Carême 1998 : Oser croire

Croire face à la vie

Les femmes n’ont pas été crues et les disciples d’Emmaà¼s cheminent avec le Vivant sans le savoir
Luc 24 v. 13 à 35

Qu’est-ce
à dire ?
La pâle lueur de l’aube a mis fin à
la longue nuit d’attente.
Les murs de Jérusalem émergent
lentement de la pénombre.

Rien
n’a changé.
Aujourd’hui sera, comme hier.
Que pourrions
nous attendre de neuf ?

Le
matin de Pâques n’a rien d’un triomphe pour ses premiers
témoins.
Les femmes courent au tombeau, inquiètes."
Qui nous roulera la pierre ? " (Marc 16 v. 3)
Il faut
bien accomplir les derniers devoirs.

Les
hommes sont restés à la maison.
Bilan morose de
trois années perdues.
Ni elles, ni eux, n’attendent rien.

Même
le tombeau vide ne fera qu’aviver leurs soupçons.
Qui nous
l’a volé ? (Jean 20 v. 15)

Les
divers récits du matin de Pâques traduisent bien ce
désarroi de l’inattendu.
Il est ici... on le voit... non
 !
Reconnaît-on sa voix ? Non... c’est le jardinier ! (Jean
20)
Il est à Jérusalem... (Mat. 28), sur la route
d’Emmaüs (Luc 24), au bord du Lac de Tibériade (Jean
21).
On le reconnaît : oui, non !
Il semble traverser les
murs de la pièce où sont réfugiés ses
disciples apeurés. (Jean 20)
On ne peut pas le toucher
(Jean 20 v.17),
et il invite Thomas à mettre sa main dans
son côté. (Jean 20 v. 19)

Flashes
difficilement assemblables, d’une réalité nouvelle qui
soudain envahit notre histoire.
Vitrail inachevé d’une
cathédrale de plein air...

Il
faudra, là aussi, le temps de la réflexion, des
échanges, des confrontations.
Seule, la mise en commun des
souvenirs de ces rencontres permettra d’éclairer peu à
peu ce temps nouveau, qui soudain semble vouloir entrer dans notre
histoire.

Chuchotement
au début, le bruit va s’amplifier, s’élargir au fil du
temps... jusqu’à devenir une clameur secouant toutes les rives
de la Méditerranée.
- "Le Seigneur est
ressuscité !
".

De
Turquie, de Grèce, d’Italie, d’Espagne et même des rives
de la Tunisie d’aujourd’hui, l’écho viendra frapper les rives
de l’histoire.
- "Il est vraiment ressuscité.
".
......

Aussi
fortement avons-nous dû, par honnêteté envers les
témoignages concordants des hommes et des femmes de la Bible,
affirmer : Jésus est mort. Dans la mort de Jésus,
Dieu lui-même a posé sa main sur notre mort.

Aussi
fortement nous faut-il, par honnêteté envers ces mêmes
témoignages, prendre le risque d’affirmer avec eux : Christ
est revenu à la vie
 ! Dieu l’a relevé d’entre les
morts.

Cela
implique-t-il que tout mystère soit levé, que nous
puissions en rendre compte à la manière d’un diagnostic
médical ou d’un procès verbal d’huissier ? Assurément
non !

La
résurrection est un acte qui échappe à nos
catégories habituelles.
Ce surgissement nouveau de la vie
fait éclater nos logiques et prend même de court notre
vocabulaire.

Christ
est ressuscité !
Un temps nouveau entre comme par
effraction dans nos calendriers.
Une lumière nouvelle
vient éclairer ce vieux monde, que nous croyions pourtant bien
connaître avec toutes ses limites. Voilà notre histoire
revisitée.

Christ
est ressuscité !
Face à l’inexorable écoulement
du sablier de l’histoire, un temps nouveau est-il en train de
"suspendre le vol" du nôtre ?
Un point
d’interrogation vient-il d’être proposé en alternative,
au point final de l’acte dernier ?
L’horizon redouté -
mais pourtant rassurant - du terme, va-t-il être remis en
question ?
......

