Carême 1998 : Oser croire

Croire face à un Dieu qui déroute

Judas, l’apôtre déçu par Jésus, qui trahit puis se pend et Marie la jeune fille qui accueille l’inattendu.
(Jean 13 v. 21 à 30 et Luc 1 v. 26 à 38)

Et
d’abord pourquoi oser ? La foi serait-elle un risque qu’il
faut prendre, une aventure dans laquelle il faut s’engager ?

Ne
serait-elle pas tout d’abord un don ? Oui... mais alors un don
inégalement réparti.

Que
d’amis ne m’ont-ils pas confié : " J’aimerais bien
croire, j’envie ceux qui croient..."

Serait
elle un privilège accordé à certains, et refusé
à d’autres ?
Séparerait-elle ceux qui auraient
cette chance d’autres, qui ne vont au delà de ce qu’ils voient
 ?
Et en définitive, les croyants sont-ils vraiment si
éloignés des incroyants ?
N’est-il pas des croyants
à la foi hésitante, et des non croyants en recherche ?

Que
de questions, que de défis, autour de ce seul mot : croire
 !
Défis d’hier, et défis d’aujourd’hui.
Défis
sans cesse renouvelés par le ressac des idées, et la
marée des évolutions culturelles sur la grève de
l’histoire.

C’est
avec justesse que Paul RICOEUR parle du "croyable
disponible
", propre à chaque époque.

Disons-le
d’emblée, au seuil de ce Carême et des six rendez vous
qu’il nous propose. Mon intention n’est pas de peser les chances
nouvelles de croire, ou de ne pas croire en notre époque dite
de retour du religieux.
Il est des mouvements et des sectes qui
excellent dans ces études de marché.

Il
y a vingt siècles, et sans l’avoir particulièrement
cherché, un certain nombre d’hommes et de femmes ont vécu
une curieuse aventure.
Un inconnu, qu’ils nomment Dieu, aurait
éventuellement fait une incursion dans leur histoire.

Au
tournant d’un nouveau siècle, j’aimerais essayer de comprendre
ce que croire a pu représenter pour eux, à cette
époque.

Nous
allons donc mener une enquête auprès d’une douzaine de
personnages réels et très divers En principe un homme
et une femme à chacune de nos rencontres.
Ils ont tous en
commun d’avoir été confrontés au choc de la
rencontre avec ce juif de Nazareth nommé Jésus.

Ils
en sont ressortis : troublés, sceptiques, retournés ou
bouleversés, et en ont rendu compte à leur entourage.

Le
Nouveau Testament nous a conservé les archives de ces
expériences.
Elles avaient marqué les premières
générations de chrétiens. Le souvenir de chacune
d’entre elles a joué un rôle dans la mémoire
première de cette aventure, comme dans sa transmission.

...........

Quels
échos éveillent-elles en nous qui sommes aujourd’hui
confrontés à tant de défis nouveaux ?
Avec
toute l’objectivité possible, mais aussi la modestie imposée
par le recul du temps, j’aimerais vous entraîner à leur
rencontre.
Occasion à chaque fois, de regarder en face
l’un des aspects du risque de croire.

Occasion
également de le mesurer, de le peser face aux défis qui
nous assaillent en cette fin de siècle.
Défi de la
science, défi de religions et croyances multiples, défi
d’une culture qui se mondialise dans un monde qui se rétrécit.
Inquiétudes sur le sens et l’avenir de notre univers.

En
ce premier samedi, c’est Judas qui vient à notre
rencontre.
Judas, qu’on appelle : l’Iscariote.
Peut-être
était-il originaire du village de Kerioth au sud de la Judée
 ?

Ce
surnom pourrait aussi venir du mot : sicaire ?
Il s’agissait du
court poignard des résistants zélotes à
l’occupation romaine.
On s’est en effet demandé si Judas
n’était pas proche de ces résistants.

