une Jérusalem où
les rumeurs devaient circuler vite... volonté de se faire sa
propre idée dans un entretien en tête-à-tête
 !
Peut-être un peu de tout cela à la fois...

Nicodème
ouvre l’entretien :
" Rabbi, nous savons que tu es un
maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut
opérer les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui.
".

A
quoi Jésus répond :
"En vérité,
à moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume
de Dieu
.".

A
son tour Nicodème :
" Comment un homme pourrait-il
naître de nouveau s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une
seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?
".

Réponse
de Jésus :
" Nul s’il ne naît d’eau et
d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né
de la chair est chair, et ce qui est de l’Esprit est esprit
"
.

Langage
un peu hermétique aujourd’hui, que ce dialogue du premier
siècle.
Chair... Esprit, de quoi parlent-ils exactement ?

Et
qu’en est-il de l’intelligence dans leur discussion ?
......

Dans
la langue biblique le mot chair désigne la réalité
humaine dans toutes ses dimensions, pas seulement sa dimension
sexuée, ni uniquement biologique.

La
mention de l’Esprit - surtout telle qu’utilisée ici par
l’apôtre Jean - signifie que l’acte s’il se passe bien en
l’homme et si intelligent soit-il, n’a pas son origine en lui.
Il
ne peut résulter des seules forces conscientes et
inconscientes qui l’habitent.

-
Notre savoir, notre tradition, notre culture, dit Nicodème à
Jésus, ont des clignotants qui s’allument lorsque tu parles et
agis...

-
Peut-être... répond Jésus, mais pour en
comprendre le sens, il te faut comme une nouvelle venue au monde. Un
surgissement qui t’ouvre une intelligence nouvelle, un nouveau regard
sur toi-même et sur le monde.

"
Renouvellement de l’intelligence"
dira l’apôtre Paul
(Romains 12 v. 2).
"Croire pour comprendre "
commentera Saint Anselme. ( Note 1 )
..............

Peut-être
touchons nous ici, un premier élément de réponse
à notre interrogation ?

Croire
est un acte intelligible qui se passe bien en l’homme. Un acte
responsable de sa part, comme le cri primal d’une liberté
retrouvée... mais dont l’origine lui est extérieure.

Une fenêtre soudain ouverte sur une vision différente
du réel.
Un changement fondamental des valeurs.

Si
par cet "extérieur", nous entendions ce qui échappe
en bonne partie à la rationalité de notre intelligence
 : nos émotions, notre affectivité. Ou bien encore ce
que nous nommons le hasard, d’autres la voyance, nous resterions,
comme Nicodème, encore étrangers à ce que Jésus
veut nous faire comprendre.

Oser
croire
ce que Jésus dit, c’est nous ouvrir à une
parole, intelligible certes, mobilisant assurément notre
compréhension, mais qui nous vient d’un autre, et d’un
ailleurs.

"Si
vous ne croyez pas, lorsque je vous dis les choses de la terre,
comment croirez-vous si je vous disais les choses du ciel ? "

(Jean 4 v. 12)
dira peu après Jésus à
Nicodème.
......

Peut-on
franchir encore un pas et dire que l’acte de croire prend naissance
avec l’audition de la parole de ce Jésus. Il a parlé
sur notre terre, dans notre histoire, et de
notre histoire.

Poursuivant
son entretien avec Nicodème, il va en effet rappeler à
ce brillant théologien un épisode concret de l’histoire
de son peuple. Il lui renvoie l’image de Moïse élevant le
serpent dans le désert.
Appel à lever les yeux.
Oser croire pour échapper aux morsures brûlantes des
serpents.

L’épopée
de la sortie d’Egypte avec Moïse, est l’événement
fondateur pour tout croyant juif.

"Vous
ne pouvez monter au ciel
", poursuivra Jésus.
Mais dans l’histoire de votre marche vers la liberté, une
parole porteuse de l’identité de Dieu, n’est-elle pas
descendue du ciel vers vous ?

Souviens
toi, Nicodème, de l’histoire de ton peuple... N’a-t-elle pas
pris une dimension nouvelle avec Moïse ? Alors, et ta propre
histoire... l’horizon peut s’en ouvrir aussi.

Cesse
donc d’être un résigné... de ployer sous les
commandements de la Loi !
Libère toi du qu’en dira-t-on.

Accueille cette main tendue.

La
route sur laquelle tu peines ne traversera pas toujours le désert.