Pour
parvenir jusqu’à cette heure de grande interrogation... nous
avons écouté, suivi depuis cinq semaines, partagé
je l’espère, la démarche de ces hommes et femmes de la
Bible.
L’histoire de Jésus avait croisé la leur.
Elle y avait laissé des traces.

Il
nous faut poursuivre à son terme cette écoute.
Les
laisser nous dire comment ils ont osé croire que
Jésus était ressuscité
.

Au
matin de Pâques il est deux groupes d’acteurs distincts.
Bien
qu’hésitantes, leurs démarches ne suivent pas tout à
fait le même chemin.

Les
femmes
. Les femmes ont toujours le sens du concret.
Elles
sont là, au ras de l’actualité, le nez collé au
drame.
Les aromates qu’elles portent en hâte vers le
tombeau seront - pensent-elles - leur dernière parole en cette
histoire.

Les
hommes
. Le réalisme des hommes est d’un autre ordre. Ils
le croient plus réel, bien sûr !
Leur regard se
porte déjà vers un avenir qu’il va bien falloir vivre
sans lui, sans Jésus.
Ce fût un temps d’espoir...
l’espoir s’est évanoui, mais le temps demeure, lui.
Les
hommes sont restés à la maison.
Deux d’entre eux
ont même repris la route pour rentrer au pays.
......

Le
pays, c’est Emmaüs. Un petit village à une dizaine de
kilomètres de Jérusalem.
Luc a gardé pour
nous la mémoire de ce parcours désenchanté. (Luc
24 v.13 à 35)
" Ils parlaient entre eux de tous ces
événements...
".
Les trajets étaient
longs à l’époque. Plus que dans nos transports en
commun actuels, il était courant d’engager conversation avec
ceux que l’on rencontrait :
" Comme ils parlaient et
discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et
fit route avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés
de le reconnaître.

Ce
récit a fait mouche dans la curiosité de générations
successives. Henri Bosco, par exemple :
" Ces deux
pèlerins d’Emmaüs m’ont suivi si longtemps, que j’en ai
rêvé sur les routes, alors que plus tard je les
parcourais à pied en Provence, aux meilleures années de
ma jeunesse. Quand tombait la nuit, si quelqu’un dans l’ombre
marchait derrière moi, j’écoutais son pas et je me
disais : Non ce n’est pas Lui, on ne l’entend pas s’approcher. Il
arrive près de nous en silence. Et même quand il
apparaît, simple comme l’homme qu’il fût, nous le voyons
sans le reconnaître.
". ( Note 1 )
......

Mais
revenons au récit de Luc :
" Quels sont ces propos
que vous échangez en marchant ?
" dit l`inconnu qui
s’est approché.
Ils s’arrêtent, l’air sombre. L’un
d’eux nommé Cléopas lui répond :
- Tu es bien
le seul à séjourner à Jérusalem, qui
n’ait pas appris ce qui s’y est passé ces jours-ci !
".

Le
récit ne manque pas d’humour, au fil duquel ces disciples vont
raconter à Celui qui les a rejoints, le triste itinéraire
de leur déception.
" Nous espérions que ce
serait lui, Jésus, qui allait délivrer Israël,
mais voici trois jours que ces faits se sont passés.
".

"
Toutefois ... " Toutefois, les femmes !

"
Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés.
S’étant rendues de grand matin au tombeau, et n’ayant pas
trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles avaient même
eu la vision d’anges qui le déclarent vivant.
Quelques uns
de nos compagnons sont allés au tombeau... et ce qu’ils ont
trouvé était conforme à ce que les femmes
avaient dit.
Mais Lui... ils ne l’ont pas trouvé.
"
.

Histoires
de femmes ! On connait, elles sont impressionnables.
Deux
millénaires ont-ils d’ailleurs fait beaucoup progresser la
confiance réciproque ?
......

Deux
événements vont alors intervenir. Deux actes précis.

Deux mains tendues à ceux et celles qui ont tant de mal à
prendre le risque de croire.

Une
écoute de l’Écriture
.
Voici les textes anciens
des prophètes, écoutés à nouveau,
revisités à la lumière de ces tristes événements
récents. Vous pensez sérieusement, dit Jésus,
que cela aurait pu finir autrement ?
" Ne fallait-il pas
que le Christ souffre et meurt !