Un
ami
, un compagnon de Jésus qui, à l’issue d’un
repas d’adieux, le livre à ses adversaires pour moins de mille
francs d’aujourd’hui. Le prix du rachat d’un esclave.
Judas le
traître, qui va ensuite se pendre de désespoir.

Son
histoire nous est racontée dans les quatre évangiles.

Il y est nommé plus de vingt fois.
C’est le récit
de Jean, qui nous guidera aujourd’hui.

Ils
sont à table pour le dernier repas de la Pâque (Jean 13
v. 21 à 30) : " Jésus leur déclara
solennellement : - En vérité, en vérité
je vous le dis : l’un de vous va me livrer.
Les disciples se
regardaient les uns les autres, se demandant de qui il parlait.
Un
des disciples, celui-là même que Jésus aimait, se
trouvait à côté de lui.
Simon Pierre lui fit
signe : "Demande de qui il parle "
Le disciple se
pencha alors sur la poitrine de Jésus et lui dit : -
Seigneur
qui est-ce ?
Jésus répondit : -
C’est celui à
qui je donnerai la bouchée que je vais tremper.
Sur ce,
Jésus prit la bouchée qu’il avait trempée et il
la donna à Judas Iscariote, fils de Simon.
..........

Quant à Judas
- poursuit le récit - ayant
pris la bouchée, il sortit immédiatement, il faisait
nuit.
"

Par
son suicide Judas se privera de la possibilité de confirmer,
ou contester, l’image que ses compagnons laisseront de lui.

Nombreux
sont les historiens et les écrivains que la personne de ce
Judas a interpellés : Paul Claudel, Lanza del Vasto, et bien
d’autres encore ont essayé de percer son mystère...

Mais, peut-on faire parler le silence ?.

Les
évangiles font souvent allusion à la déception
des disciples, confrontés à Jésus...
Luc
fera dire aux compagnons sur la route d’Emmaüs (Luc 24 v. 21)
"
Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait
Israël, mais voilà...
"

Espérance
nationaliste déçue... grave pour un peuple occupé
et pour ses résistants.
Image d’un Messie non conforme à
l’attente populaire... déroutant pour la foi de ceux qui
espèrent en sa venue !

Bien
sur on conservait le souvenir des prophètes et de leur langage
vigoureux.
Jean-Baptiste lui-même, son précurseur
immédiat, avait attiré les foules en dépit de
ses apostrophes sans concession.

Mais
Jésus, lui, reste déroutant. Il soulève tour à
tour l’enthousiasme des foules, la perplexité de ses proches
et l’hostilité de la classe religieuse dirigeante.

Sa
crucifixion ne fera, que sonner la déroute finale.

Judas
pourrait bien être un déçu de ce Jésus.

....................

Avant
de l’interpeller à notre tour, ce Judas, rappelons nous les
évangiles. C’est après une nuit entière de
réflexion et de prière que Jésus l’a choisi, lui
et ses compagnons.

Il
le suivra donc pendant les trois années que son itinérance
a vraisemblablement duré.
Notre récit précise
même qu’il était le trésorier du groupe, signe de
confiance s’il en est.

Alors
quoi Judas ?

Une erreur de Jésus ? Un faible, une
marionnette manipulée de l’extérieur, par les opposants
à Jésus ?
Un personnage programmé par un
logiciel pour cette sombre besogne ?

Était-il
libre ?
Que de discussions n’a-t-il pas suscité ?

La
sobriété des évangiles à son sujet,
contraste avec le trop plein de nos imaginations.

Les
personnages de l’Écriture apparaissent toujours comme des
femmes et des hommes libres.
Libres en tous cas de dire non
à cet interlocuteur gênant qui se présente comme
Dieu.

Même
s’il a souvent de la suite dans les idées, celui qu’ils
nomment Dieu tient compte de leur refus : Moïse, Jérémie,
Jonas et d’autres prophètes en ont fait l’expérience.
Des
disciples abandonnent Jésus, après l’avoir suivi un
temps.
Sans compter ceux que leur refus a sans doute fait sortir
de la mémoire.

