Croire face à la mort
Jaïrus, le père angoissé de la fillette en agonie et les deux soeurs en deuil de leur frère, Lazare.
(Luc 8 v. 40 à 56 et Jean 11 v. 1 à 44 )
On
ne triche pas avec la mort.
Ceux qui ont vu s’effacer le regard
d’un être aimé, senti le froid gagner la main tendue le
savent bien.
Devant
la mort, l’acte de croire en est réduit à sa plus
totale nudité.
Le croyant est alors dépouillé
de toutes ses illusions.
Le
scandale de la mort pèse de tout son poids.
Il inscrit une
déchirure qui impose le silence.
Il
n’est que de voir la crainte révérencieuse dont elle
est entourée, même dans l’agitation de notre monde.
Il
s’agit de la grande remise en question.
Nul ne peut s’en dire à
l’abri.
Bien
sûr, il est des morts qualifiées de délivrances.
Celles qui mettent un terme à d’indicibles souffrances que
la médecine peine à soulager.
Celles encore qui
rompent le long fil de ces existences mystérieuses, que l’on
dit pudiquement désorientées, et dont la communication
est devenue difficile avec leur entourage.
Il
est aussi des morts de vieillesse, que l’on serait tenté
d’appeler : "naturelles".
Celles qui
interviennent au terme d’une longue vie.
La Bible dit de certains
patriarches, qu’ils moururent :" rassasiés de jours ".
(Genèse 25 v.8)
Au fait, qui était rassasié
de jours, eux... ou leurs proches fatigués d’eux ?
Mais
il y a des morts inacceptables.
De ces morts qui lèvent
nos révoltes les plus profondes.
La mort d’un enfant...
d’un jeune en pleine éclosion de vie.
Morts inacceptables
: Buchenwald, Bosnie, Rwanda, Algérie... images dont on ne
peut se détacher, même quand elles ont quitté
l’écran.
Il
y a aussi ces vies fauchées brutalement par une catastrophe
inattendue, un accident...
Je pense à ce jeune couple,
rentrant d’un voyage professionnel aux États Unis.
Tout au
bonheur de ses vingt ans, pour célébrer son mariage
dans la joie familiale.
Une seconde, un éclair dans le
ciel, et le Boeing de la T.W.A. qui les ramenait a disparu des écrans
de contrôle...
Sonnerie du téléphone en
pleine nuit, chez les parents... Disparus... et avec tant d’autres !
......
Nos
faire-part ne disent-ils pas souvent : "ravi à
l’affection des siens ! "...
C’est bien de cela qu’il s’agit
: vies fauchées par quelque sinistre moissonneur... vies
volées !
La
médecine, elle même, a du mal à cerner le mystère
de la mort :
Mort apparente, encéphalogramme plat, traces
perdues des vibrations de vie.
" L’état de décès
parait réel et constant " dit laconiquement le
constat médical. ( Note 1 )
De
tous temps, au long de l’histoire, les civilisations ont tenté
d’apprivoiser la mort, de la rendre "acceptable".
La
haute civilisation égyptienne apportait grands soins à
préparer ce dernier voyage.
Encore fallait-il être
Pharaon, ou noble, pour s’en offrir le luxe.
Qui n’a souvenir de
ces sarcophages, de ces momies embaumées, de ces provisions et
richesses déposées dans les pyramides ?
La
mémoire du peuple juif, restera marquée par ces
pratiques, côtoyées durant les années de
captivité.
Au matin de Pâques, les femmes viendront
pour embaumer le corps de Jésus.
Mais
notre époque n’est pas en reste... Salons funéraires,
musiques douces, déploiement de fleurs, les rites tentent à
leur manière d’apprivoiser la douleur.
Faire
le deuil, accomplir le travail de deuil, ne sont pas des expressions
vaines.
Avec l’écoulement du temps, la souffrance nous
fait intérioriser notre mort à venir.
Silence et
absence font leur place dans l’agitation de nos vies.
Avant
d’entrer lui-même dans sa mort, de vivre jusqu’à son
terme l’abandon de Dieu, Jésus côtoie souvent la mort.
......