Regarde, ces empreintes de pas restées gravées dans
le sable de l’histoire.
Elle mène quelque part cette
route... ?
A son terme, il doit bien y avoir une porte ouverte
 !
......


Au
chapitre suivant de son récit, le même évangéliste
met en scène un personnage très différent, tant
par sa culture, sa tradition, que sa situation dans la société.
(Jean 4 v. 1 à 42).

Il
s’agit d’une femme de province, appartenant à une ethnie
distincte : les Samaritains.
Leur foi se distinguait de celle des
juifs traditionnels sur plusieurs points, notamment le fait que leur
lieu d’adoration n’était pas le temple de Jérusalem.
Les
juifs de l’époque les tenaient pour moins que rien.

Cette
femme de Samarie est venue puiser de l’eau au puits voisin.
Tâche
habituellement dévolue aux femmes en ce temps.
Elle est
sans malice, même si sa vie avait été un peu
compliquée et... son itinéraire sentimental un peu
tortueux.

Nous
apprenons d’abord que ce puits a une histoire...
La
tradition voulait que Jacob - un ancêtre fameux - l’ait creusé
pour y abreuver ses troupeaux.
Peut-être croit-elle à
des propriétés particulières à cette eau
 ?

Du
repère historique et géographique qu’il constituait...
à lui attribuer des vertus miraculeuses, il n’y a pas loin.
C’est un pas que la croyance populaire franchit aisément, et
pas seulement à propos des puits.
......

Il
est midi... le soleil tape au plus fort... Jésus est là,
seul !
Ses amis sont allés chercher un peu de nourriture
au village.

Apparemment
sans la moindre gêne, il va franchir deux tabous sociaux de
l’époque :
- il s’adresse à une femme ... qui
n’est pas de sa famille.
- lui, Juif... parle à une
Samaritaine.

La
femme samaritaine ne manquera pas d’ailleurs de le lui faire
remarquer, et ses disciples de s’en étonner à leur
retour.
Mais la conversation s’est engagée sur un problème
très concret.
Il a soif, et demande à cette femme de
lui donner à boire.

Nous
sommes loin de la conversation théologique avec Nicodème.

Pourtant
un deuxième niveau de compréhension, ou d’intelligence,
ne tarde pas à faire sa place dans leur conversation.

-
" Si tu connaissais le don de Dieu et savais qui est celui
qui te demande à boire, c’est toi qui aurais demandé,
et il t’aurait donné de l’eau vive.
".

Réaction
de bon sens immédiat de cette femme :
- " Seigneur,
tu n’as même pas un seau et le puits est profond, d’où
la tiens-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus fort que notre Père
Jacob... ?
"

Et
Jésus, nullement arrêté par ses objections
poursuit :
- " Quiconque boit de cette eau aura encore soif,
mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais
soif..."


Renversement
de situation. Celui qui s’est présenté comme demandeur
d’un service pourrait bien être celui qui va rendre un
service, et d’une autre dimension.

L’eau
n’est pas miraculeuse... Mais l’homme assis sur le puits connait le
secret d’une eau vive.

La
Samaritaine va saisir l’occasion. Le dialogue se poursuit de plus en
plus intense.
Les anonymats tombent. Jésus met au jour les
souffrances de cette vie difficile :
- " Tu as eu cinq
maris et tu vis encore maintenant, avec un autre homme...
"

Elle
court alors au village et alerte tout le monde :
- "Venez
voir quelqu’un qui m’a dit tout ce que j’ai fait... ne serait-ce pas
le Christ ?
".

Le
village entier viendra, invitera Jésus quelques jours, puis
commentera à la femme :
- " Ce n’est plus seulement
à cause de tes dires que nous croyons, nous l’avons
entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est vraiment le
Sauveur du monde.
".
......

D’une
croyance populaire fondée sur un événement
passé, cette femme a cheminé vers une question
fondamentale sur l’actualité de Dieu.

Ses
concitoyens, eux, sont passés d’une interrogation fondée
sur son témoignage, à une conviction personnelle et
collective
sur l’identité de Dieu.

A
nouveau une porte s’est ouverte...
......

Au
village on ne regarde plus la femme tout à fait comme avant.

Quand on retourne au puits, bien sûr on espère un
peu le retrouver, sait-on jamais ?
Et l’eau, a-t-elle toujours le
même goût ? Peut être... mais on ne peut la boire
sans penser à l’eau vivante.
Et les Juifs... on ne peut
plus les regarder tout à fait comme avant, comme ceux qui nous
boudent !
......

Avons
nous, chemin faisant, perdu notre interrogation sur l’acte de croire
 ?
Moins qu’il n’ y parait.