Non,
la foi d’une marionnette n’est pas la foi.
Le Dieu de l’Écriture
veut des réponses libres.

Credo
 : en français je crois, n’est pas seulement l’adhésion
à un catalogue d’affirmations, si importantes
soient-elles.
Credo est d’abord l’acte libre d’une personne
libre,
Péguy le fait dire à Dieu-lui même,
quand il parle de la foi de Saint Louis (Note 1 ) :
"
Quand on a connu d’être aimé par des hommes libres,
les prosternements d’esclaves ne vous disent plus rien...
"

Alors
quoi Judas ?

Un fourbe aurait-il tenu trois ans ?
Plutôt
un déçu de Jésus !
Déçu, à
la mesure de l’espérance qu’il avait mise en lui.

Déçu,
parce qu’il ne correspond pas à l’image de ce qu’il attendait
de Dieu, ce Jésus qui perd son temps avec les marginaux,
s’intéresse aux étrangers.
On retrouve bien dans ses
paroles l’écho de celles proclamées à tant de
reprises par les prophètes. Mais il ne prend aucune
initiative. Il ne fait rien pour tendre la main à la
résistance armée des zélotes contre l’occupation
pesante des Romains.

Judas,
s’il est proche de ces milieux, l’aurait-il livré pour
l’obliger à se démasquer enfin ?

Ne
sommes nous pas ici précisément, au coeur de l’un des
obstacles à la foi ?

........

La
première des difficultés de croire n’est-elle pas que
nous avons toujours un Dieu préfabriqué dans notre tête
 ?

Peut-être
plus une idole de pierre aujourd’hui, mais une idée,
bien arrêtée.

Comment
ce Dieu peut-il supporter les horreurs que nous voyons sans cesse ?

Alors qu’il fasse son travail de Dieu, au lieu de se prélasser
dans son ciel.
C’est quand même à lui de réparer
tout ce qui va de travers.
La Création a bien droit à
un service après vente.

D’ailleurs,
vous le savez bien, si Dieu existait... on ne verrait pas tout ce que
l’on voit : les génocides, les enfants maltraités,
assassinés, les injustices, les maladies, les catastrophes.

Quant
au triste exemple souvent donné par les chrétiens
eux-mêmes, les pages sombres de leur histoire, celles de leurs
divisions... cela vous donne envie de croire à vous ?

Des
écrivains, comme Alfred de Vigny, dans son "journal d’un
poète" expriment très bien notre révolte.
Révolte contre un Dieu qui a déserté, et
se rend coupable de "non assistance à personne en danger"
 :

"
Ce sera ce jour-là, que Dieu viendra se justifier devant
toutes les âmes...
". ( Note 2 )
Cité
à comparaître devant l’humanité ce Dieu là
qui laisse tout aller à vau l’eau...

Oui...
mais si la convocation revenait avec la mention : "inconnu"
 !
S’il n’existait pas, en fin de compte, ce Dieu dont nous avons
fabriqué le portrait-robot.
Si ce n’était pas lui
qui présidait le tribunal chargé de juger les crimes
contre l’humanité... mais qu’il marchait en tête du
cortège... de ceux que l’on mène à
l’abattoir.
..........................

"Ne
cherche pas Dieu au ciel, tu ne l’’y trouveras pas. aurait écrit
Luther ( Note 3 ) Le ciel est devenu vide de Lui.
Cherche le sur
la terre, où il se tient caché et crucifié.
A
ta porte. A côté de toi
".

Serait-ce
possible ?

Un tel Dieu... avons nous vraiment besoin de lui ?

"Je me débrouille très bien sans lui" me
disait un adolescent.
A-t-il une place dans notre monde ?
Si
l’espace où nous le confinons était vide !

Un
Dieu qui respecte notre liberté, notre responsabilité :
Inimaginable, non crédible !
Un Dieu qui s’approche de nos
misères : à quoi bon ?
D’ailleurs, qu’est-ce que
cela change ?