Et commençant par
Moïse et tous les prophètes, il leur explique dans toutes
les Écritures ce qui le concernait.
".

D’accord
il s’agissait de Juifs pour lesquels l’Écriture est déjà
la vraie mémoire de l’histoire.
Il fallait déjà
avoir fait ce pari. Mais il ne suffisait pas.
L’histoire de ce
Jésus vient remettre en question l’approche traditionnelle de
ces vieux récits.

Alors
ça y est cette fois ci ...?
Vos yeux se sont enfin
ouverts...!
Non pas encore, pas tout à fait.
Une halte,
une étape. Il se fait tard... Vous resterez bien prendre un
verre avec nous ?

La
suite du récit n’a pas moins frappé les esprits.
"
Quand il se fût mis à table avec eux, il prit le
pain, prononça la bénédiction, le rompit et le
leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, puis
il leur devint invisible.
".

Qui
n’a en mémoire cette petite auberge ?
Rembrandt, une
première fois dans sa jeunesse avec son génie du
clair-obscur (Note 2 ), puis une nouvelle fois dans sa
maturité avec son trait de plume inimitable, saisira ces
pèlerins attablés... les tables voisines qui tendent
l’oreille.
Et puis ce troisième convive, soudain
transfiguré, qui partage le pain. (Note 3 )

-
" Notre coeur ne brûlait-il pas en dedans nous, tandis
qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures ?

". (v. 32)
Le repas de la Cène. L’eucharistie,
le repas du Merci, vient de bousculer l’ordre ancien du repas de la
Pâque juive.

Christ
est ressuscité ! Ils l’ont reconnu, et à cet instant il
n’est déjà plus visible à leur table.
Mais
désormais ils vont oser croire.
Leur foi c’est
d’abord ces onze kilomètres qu’ils vont refaire en sens
inverse vers Jérusalem.

J’aime
cette image de la foi que nous donnent les pèlerins d’Emmaüs.

Une marche responsable, et non une fuite hors de la réalité.

Deux
viatiques, deux provisions de route la rendent possible :

-
L’écoute de l’Écriture. Elle nourrit et
renouvelle l’intelligence de la foi.
Mémoire vive des
témoins du Christ, elle ré-oriente sans cesse notre
marche.
A son écoute nous pouvons poser nos pas dans les
traces de ceux du Christ.

-
Autour de la table familiale ou de la cantine du travail, les mains
passent le plat, les regards s’accueillent.
Ainsi en est-il du
partage du pain de la Cène.
Le Christ nous y offre
sa présence, invisible mais réelle.

De
toutes ces silhouettes assemblées autour de lui, il fait une
immense silhouette : celle de son corps.
Un homme en marche
dans l’histoire, qui laisse derrière lui un sillage
d’espérance.

Nos
pèlerins arriveront hors d’haleine pour partager la nouvelle
avec les amis.
Ils le savent déjà. Le bruit s’en est
répandu. A Pierre aussi il est apparu.

-
" C’est bien vrai, le Seigneur est ressuscité ! "
(Luc 24 v. 34).
......

Nous
aurions pu en rester là..

Après
tout si Christ est ressuscité, c’est Lui que cela
concerne.
Tant mieux pour lui, et pour les quelques illuminés
que son histoire a convaincus.

Seulement
voilà, la Bible et les témoins de cette histoire n’ont
pas clos ici leurs interpellations.
La résurrection de ce
Jésus ne peut être séparée dans
l’histoire, de ce qui advient à nos histoires, la vôtre
et la mienne.

"
Nous attendons la résurrection des morts et la vie du
siècle à venir
", poursuit dès sa
formulation la plus ancienne, l’affirmation de foi des chrétiens
. ( Note 4 )
......

La
promesse de notre résurrection d’abord.
Il faut
oser en parler, bien que les affirmations bibliques laissent sans
réponse
nombre de nos questions :

Quand
cela adviendra-t-il ? Quel âge aurons nous ? Nous reconnaîtrons
nous les uns les autres ? Comment pourrons nous tous tenir dans un
univers dès maintenant aussi encombré... ?