Comme
Marie, cette femme vient de faire confiance à la parole d’un
étranger.
Parole compréhensible et de plus,
enracinée dans sa vie la plus concrète.
Elle a
reconnu, dans cette parole, une interpellation qui lui
parvenait d’ailleurs qu’en elle même, qui donnait un nouveau
sens à sa vie
......

Difficile,
aujourd’hui, d’aller, même de nuit, frapper à la porte
de ce Jésus !
Guère de chance de le rencontrer sur
la margelle d’un puits, ou le parking d’un super marché
 !
Alors... comment notre intelligence peut-elle se laisser ouvrir
à ces nouveaux horizons ?
......


J’ai
fait allusion en débutant aux époques - encore récentes
- de vigoureuse opposition du rationalisme scientifique aux données,
jugées "irrationnelles", de la foi.

La
rigueur rationnelle qui anime nécessairement la recherche
scientifique n’est pas révolue.
Elle est même un
outil nécessaire, voire indispensable.
Le doute ou la
suspicion sur le "non prouvé" font même partie
des outils nécessaires au chercheur.

Ce
qui a changé, c’est que les avancées considérables
de la science au cours des dernières décennies n’ont
pas seulement contribué à réduire certaines
zones d’ombre de nos connaissances.
Elles ont en même temps
élargi considérablement le champ de ce qui, pour le
moment, nous reste inconnu ou inexpliqué.

En
un sens, plus elle a progressé... plus la science s’est
teintée d’humilité.
......

La
foi chrétienne a elle-même profité des avancées
scientifiques. Ne serait-ce qu’en acquérant une meilleure
connaissance des événements et des documents concernant
ses origines.
Il est aujourd’hui moins de citadelles doctrinaires,
en même temps que moins de croyants "de pure forme"
sous leurs bannières.

La
foi, elle aussi, s’est faite plus humble... plus préoccupée
de s’exprimer dans la proximité confiante, et le partage.

Des
rassemblements ¶cuméniques, comme celui de Graz en Juin
dernier, où se sont retrouvés des chrétiens de
toute l’Europe autour du problème difficile de la
réconciliation, l’ont bien montré.
Dans cette
Europe longtemps divisée par le rideau de fer, les
réconciliations ne sont pas toujours évidentes.
Pour
des églises ayant vécu dans l’isolement, comme nombre
d’églises à l’Est, en particulier.

Quant
aux journées mondiales de la jeunesse catholique à
Paris, au-delà de l’enthousiasme qu’elles ont manifesté,
elles ont également bien montré les questions que ces
jeunes portent en eux.

Pas
plus qu’à l’époque de Jésus... les croyants ne
sont aujourd’hui à l’abri des grandes interrogations de leur
temps. Pas plus n’échappent-ils aux questions de leurs
contemporains.
......

Croire
avec intelligence
, avec toutes les données de son
intelligence est aujourd’hui à la fois plus nécessaire,
et en même temps plus accessible.
......

Demeure
toutefois la grande affirmation de Jésus.
Ni l’acte de
croire, ni le contenu de ce que nous croyons, ne trouvent leur raison
et leur origine en l’homme seulement.

On
ne prouve pas Dieu.
On ne démontre pas Dieu.

Il
n’est, dans l’arsenal de la pensée humaine, de vérité
ou de sagesse qui soit supérieure à Dieu, et lui soit
donc opposable.
Il n’est d’argumentation que nous puissions lancer
vers lui, tel un filet !
Le ramener ensuite, captif dans les
mailles de notre logique, pour nous écrier, soulagés :
Donc Dieu !

Dieu
est : avant nous.
Dieu est : au-delà de nous.
Ce
n’est pas nous qui allons vers Lui.
C’est Lui qui vient à
nous

Un
geste, une approche, une caresse de cet inconnu, nommé Dieu,
restent nécessaires pour ouvrir nos yeux.
......

La
Bible et la théologie chrétienne nomment du mot Esprit
 : Esprit Saint, cet acte de proximité de Dieu.
L’acte
par lequel il vient à la rencontre de nos limites de nos
surdités, et ouvre l’horizon de notre route.

Sa
manifestation échappe aux classements systématiques.
Par
sa diversité, elle résiste également à
nos critères bien établis.