Il
n’est guère de place pour un "tout autre"
dans notre monde si répertorié.
..............

Pourtant,
à l’ombre de Judas et des grands refus dont l’Écriture
nous a gardé le souvenir, il est aussi d’humbles personnages.

Leur vie sera transformée par la rencontre avec ce Dieu
insolite, autant qu’inattendu.

Myriam
de Nazareth, cette adolescente inconnue jusqu’alors, est l’un d’entre
eux.
Selon Luc, médecin, puis missionnaire reconverti en
écrivain d’évangile ( Luc 1 v. 26 à 38) :

"
Au sixième mois, l’ange - le messager - l’ange
Gabriel fût envoyé par Dieu dans une ville de Galilée
nommée : Nazareth...
à une jeune fille accordée
en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de
David.
Cette jeune fille s’appelait : Myriam, Marie.
L’ange
entra auprès d’elle et lui dit :
- Sois joyeuse, toi qui
as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi !
A ces mots elle
fût très troublée et elle se demandait ce que
pouvait signifier cette salutation.
". ...............

Avant
que d’accepter de devenir mystérieusement celle qui mettra au
monde le Sauveur attendu par son peuple. Avant que de devenir la
Marie des évangiles, puis la mère éprouvée
d’un fils assassiné... la petite Marie oppose ses doutes à
l’étrange promesse du visiteur.

"
Je te salue, toi à qui grâce a été
faite
" ... lui a dit Gabriel, l’ange qui voit Dieu en face.

"
Comment cela serait-il possible ? " ...
rétorque-t-elle.

Luc,
qui est le seul à faire état de cette rencontre, a sans
doute retrouvé les traces conservées dans la mémoire
familiale à Nazareth. On n’avait guère cherché à
simplifier ni même à embellir l’histoire.
Qu’allait
dire Joseph, le promis, ses parents, et le village de cette grossesse
précoce ?

Selon
l’évangéliste Marc, c’est-à-dire la tradition la
plus ancienne, Marie plus tard, ne s’oppose même pas à
l’avis familial : il a perdu la raison, ce Fils !

Elle
l’a pourtant prononcé le : oui
... murmuré
peut-être... enfanté dans la douleur :

"
Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta
parole...
"
......

Plus
tard elle chantera ... Bienheureuse !
Mais quel
cheminement avant d’avoir renoncé à ses propres projets
pour accueillir l’étrange visite de celui que la foi de son
peuple attendait... mais, pour plus tard, et pas chez elle ! ........

Marie
a osé croire l’impossible d’un Dieu qui se ferait
homme, en elle.
Judas, lui, n’a pas supporté un Dieu qui
marchait libre, à ses côtés.

La
Bible est le livre de mémoire d’hommes et de femmes, qui
ont osé
, chacun un peu à sa manière ! ......

Au
dire du livre des Actes, la place laissée vide par Judas sera
comblée par un certain Matthias, dont nous ne saurons plus
rien par la suite.

Par
contre, ce même livre nous parle abondamment d’un nommé
Saul originaire de Tarse ville de la Turquie d’aujourd’hui. Il
pourchasse les partisans de ce Jésus, il sera retourné
à son tour par sa rencontre avec Lui.

Son
nom est changé en Paul. Sa vie l’est aussi, radicalement. Au
point que les sculpteurs n’hésiteront pas à lui donner
un jour la place de Judas, parmi les douze apôtres, sur les
porches de nos cathédrales.

Mais
le plus étonnant c’est que l’idée fixe qu’il a de son
Dieu, par son milieu, par toute sa culture et toute sa vie, en est
bouleversée.
Serait-il vraiment possible que les hommes ne
soient pas jugés au seul miroir de la Loi juive ?

Le
Dieu, dont Jésus lui dévoile le secret, est un Dieu qui
aime tous les êtres humains, quels qu’ils soient. Un Dieu qui
pardonne et qui fait grâce. Il ne peut être connu et crû
que tel
 !