Déjà
cette promesse avait eu du mal à se frayer un chemin dans la
foi du peuple juif.

De
la dure épreuve de l’exil à Babylone au retour dans un
pays où tout était à reconstruire... il avait
fallu les rappels des prophètes pour qu’elle prenne corps
petit à petit.

Nous
avons entendu il y a deux semaines la réponse de Marthe. (Jean
11 v. 23 à 27)

A
l’affirmation de Jésus :
- " Ton frère
ressuscitera
. "
elle avait fait écho en
poursuivant :
- " Je sais qu’il ressuscitera, lors de la
résurrection au dernier jour
. ".
pour se
trouver brutalement prise de court par la réponse de Jésus
 :
- " Je suis... la résurrection ! "

Les
témoins bibliques se pressent autour de cette promesse pour
essayer d’en saisir toute la dimension. L’apôtre Paul en
particulier tente pour ses amis de Corinthe un début
d’explication :
- " Comment les morts ressuscitent-ils,
avec quel corps reviennent-ils ?
" (1 Cor. 15 v. 35).

Mais
on sent bien que les mots lui font défaut...
Le
raisonnement piétine, au seuil de ce qui dépasse
la raison.

Même
la poésie, qui parle au delà des mots, peut-elle y
parvenir ?
On ne visite pas aisément le Royaume du Christ -
ce Royaume de la vie - avec nos pesants sabots chargés de la
terre de nos cimetières.

Toute
représentation de notre résurrection se heurte à
l’impossible.
Nous y projetons nos fantasmes ou notre
imaginaire.
Nos mots humains sont impropres à décrire
ce qui les dépasse.

Les
témoignages du Nouveau Testament eux-mêmes restent
fragmentaires, insatisfaisants pour nos curiosités.

A
nos questions : " Dessine moi un ressuscité...",
l’Écriture répond simplement :" Tu ressusciteras
 !"
Il nous faut vivre et regarder la mort avec cette seule
promesse
.

Lumière,
dans notre pénombre... Mais qu’on ne peut souffler comme une
bougie :
- " Nous nous lèverons au dernier jour
".

L’amour
de Dieu pour nous, ne prend pas fin au jour de notre mort.
Elle ne
sera pas le dernier mot de notre histoire.
Les cimetières,
pour importants qu’ils soient dans la mémoire humaine, ne sont
pas l’étape ultime de notre cheminement.
......

Au
cri de désespoir :
-" Vous qui pénétrez
ici, abandonnez toute espérance
", (Note 5 )

répond le cri de la foi :
-" Nous attendons la
résurrection des morts et la vie du siècle à
venir
." (Note 4 )
......

Concernant le
mystère de notre propre résurrection, je ne puis
répondre aux questions auxquelles l’Écriture ne
répond pas
.
Je ne puis que vous rendre attentifs aux
échos qu’elle nous renvoie.
Vous bercer d’illusions, ou
vous ouvrir de fausses pistes serait bien plus grave encore.
......

Même
insatisfaisants pour notre curiosité, je sais pourtant que les
mots de l’Écriture ne sont pas vides.
Ils ne sont pas
d’illusoires consolations.
 Pour l’avoir,
comme pasteur, souvent vécu en accompagnant des familles
accablées par le deuil.
Pour les avoir partagées,
même dans les cas de plus extrêmes détresses, je
sais que ces paroles de l’Écriture sont paroles de vie.

Elles
attestent dès maintenant dans nos coeurs meurtris, que le
dernier mot n’a pas été dit.
Elles attestent que
l’on peut oser croire, face à la vie
......

La
curiosité sur notre propre résurrection reste
donc partiellement insatisfaite.

Mais
par contre... de la résurrection de Jésus, l’Écriture
tire pour nous des conséquences concernant notre vie, et dès
maintenant.

"
Une brèche s’ouvre dans le mur du destin ", écrit
Georges Casalis dans son étonnant : Dialogue avec ma mort.
"Jésus de Nazareth est le premier d’une multitude de
frères. C’est à la vie qu’appartient l’avenir. La
lumière de cette nouvelle donne à ce présent
ordinaire une saveur jusque là inconnue de toutes les
générations qui se sont succédé depuis
l’apparition de l’homme
". ( Note 6 )

En
se poursuivant, la vie de Jésus ouvre devant nous des routes,
où la vie humaine se voit conférer sans cesse une
dignité à laquelle nul ne doit porter atteinte.
Face
à tous les génocides de l’histoire elle inscrit un
refus catégorique.
......