Un
jour il s’agit d’une enfant, une fillette de douze ans qui agonise
sous le regard impuissant de ses parents. ( Luc 8 v. 40 à 55)
Elle est fille unique. Son père : Jaïrus a beau être
le chef de la synagogue - un croyant reconnu - il n’est là
qu’un père désemparé.
Il court dans les rues
appeler au secours ce Jésus, qui n’a pourtant pas bonne
réputation.
Jésus le suit aussitôt, malgré
la foule qui le presse... et s’efforce d’en obtenir des miracles.
Quand
enfin ils atteignent la maison... c’est trop tard.
- "
N’importune pas le maître " lui disent
charitablement ses bons amis. Tout est fini...
Fini...
voire !
Jésus
franchit les rites du deuil qui ont déjà commencé :
lamentations, pleurs, cris !
Dans la chambre il ne veut que les
parents, et les trois plus proches de ses disciples.
Pas de
photographes, pas de curieux. Le "sensationnel" n’a pas sa
place ici.
La
foi seulement.
Face
à tous les scepticismes, toutes les résignations, Jésus
va manifester ce pourquoi il est venu :
- " Ne pleurez
pas, elle n’est pas morte, elle dort.".
Prenant
alors la main de la fillette il s’adresse à elle :
-"
Mon enfant, réveille toi ".
Le texte grec dit
même : ressuscite ! Ce mot signifie relève toi.
Le récit de Luc poursuit alors :
- " Son
esprit revint, elle se leva à l’instant même et il
recommanda de lui donner à manger. Ses parents étaient
bouleversés... mais il leur ordonna de n’en rien dire à
personne.".
......
Que
s’est-il passé ?
Erreur de diagnostic, elle n’était
pas vraiment morte... retour à la vie ?
Le texte ne dit
rien de plus.
Toutes les lectures sont possibles, sauf
d’effacer que la parole de Jésus a ouvert un horizon
inattendu.
L’avenir de cette enfant, c’est la vie... N’oubliez
surtout pas de lui donner à manger.
Comme
Françoise Dolto, le psychanalyste - et théologien
contesté - : Eugen Drewermann suggère que la fillette -
elle atteint l’âge de l’adolescence - est captive de l’amour
possessif de ses parents. (Note 2 )
Jésus va l’en
délivrer. Elle passe ainsi de la mort à la vie.
Elle passe du monde de la résignation, à celui de
la liberté retrouvée. Ses parents aussi.
Lecture
possible également.
Le
propre des textes bibliques, des actes et des paroles de Jésus,
n’est-il pas de nous accompagner jusqu’à ce seuil... où
nous osons prendre le risque de croire.
La mort frappe
aussi Jésus parmi ses proches.
Lazare,
son ami de Béthanie, vient de mourir ( Jean 11 v. 1 à
54).
Ce foyer qui l’a souvent accueilli est à son tour
plongé dans le deuil.
Quatre jours s’écouleront,
avant que Jésus n’arrive jusque là.
l
lui faudra surmonter la crainte de ses disciples :
-" Tout
récemment les Juifs cherchaient à te lapider, et tu
veux retourner là bas...". ( v. 8)
Le
scepticisme de Thomas, l’un d’entre eux ...
-" Allons,
nous aussi, et nous mourrons avec lui.". ( v.16)
La
parole de Jésus retentit à nouveau :
-" Notre
ami Lazare s’est endormi, mais je vais aller le réveiller
" (v. 11)
Autre mot utilisé ici, pour désigner
le retour à la vie.
Il
y a foule à Béthanie. Jérusalem n’est qu’à
trois kilomètres.
Les condoléances affluent auprès
des deux soeurs en deuil : Marthe et Marie.
Jésus
arrive... Marthe court au devant de lui :
-" Si tu avais
été ici, mon frère ne serait pas mort...".
(v. 21 et ss.)
Marie arrive sur ses talons... et répète
la même phrase.
Elles
connaissaient Jésus.
Elles avaient pris le risque de
croire en Lui...
Le malheur s’est abattu sur elles.
Marthe
espère pourtant l’impossible :
- " Maintenant
encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te
le donnera ".
Sa
foi provoque Jésus :
- " Ton frère
ressuscitera ".
Elle
récite alors son catéchisme : Oui, je sais, il
ressuscitera... au dernier jour.
- " Je suis
la résurrection et la vie. Qui croit en moi vivra, même
s’il est mort. ".