Dure
conversion que celle de Paul, total changement de mentalité et
d’attitude de ce croyant.
Nécessité de tout
reconstruire, en revenant à l’essentiel, d’inventer une
nouvelle manière de rendre compte de sa foi.
Prodigieux
surgissement d’une intelligence nouvelle sur l’identité de
Dieu !
Elle va nourrir la foi des générations
suivantes... et jusqu’à aujourd’hui. ......

Il
est dans le Nouveau Testament une lettre adressée au peuple
juif, que l’on nomme épître aux Hébreux. Elle
fait à sa manière une relecture de toute l’histoire
passée. Elle évoque l’immense cortège de tous
ceux qui ont osé croire à l’appel de Dieu (Hebr.
11 v. 8).

"
C’est par la foi, dit-elle, qu’Abraham se mit en marche..."
ouvrant cette caravane.
La description se poursuit jusqu’à
Jésus de Nazareth.

Nous
savons aujourd’hui que l’histoire est jalonnée de ces témoins
de la foi.
Nous pouvons en poursuivre l’énumération.

Dans
les premiers siècles après la venue de Jésus :

Cyprien de Carthage, Irénée de Lyon, Augustin
d’Hippone...
Combien d’hommes et de femmes, dont certains iront
jusqu’au martyr, pour avoir crû..

Souvenez
vous aussi de ce petit moine allemand, enfermé dans le
sentiment de son indignité à en devenir malade.
Son supérieur lui dira un jour : frère Martin, il faut
perséverer dans la lecture des Écritures !

Luther
se plonge alors dans la lettre adressée par ce Paul aux
chrétiens de Rome.
L’identité du Dieu qui fait
grâce bouleverse sa vie à son tour.
......

La
citation que nous avons lue de lui, il y a un instant, sur le ciel
vide de Dieu en témoigne.
Il veut dès lors que le
peuple chrétien tout entier retrouve cette joie première.

Il ne comprendra jamais la surdité d’une église,
bien sclérosée à son époque. Combien
l’auraient réjoui les renouveaux de notre temps... l’ouverture
des dialogues ¶cuméniques, la recherche commune de
l’essentiel de la foi !
...........

Depuis,
et plus proches de nous, d’autres oseront croire cela !

Les
protestants se souviennent de ces femmes, enfermées dans la
tour de Constance à Aigues Mortes au temps des persécutions
religieuses.
Elles avaient osé croire au Dieu qui
sauve par sa seule grâce.
L’une d’elles : Marie Durand y
restera trente huit ans !

Plus
récemment : Dietrich Bonhoeffer, ce théologien allemand
résistant au Nazisme.
Avec l’église confessante
allemande, il dira non à ce totalitarisme réducteur
qui veut éliminer le peuple juif. Il sera pendu en Avril 1945,
sur l’ordre personnel d’Hitler.

Tous
se souviennent de Martin Luther King, ce pasteur baptiste du Sud des
États-Unis.
Au nom de ce même Dieu qui fait grâce
à tous ses enfants, il se dressera contre le pouvoir blanc qui
tente de prolonger l’histoire de l’esclavage.

Dans
les années soixante il conduira des marches pacifiques.

L’une d’elle mènera près d’un million de ses frères
jusque devant la Maison Blanche.
Le prix Nobel, décerné
en 1964, ne l’empêchera pas de tomber sous les balles
vengeresses trois années plus tard.
Mais la jeunesse du
monde entier chante aujourd’hui encore " We shall overcome some
day...". Nous surmonterons la haine.

Aucune
église n’a le monopole des témoins et martyrs de la
foi.

Monseigneur
Romero, Archevêque de San Salvador, sera assassiné sur
le parvis de sa cathédrale pour avoir pris le parti des
pauvres de son peuple.
Pierre Claverie, Évêque
d’Oran, un ami très proche pour moi, le sera également.

Les moines de Tiberijne, enlevés et égorgés.