Elle
est longue, en effet, la liste de ces mépris de la
vie.
Des souvenirs macabres des sacrifices humains des pyramides
aztèques, aux fumées des crématoires de la
Shoah...
Des plaines du Cambodge, aux forêts du Rwanda...

Avec quel cynisme renouvelé l’histoire humaine n’a-t-elle
pas inscrit son mépris de la vie !

Jamais
plus cela, se sont juré ceux qui ont réchappé de
ces enfers.
Il faut que la mémoire humaine en garde le
souvenir, que les jeunes générations ne puissent
oublier.

Jamais
plus cela ...
Mais...un serment fait avec ferveur au regard du
passé y suffira-t-il ?

Le
Christ victorieux ramenant les morts de l’enfer n’est pas là
pour couvrir ces crimes d’un voile d’oubli.
En rappelant Jésus
à la vie, Dieu signe le prix qu’il attache à toute vie
humaine.
La résurrection de Jésus est l’événement
qui nous dresse à jamais, contre tous ces mépris de la
vie.

Elle
est ce qui donne toute sa force à notre détermination
 : Plus jamais cela !
Plus jamais cela... car Dieu en relevant son
Fils Jésus des liens de la mort, a donné au monde un
avenir.
Un sens qui peut désarmer, même le plus
inconsolable des désespoirs.
......

Oser
croire face à la vie
peut s’inscrire de la manière
la plus concrète dans l’histoire.

J’aimerais
risquer ici l’expression : Droits de l’homme.
Elle fût, en
son temps le cri, vers une dignité retrouvée de
la vie humaine.
Nos pères de l’Assemblée
constituante nous l’ont laissé en héritage. (Note 7
)

Cet
héritage nous l’avons transmis à notre tour à la
communauté internationale.
Au sortir de la deuxième
guerre mondiale et de ses atrocités, elle devenait en 1948 :
"Déclaration Universelle des Droits de l’homme".

Nous
en fêtons cette année le 50° anniversaire.
Elle
est la charte sur laquelle repose les Nations Unies.
Fragile,
mais irremplaçable fondement, d’une communauté
internationale qui apprend à vivre ensemble.

Je
sais pourtant de combien de malentendus elle est aujourd’hui l’objet,
cette expression.

J’entends
les appels des voix féminines contre l’étroitesse de
notre vocabulaire traditionnel.
Une moitié de l’humanité
serait-elle exclue de ces droits ?

J’entends
les mises en garde de pays du Tiers-monde. Droits individuels,
privilèges de riches !
Que faites-vous des droits des
peuples, du droit au développement ?

J’entends
aussi - et parmi les croyants - le rappel qu’il n’est de droits sans
devoirs...
Peur que la revendication de leurs droits par les
hommes, ne porte atteinte aux droits de Dieu !

Il
faut écouter tous ces appels.
Chacun de ces échos a
sa part de vérité.
......

Mais
il ne faut pas taire pour autant, l’urgence du respect dû
à tout être humain.

A
notre époque de mondialisation, le rouleau compresseur de
l’économie n’a que trop tendance à broyer les plus
faibles.
Il faut que les Droits de l’homme et tous leurs militants
demeurent sentinelles vigilantes.

Totalitarismes,
arbitraire, tortures, purification ethnique jalonnent notre
quotidien.
La route, où s’avance en cahotant la communauté
internationale, a besoin de ces constants rappels.
Croyants et
incroyants y sont au coude à coude, tournés vers
l’espérance.

Il
nous faut aussi regarder avec beaucoup d’attention les menaces à
la vie qui résultent du développement inégal.

Un Nord largement pourvu et un Sud constamment précarisé.
Avec
en plus de profondes fractures sociales, tant au Nord qu’au Sud.
Il
ne s’agit pas là d’une fatalité, inscrite dans
l’histoire.