Pour
nos frères catholiques le concile de Vatican II indique que :
" l’Esprit ne cesse, par la voix vivante de l’Évangile,
de retentir dans l’Église, et par l’Église dans le
monde.
". ( Note 2 )

Le
théologien Hans Kung, dans son commentaire récent du
Credo précise qu’il est " La force et la puissance
vivante issue de Dieu
". ( Note 3 )

Le
prédicateur du Carême catholique sur ces mêmes
ondes, a tout centré sur l’oeuvre de l’Esprit cette année.
Il commente des hymnes au Saint Esprit, issues de diverses traditions
chrétiennes.
Nous avons partagé nos préoccupations,
avant d’aller l’un et l’autre à votre rencontre.

Nos
frères orthodoxes invoquent la présence de l’Esprit
tout au long de leur divine liturgie.

D’aucuns
 : nos frères pentecôtistes par exemple, le verront très
lié aux manifestations de guérison.
Nos frères
charismatiques aux phénomènes de langage spirituel.

L’apôtre
Paul, interpellé par ses paroissiens de Corinthe sur les
manifestations un peu débridées et surprenantes de
l’Esprit dans leur communauté, leur répondait avec
sagesse que pour lui :

-
" Cinq paroles sensées pour instruire, valent mieux
que dix mille en langues,et inintelligibles
" (1 Cor. 14 v.
19).

Le
Protestantisme a été marqué par cette rigueur
théologique. Aussi n’a-t-il jamais voulu distancer l’acte de
croire, du contenu objectif, explicable, compréhensible du
message.

Ce
sont les Écritures qui nous en conservent le témoignage.

L’Esprit leur redonne vie et actualité pour nous.

Jean
le confirme clairement au terme de son évangile ...
-"
Ces choses ont été écrites pour que vous
croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour
qu’en croyant vous ayez la vie en son nom."
(Jean 20 v. 31).

Oser
croire
n’est donc pas céder à l’irrationnel,
démissionner en quoi que ce soit de nos responsabilités
de personnes sensées et qui veulent comprendre.
......

Une
précision me parait ici nécessaire :
Le don de
l’Esprit est bien un cadeau personnel... fait à chacun d’une
manière qui lui confère sa personnalité
de croyant.

Mais
ce don a également pour effet immédiat de le sortir de
son isolement.

-
Nicodème ne craint plus de se joindre ouvertement aux proches
de Jésus qui l’ensevelissent.
- La Samaritaine court à
son village et partage sa découverte avec tous les habitants.

Au
jour de Pentecôte, ce sont quelques paysans juifs, peut-être
analphabètes, qui ont été rassemblés par
l’aventure avec ce Jésus. (Actes 2 v. 1 à 13)
Ils
vont partir jusqu’aux extrémités du monde.
Ils vont
partager, dans toutes les langues et cultures de l’époque, la
découverte qu’ils ont faite.
L’intelligence de la foi n’est
pas une aventure solitaire.
Elle se fortifie, s’éclaire et
se nourrit dans le partage.
......

Oser
croire
c’est accorder au peuple de la Bible, aux personnes qui
ont accompagné Jésus sur les routes de Palestine, le
crédit qu’ils n’étaient eux même ni
irresponsables, ni hors de sens.

Oser
croire
, c’est ouvrir notre intelligence - toute notre
intelligence - à leurs témoignages.
En recevoir une
compréhension qui ne s’invente pas.
Elle nous est
proposée, accordée, pour le renouvellement de notre
propre intelligence.
Ils nous invitent en quelque sorte à
prendre dès aujourd’hui, notre place à leur suite, dans
cette longue marche.


Croire
avec intelligence
... c’est peut être bien rendre
opérationnelle
l’espérance qui ne trompe point...

Celle
qui a abordé sur les rives de notre histoire, dans la vie de
Jésus de Nazareth, et ne l’a plus quittée depuis.

C’est
voir ce monde... et y vivre avec nos frères dans la certitude
qu’il a un sens, qu’il n’est ni abandonné au hasard, ni menacé
par l’absurde.


Seigneur,

Dans
la nuit de nos interrogations,
nous venons frapper à ta
porte.

Convictions
et questions se croisent dans nos têtes.

Comme
tu le fis pour Nicodème,
et pour la Samaritaine au puits...

Déchiffre
pour nous, le mystère de ta présence.


* * *


-Origine
des citations :

1)
Saint Anselme : Proslogion : Chapitre I
2) Concile de Vatican 2 :
Décret sur l’activité missionnaire - la mission de
l’Esprit
3) Hans Kung : "Credo" (Le Seuil 1996)


-
Les citations musicales entrecoupant cette prédication
étaient tirées des concertos pour trois et quatre
pianos de Jean Sébastien Bach