......
"
Je suis..."
Sommes nous dans un conte de fées
?
Ce qu’il est convenu d’appeler "miracle" dans
l’Écriture n’est pas de l’ordre du "merveilleux".
C’est un acte porteur d’un sens.
......
Jésus
frémit intérieurement :
-"Où l’avez
vous déposé ? ".
On le conduit au tombeau,
on roule la pierre... Attention il y a déjà quatre
jours, il doit sentir...
Jésus
pleure.
Il est lui-même face au défi de croire que
Dieu va l’écouter.
Il prie en tremblant...
Il croit en
l’exaucement, et s’écrie d’une voix forte :
-
"Lazare sors !"
Lazare
parait, empêtré dans son linceul...
A nouveau, souci
de la vie :
-" Déliez-le, et laissez le aller
!".
......
Mais
là où nous atteignons le coeur du mystère, c’est
que Jésus lui-même, Jésus qui annonce et suscite
la vie... va lui-même entrer dans la mort.
Non
une mort simulée. Une mort dûment constatée.
Constatée par le détachement chargé
de l’exécution :
-" Arrivés à Jésus,
ils constatèrent qu’il était déjà mort,
et ne lui brisèrent pas les jambes.". (Jean 19 v. 23)
Une
mort confessée :
-" Il est mort, il
a été enseveli, il est descendu au séjour des
morts." (Note 3 )
......
La
foi chrétienne s’épuisera en essai d’explications de ce
fait incontournable : " Dieu mort, en Jésus Christ ".
( Note 4 )
Le sens libérateur du sacrifice dans la
foi juive, nourrira la réflexion naissante des chrétiens
sur une mort expiatoire.
" Mort pour nos péchés
", mort parce que Dieu ne peut faire sienne notre atteinte à
sa création, nos gaspillages de vie. (1 Cor. 15 v. 3)
Toujours
est-il que la visite de Dieu sur terre est une visite qui assume,
s’approprie jusqu’à la mort elle-même.
- " Il
s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la
mort, à la mort sur une croix.",
chante l’une des
hymnes, parmi les plus anciennes, du Nouveau Testament. (Phil. 2 v.
8)
......
Un
tableau de Hans Holbein, conservé au musée de Bâle,
le dit avec une force rarement égalée.
Il
représente Jésus mort, étendu.
Un cadre en
forme de cercueil l’enserre étroitement.
L’histoire
raconte qu’il le peignit à la morgue, à la lueur d’une
seule bougie.
Il était face au cadavre d’un juif qu’on
avait trouvé noyé dans le Rhin. ( Note 5 )
Ni
enluminures, ni dolorisme : le fait brut : Jésus mort.
Le
centre de la foi chrétienne... Celui qu’il faut oser
regarder en face.
......
Cette
réalité est tellement troublante, que là aussi
on tentera toujours de l’atténuer.
Quand l’apôtre
Paul essayera de parler de résurrection aux Athéniens...
ils s’esclafferont et lui feront comprendre qu’ils n’ont pas de temps
à perdre. (Actes 17 v. 32)
Non
! Dans le monde grec, formé par la philosophie stoïcienne,
l’âme ne peut mourir.
Il est en nous quelque chose
d’immortel, quelque chose de noble qui n’est pas comme notre corps
charnel.
La résurrection, non mais... à d’autres !
Les
Grecs ont d’ailleurs mieux évangélisé, mieux
"vendu" - si je puis dire - leurs croyances au monde
occidental, que les disciples du Christ.
La
Bible en effet ne parle nulle part d’âme immortelle.
C’est
une perspective inimaginable pour un croyant juif.
Il sait que
l’homme façonné de la terre ne vit que du souffle de
Dieu et ne pourrait reprendre vie que de ce souffle.
Le
retour à la vie, est une perspective dont il ne prendra
conscience que peu à peu.
Il faudra la longue épreuve
de la déportation à Babylone, la perspective de la mort
de leur peuple, pour qu’eIle se fasse jour.