Lorsque
la loi implacable de l’économie dévore l’homme créé
à l’image de Dieu, elle doit être dénoncée,
ré-orientée.
La foi est tout le contraire d’une
résignation.

La
résurrection du Christ ne fait pas de l’espérance
qu’elle ouvre une utopie généreuse, autant
qu’irréaliste.
......

Au
matin de Pâques notre vie éternelle a déjà
commencé. (Jean 6 v. 47)
Pour ceux qui accueillent cette
espérance, elle éclaire les combats d’aujourd’hui d’une
lumière qui sera la réalité de demain.

La
venue de ce Règne de Dieu ne sera ni le résultat,
ni l’aboutissement de nos efforts, aussi persévérants
soient-ils.
Il demeure d’abord un cadeau qui vient à notre
rencontre.

Mais
notre vigilance et nos combats en jalonnent, dès
maintenant
, la venue.
Ils dressent, au milieu des espoirs et
des désespoirs de l’humanité, les signes qui marquent
la véritable espérance. L’espérance dont
l’apôtre Paul dit qu’elle ne trompe pas
......

La
Révélation
- c’est le nom du livre de l’Apocalypse
- cette révélation ne clôt pas le dernier
chapitre de la Bible sur une vision de cataclysme.
Bien au
contraire ! ( Apocalypse 21 v. 10 et 26)

La
cité nouvelle où l’humanité a rendez vous ne
connait plus de discriminations.
Les nations y apportent leurs
trésors et leurs cultures.
Il n’y est plus de temple, car
le temps de croire et célébrer est révolu.
L’espérance
est devenue réalité.

Dieu
lui-même a fait sa demeure au milieu des hommes.
La vie de
ce que nous appelons encore le siècle à venir, y
est devenue l’actualité.
Sa lumière donne
définitivement au monde son véritable visage, ses
véritables couleurs.

Telle
est la vision que la résurrection du Christ ouvre à
notre horizon !
......

Oser
croire !

Oser
croire, face à un Dieu qui déroute. Oser croire avec
intelligence... et publiquement.
Oser croire, face à la
mort, malgré nos doutes, et face à la vie.
......

J’ai
bien conscience, en arrivant au terme de ce parcours, de n’avoir pas
épuisé les défis contemporains à l’acte
de croire.
Je sais que nombre de questions demeurent ouvertes.

Mais
je sais, au seuil de cette semaine sainte qui va s’ouvrir une fois
encore...
Je sais qu’il est des hommes et des femmes de la Bible
qui ont pris ce risque de croire et dont la vie en a été
transformée.

Et
j’entends avec vous leur invitation, leur appel à les suivre
dans ce risque... à oser croire.


Seigneur,

Nous
cheminons si souvent comme des résignés.

Notre
esprit est lent à croire ce que disent les Écritures

Notre
coeur brûle peu à son écoute.

Nous
assistons muets, au partage de ton pain.


Comme à
l’auberge d’Emmaüs,

ouvre nos yeux, au quotidien de ta
présence.


En ce monde, où la vie d’autrui
est si facilement méprisée,

et le pain si mal
partagé,

Fais de nous des marcheurs d’espérance
 !


* * *


-
Origine des citations :

1)
Henri Bosco : "Un oubli moins profond" (Gallimard 1969)
2)
Rembrandt : Les pèlerins d’Emmaüs (Musée
Jacquemart-André Paris)
3) Rembrandt : Eau Forte : Les
pèlerins d’Emmaüs : reproduite dans "Rembrandt et la
Bible"de W. Visser’t Hooft (Delachaux et Niestlé 1947)
4)
Symbole de Nicée Constantinople
5) Inscription sur les
portails des camps de concentration nazis.
6) G. Casalis : "Un
semeur sortît pour semer" (Le Cerf 1988)
7) Déclaration
des Droits de l’Homme et du citoyen de l’Assemblée Nationale
le 26 Août 1789


-
Les citations musicales entrecoupant cette prédication
étaient tirées d’oeuvres pour orgue d’Olivier Messiaen
 : " Le banquet Messianique" , " Joie et clarté
des corps glorieux ", " Le Verbe ".