Et tant d’autres encore... pour avoir osé croire à
l’amour et refusé la haine.

Combien
de nos frères orthodoxes dans les Goulags... ?

En
Afrique du Sud, Monseigneur Desmond Tutu, l’évêque
anglican du Cap ose lancer, avec Nelson Mandela, la "commission
pour la vérité et la réconciliation".
Au
terme de la sombre nuit de l’apartheid, possibilité offerte,
pendant deux années, à tous ceux - noirs et blancs -
qui ont la conscience chargée... de venir avouer publiquement
ce qu’ils ont fait.
Audition retransmise par la télévision.
Après quoi la justice abandonne toute poursuite à leur
encontre.

Exemple,
peut-être unique dans l’histoire, d’un pardon social
institutionnalisé !
Un peuple entier qui ose croire
en un Dieu qui pardonne ! ......

Dès
Octobre 1945 l’Église évangélique allemande
énonce publiquement sa : Déclaration de culpabilité
pour ce qui s’était passé sous le nazisme. Peut être
l’un des textes les plus émouvants de l’histoire !

"C’est
avec une profonde douleur que nous déclarons : par notre faute
une indicible souffrance s’est abattue sur beaucoup de peuples et de
pays ... Nous nous accusons de n’avoir pas rendu un témoignage
plus courageux...
". ( Note 4 )

Mais
il faudra attendre 40 ans pour que le Chancelier allemand Brandt lors
d’une première visite officielle à Jérusalem en
1985 demande publiquement pardon au peuple juif pour l’holocauste.

Récemment,
la demande de pardon des évêques de France, pour le
silence de leur église sous Vichy...

Toujours
inattendue, incroyable, la manifestation d’un Dieu, dont l’identité
est celle d’un libérateur.
Celui qui dénoue les
noeuds de nos contradictions, nous libère de nos préjugés
et de nos aliénations.
Celui qui nous délivre des
pièges de notre moralisme, et des impasses de nos
auto-justifications.
......

Oser
croire... en un Dieu qui déroute.

Laisser
aux sondages d’opinion le soin de définir les contours de la
foi résiduelle de notre époque,
le profil d’un Dieu
socialement et religieusement correct.

Abandonner
nos idées toutes faites
et l’hypothèse d’un Dieu
fabriqué à notre image, tel que nous le voulons,

un Dieu compatible avec notre conscient et notre inconscient.

Remettre
en question l’image, peut-être lointaine, d’un éventuel
catéchisme de notre enfance,
autant d’ailleurs que celle
d’un anticléricalisme un peu dépassé.

Regarder
avec circonspection les exaltations mystiques débridées,

et avec méfiance le lavage de cerveaux de nouveaux
mouvements religieux,
sans nous bloquer pour autant sur
l’impossibilité d’un Dieu
,
dans un monde aussi
violent.

Oui,
oser croire,
en la venue d’un Dieu
dont la compassion
pour l’homme,
et l’espérance qu’il met en lui,
font
voler en éclats par leur dimension,
même les plus
audacieux de nos rêves de liberté.

Seigneur,

il était bien de tes amis
ce Judas qui te livra par
dépit.

De
nos blocages, de nos refus,
de nos lâchetés,
dénoue
le noeud maudit !

Donne
nous l’audace et la fraîcheur
du oui
de la petite Marie
 !

* * *


-Origine
des citations :

1)
Ch. Péguy : "Prières" - Saint Louis
2)
Alfred de Vigny : "Journal d’un Poète" - Les
destinées
3) " Gorgées d’évangile"
 : M. Bouttier : Libres propos du frère Martin - (Éditions
Bergers et Mages 1997)
4) Citée dans : " l’Exigence
Oecuménique" Marc Boegner - (Albin Michel 1968)


-
Les citations musicales entrecoupant cette prédication
étaient tirées d’oeuvres d’Ernest Bloch : Symphonie
dans le désert - Salomon - Sucoth