Le
souffle rauque des prophètes y contribuera :
- Ezechiel
prophétisant le retour à la vie de l’armée des
ossements desséchés dans la plaine aride. (Ezechiel 37
v. 1 à 14)
- Job clamant contre toute évidence
qu’un jour, il verra face à face son défenseur. (Job 19
v. 19 à 25)
Et
encore... au temps de Jésus cela reste-t-il âprement
débattu (Mat 22 v. 23 à 33 et parallèles dans
Marc12 et Luc 20) ... et même aujourd’hui.
......
Il
est une autre échappatoire à l’angoisse de la mort.
Elle a cours en d’autres civilisations.
Elle a ses adeptes
chez nous aussi : la ré-incarnation.
Puisqu’il est
inacceptable que je disparaisse, il faudra bien que je ré-apparaisse
sous une autre forme... Sous l’apparence d’un être différent
: personne, animal ou arbre.
Faut
il préciser qu’une telle perspective est totalement étrangère
aux témoignages bibliques ?
L’unicité de chaque
personne humaine y est au contraire constamment soulignée.
......
Il
ne faut pas s’indigner de ces tentatives.
Elles assument notre
douleur. Elles cachent nos angoisses.
Malheureusement...
elles masquent en même temps la seule véritable
espérance : celle que l’évangile atteste : notre
résurrection !
Combien
de Grecs aujourd’hui, parmi les chrétiens ?
L’incroyable
nouvelle de la résurrection, dont Jésus est
l’annonciateur et le premier témoin, est une nouvelle qui
déstabilise au premier abord. C’est l’irruption d’un autre
monde dans le nôtre.
J’y
reviendrai lors de notre dernier entretien. (Voir prédication
N° 6 )
Le
fait que Jésus soit entré dans la mort a-t-il quelque
chose à voir avec notre mort, avec notre regard sur la mort ?
Assurément
!
La mort elle-même n’échappe pas au regard de
Dieu.
Christ
a investi pour nous le royaume des morts :
- " Il est
descendu au séjour des morts." , affirme le symbole
des apôtres.
......
Il
est dans le cheminement de la vie humaine divers rendez vous, où
la question de la mort se fait plus insistante :
-
Déjà, avant que la vie n’apparaisse, la menace de la
mort est là.
- Lorsque son heure approche.
- Enfin,
lorsqu’elle a sonné.
......
1)
La mort rôde, avant même que la vie n’apparaisse :
Les
avancées médicales de ces dernières décennies
ont considérablement fait progresser notre connaissance de la
vie avant la naissance.
Elles ont offert aux couples les moyens
de maîtriser de manière responsable la constitution de
leur famille.
Elles ont augmenté les chances, pour les
couples menacés de stérilité, de la surmonter.
Ces
avancées médicales ne sont cependant pas allées
sans poser de nouveaux problèmes éthiques.
La
procréation médicalement assistée, par exemple,
ouvre elle même nombre d’interrogations.
Les hommes et
femmes de la Bible n’apportent pas de réponses toutes faites à
toutes ces questions.
......
On
voit mieux aujourd’hui que ce mystère de la vie ne peut être
enfermé dans de seuls critères cliniques ou
biologiques. Une certaine scolastique en a montré les limites.
Il faut bien, avec l’Écriture, tenter de rejoindre
existentiellement la détresse, pour y manifester la compassion
de Dieu.
Nombreux
sont, même parmi nos frères catholiques, ceux qui
s’interrogent en ce domaine.
La
distinction entre méthodes dites naturelles et méthodes
artificielles en matière de procréation tient elle
encore ?
Les théologiens catholiques en débattent.
Et
dans les cas d’extrême détresse : maternité à
très haut risque pour la mère, pronostics graves sur la
viabilité de l’enfant, viols d’adolescentes...
Entre la
vie de la mère et celle de l’enfant à venir, un critère
unique peut-il tout résoudre et dans tous les cas
?
En éthique de détresse, n’est-il pas place pour
une recherche avec ces femmes, en équipe pluri-disciplinaire ?
Il leur faut cette proximité affectueuse et éclairée,
pour que leur responsabilité puisse s’exercer.
......
Les
progrès des nouvelles techniques médicales ouvrent
également de nouvelles questions.
Celle des dons
d’organes, par exemple.
Le législateur a dû s’en
préoccuper pour que le droit encadre ces progrès, tout
en évitant les débordements.
La
conscience chrétienne est ici interrogée ?
S’agit-il
d’une nouvelle possibilité d’aimer son prochain en prolongeant
sa vie ?
Beaucoup de chrétiens le pensent.
Encore
faut-il y avoir réfléchi suffisamment à l’avance
et en connaissance de cause.
Il vaut mieux ne pas être pris
au dépourvu, lorsque le cas se présente, en urgence
bien sûr, et à propos d’un proche.
Mais
les portes que la science ouvre devant nous, ne laissent pas
entrer... que des espoirs nouveaux.
Les manipulations, dont
l’homme devient capable : clones, expérimentations...
comportent nombre de risques de porter atteinte au mystère de
la vie, sans en mesurer les conséquences.
Même en
vue de faire reculer la mort, des questions nouvelles ne cessent
d’assaillir nos consciences.
Chercheurs,
responsables de la santé publique, gardiens du droit sont
ensemble interpellés.
Les croyants ne peuvent se dérober
à la recherche de ces nouvelles responsabilités.
......
2)
Autre interrogation... lorsqu’à vue humaine la mort se fait
toute proche. Comment accompagner les mourants ?
Certains
considèrent la souffrance comme une punition.
Il fût
même un temps où elle était considérée
comme rédemptrice.
Méprise... Seule, celle
du Christ l’a été.
Notre
pays apprend tardivement à soulager les douleurs inutiles, à
accompagner dans leur dernière étape ceux qui
approchent du terme.
La présence des êtres proches
et d’une équipe soignante attentive est ici aussi
importante qu’un traitement médical approprié.
J’ai
écouté, avant d’en parler ici, l’expérience de
l’équipe des soins palliatifs à l’hôpital de nos
soeurs diaconesses. ( Note 6 )
Médecin,
psychologue, infirmières, aide-soignantes, soeur, aumônier
ont été unanimes pour en témoigner.
En
ces jours derniers d’une vie le partage est essentiel.
Il rend
visible ce que la prière exprime pour les croyants.
La
confiance qui se tisse entre : le malade, ses proches, les membres de
l’équipe soignante, leur parait aussi essentielle que les
médicaments. L’efficacité de ces derniers s’en trouve
multipliée.
Seul,
on est confronté à l’impossible... ceux qui soignent
comme les autres.
Autour du mourant on peut encore partager la
vie et recevoir les uns des autres jusqu’au dernier moment.
Le
mourant lui-même apporte à ceux qui l’entourent.
Quand
on songe à tous ces drames : massacres, génocides, où
chacun est laissé seul face à la mort...
Quel appel
à ne pas déserter le dernier accompagnement, lorsqu’il
est possible.
3)
Dernière interrogation : Quand la mort a sonné. Que
dire à propos des services funèbres ?
Lorsqu’est
arrivé le terme... Lorsque les proches restent là avec
leur douleur et leurs questions... la communauté croyante ne
peut-elle que garder le silence avec eux ?
Les
Églises de la Réforme ont été longues à
célébrer des offices, dits enterrements.
Peur de
méprises...
Peur
de laisser croire qu’un rite est nécessaire, pour aider le
disparu à franchir le seuil.
Peur de laisser croire qu’en
cette heure on peut ajouter quoi que ce soit, à la seule
Grâce de Dieu ?
Il
est vrai... à lire les éloges funèbres dont la
presse renvoie les échos lors de morts célèbres,
on se demande pourquoi notre monde n’est pas plus proche du paradis !
L’heure
dernière n’est pas d’abord celle des éloges.
Céder
aux hypocrisies posthumes est encore une manière d’escamoter
la mort.
Elle
doit être le moment où se manifeste l’affectueuse
présence des amis...
En ces moments particulièrement
difficiles que sont la fermeture du cercueil, puis celle de la tombe.
La douleur fait cheminer en nous le deuil.
C’est
pourquoi la Grâce seule a sa place ici.
Dieu est un
Dieu qui fait miséricorde.
Toute autre consolation serait
illusoire, à ceux que le deuil met à vif.
.....
Mais
la grâce s’accueille ensemble à plusieurs.
Qu’elle
ait lieu avant ou après l’inhumation proprement dite, la
célébration est là non pour nier la mort.
Elle
est le moment d’affirmer qu’elle n’aura pas le dernier mot.
Face
à la mort, Dieu a souverainement réaffirmé la
vie.
Dans
la communauté croyante, la prière et la reconnaissance
des proches ouvrent sur l’avenir.
La reconnaissance pour les dons
de Dieu à travers une vie a sa place ici.
Le partage, dans
le dépassement de l’absurde aussi.
J’ai
fait allusion au début à la disparition de ce jeune
couple ami, dans l’accident du Boeing de la T.W.A.
La célébration
voulue ultérieurement par les parents, a été un
moment d’intense communion oecuménique dans le chagrin, mais
aussi l’espérance... et avec eux.
......
Il
faut dire ici un mot de ce que l’on appelle : " la communion
des saints".
Les
hommes et femmes de la Bible mettent solennellement en garde contre
toute communication mystérieuse avec les morts, sous quelque
forme que ce soit. C’est une impasse.
Par
contre, ils affirment clairement que la mort ne peut mettre fin à
la communion dans l’espérance.
L’apôtre
Paul fait même allusion - et sans la critiquer - à une
curieuse pratique des chrétiens de Corinthe.
Ils se
faisaient baptiser : "pour les morts ". (1 Cor. 15
v. 29)
Probablement pour leurs proches, qui n’avaient pu
connaître l’évangile avant de mourir.
Les
églises primitives avaient l’habitude d’évoquer, au
moment du partage eucharistique, le nom des fidèles qui leur
avaient été enlevés par le martyr...
Mémoire
reconnaissante... prolongement d’une communion dans l’espérance.
......
La
Réforme est toujours restée réservée
envers un rôle d’intermédiaires, d’intercesseurs, que
les croyants qui nous ont devancés pourraient jouer à
notre égard.
"Christ,
notre grand prêtre a traversé le voile, il nous a
précédés..." , dit la lettre aux
Hébreux. (Hebr. 9 v. 12 et 10 v. 20)
La
foi des protestants s’en tient là.
Mais
la communion des saints conserve pour eux toute sa réalité.
Le symbole des apôtres le rappelle :
- " Je
crois la communion des saints ".
L’église
de la terre n’est pas séparée de celle qui l’a précédée
au cours des siècles, dans l’attente du Royaume.
C’est
dans cette espérance, et non dans la désolation de
tombes - elles mêmes rejoindront un jour la poussière -
que nous pouvons penser à ceux qui nous ont quittés.
Un
regard d’espérance peut accompagner celui que nous posons sur
leurs photos, dans notre cadre de vie.
......
Oser
croire, face à la mort...
C’est
la regarder en face comme un ennemi... mais, comme dit
l’Apôtre Paul, un ennemi déjà vaincu.
C’est croire qu’elle n’aura pas le dernier mot.
Seigneur,
Les
tombes jalonnent nos routes.
Le souvenir de nos disparus
nous poursuit.
Ne
nous laisse pas errer parmi nos chimères,
ou
ensevelir l’espérance.
Comme
dans la maison de Jaïrus et celle de Lazare...
Ouvre
les fenêtres de la vie sur notre avenir !
Origine
des citations :
1)
Libellé officiel d’un constat de décès
2)
Eugen Drewermann : "L’évangile des femmes" (Le Seuil
1996)
3) Symbole des Apôtres
4) Jean Cardonnel et
divers : "Dieu est mort en Jésus Christ" (Ducros
éditeur Bordeaux 1968)
5) Kunstmuseum Basel : Hans Holbein
"Der Leichman Christi"
6) Hôpital Claire Demeure
: 10 Rue de la Porte de Buc 78000 Versailles
* * *
-Origine
des citations :
1)
Libellé officiel d’un constat de décès
2)
Eugen Drewermann : "L’évangile des femmes" (Le Seuil
1996)
3) Symbole des Apôtres
4) Jean Cardonnel et
divers : "Dieu est mort en Jésus Christ" (Ducros
éditeur Bordeaux 1968)
5) Kunstmuseum Basel : Hans Holbein
"Der Leichman Christi"
6) Hôpital Claire Demeure
: 10 Rue de la Porte de Buc 78000 Versailles
-
Les citations musicales entrecoupant cette prédication
étaient tirées de la marche de Purcell intitulée
: "The Queen’s dolour" interprétée à
l’orgue accompagné d’une trompette.