Carême 1968 : L’EGLISE EN JUGEMENTL’AMOUR ABANDONNÉI L’AMOUR ABANDONNÉ Apocalypse 2/1-7 :
« Ce que j’ai contre toi, c’est que tu as abandonné ton premier amour ». Tel est le jugement lapidaire prononcé contre l’Eglise d’Ephèse, au temps de l’empereur Domitien. Je me demande si ce n’est pas le premier grand reproche que le Christ fait aujourd’hui encore à son Eglise. Ce n’est pourtant pas sans une réelle tendresse que le Seigneur parle à l’Eglise d’Ephèse. C’est presque avec un parti pris d’indulgence. (N’est-ce pas d’ailleurs ainsi que juge toujours Celui qui a donné sa vie ?) Dieu ne méconnaît rien des aspects positifs, voire excellents, de cette Eglise située dans la grande et célèbre capitale de l’Asie mineure d’alors, avec sans doute ses 250 000 habitants, et que Pline appelle « la lumière de l’Asie ». C’était un des centres les plus brillants de la culture hellénique, et païenne, avec son Temple d’Artémis — « la Diane des Ephésiens », comme on disait — une des sept merveilles du monde. C’était aussi un des centres spirituels du Christianisme primitif. On dirait aujourd’hui que c’était une grande et belle paroisse. L’apôtre Paul — le livre des Actes des apôtres le raconte en détails — y avait exercé un ministère fructueux et difficile. Il avait dû finalement quitter clandestinement la ville parce que sa prédication avait ébranlé le culte païen de Diane, et le commerce qui fleurissait autour de son temple. En effet, une émeute avait été fomentée par celui qu’on appellerait aujourd’hui le président du syndicat des objets de piété, un certain Demetrius, contre cet étranger dont la simple parole risquait de ruiner l’industrie locale. Paul n’avait pourtant pas perdu son temps à Ephèse. Il avait utilement semé. D’autres avaient continué son œuvre, ces « anciens » d’Ephèse qu’il prendra soin plus tard de convoquer dans une localité voisine, à Milet, lorsqu’à la fin de son dernier voyage missionnaire il s’en retourne vers Jérusalem, et pressent, comme il dit, les tribulations qui l’attendent. Il ne peut s’empêcher alors de prendre congé à travers eux de cette Eglise qui est son enfant et qu’il aime, et de leur laisser le bouleversant testament spirituel dont nous avons l’écho à la fin du livre des Actes. Au temps de l’Apocalypse, au moment donc où est écrite la lettre qui nous intéresse aujourd’hui, c’est-à-dire pendant le règne cruel de Domitien sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine, entre 81 et 90 de notre ère, de grandes choses se passent dans cette grande Eglise. Le jugement de Dieu n’a garde de les méconnaître, pas plus qu’il n’oublie jamais, et qu’il ne saurait être question d’oublier, tout ce qui est bon et juste dans l’Eglise au moment même où il la juge. Car l’Eglise d’Ephèse n’est certes pas une église paresseuse ou nonchalante : il est question ici de ses « œuvres », de son « travail ». Elle ne se laisse pas non plus aller à des enthousiasmes éphémères ou à des découragements subits : par deux fois il est question de sa patience, de sa persévérance. Elle n’est pas non plus tolérante à bon marché : elle ne croit pas et ne laisse pas croire que le bien et le mal soient une seule et même chose et qu’il ne soit pas nécessaire de choisir. Elle sait ce qu’est la vérité et le respect qu’on lui doit. Elle n’hésite pas à « reprendre les menteurs » : elle montre en cela du courage. Elle est clairvoyante et perspicace : elle reconnaît les vrais et les faux apôtres. On ne la trompe pas. Elle sait peser à leur juste poids les ministères, leurs doctrines et leurs pratiques. Elle ne tolère pas « les œuvres » de ces « Nicolaïtes » dont il semble qu’on parlait beaucoup alors. Ce nom aujourd’hui oublié désignait sans doute une tendance qui ne se situe pas seulement dans le passé. En effet, ils prônaient et pratiquaient probablement la liberté charnelle sous le prétexte qu’elle ne souille pas l’esprit et que le chrétien, puisqu’il est « sous la Grâce » de Dieu, n’a plus besoin de loi morale. Enfin l’Eglise d’Ephèse a connu la persécution, et a tenu bon. Bref, c’est une bonne et belle Eglise, comme on aimerait sans doute en voir beaucoup, une Eglise solide, « orthodoxe », qui décidément a reçu de grands dons ; une Eglise qu’on pourrait être tenté d’envier, d’admirer, et de prendre sans hésiter en exemple. Pourtant, le Christ son Seigneur a quelque chose contre elle, oui, contre elle. Car il arrive que le Seigneur lui-même se déclare contre les siens, contre l’Eglise : son adversaire, et pas seulement son appui, son soutien et son protecteur. Il arrive que Dieu ne soit pas seulement pour nous ou avec nous, mais contre nous : parce qu’il est le Dieu vivant, le « Tout-autre », celui qui ne nous ressemble pas, et ne ressemble pas davantage à ce que nous imaginons de lui. Il est assez bon pour ne pas tout laisser passer, et pour ne pas nous permettre de nous engager sur n’importe quel chemin. C’est pourquoi Il accuse avec tant de force et de sourde tristesse : « Tu as abandonné ton premier amour ». Cela ne signifie pas seulement « tes premières amours », comme pourrait le faire croire une locution courante, ou « ton amour d’antan » comme traduit la Bible de Jérusalem. Cette Eglise n’est pas seulement versatile. « Ton premier amour », cela veut dire l’amour premier dont tu as été et dont tu es l’objet, l’amour préalable à tout, préalable à toute foi, à toute œuvre, lesquelles ne peuvent jamais être que des réponses ; l’amour qui a tout précédé et qui par conséquent passe avant tout, l’amour qui, comme l’écrit saint Jean, « nous a aimés le premier ». Cet amour-là existait avant l’existence de quoi que ce soit. L’origine même du monde en est une manifestation ; l’histoire aussi du peuple juif, tiré par Dieu, comme dit le prophète Osée, avec des « cordages d’amour ». Cet amour existait donc avant toute Eglise. Sans lui elle ne serait qu’une société humaine, fondée par des hommes, par leur religiosité, leur besoin de surnaturel, leur imagination, mais pouvant servir de cadre à n’importe quelle religion qui soit l’œuvre des hommes. Or, cet amour véritable, cet amour premier, saint Jean n’hésite pas à dire qu’on ne le connaît qu’à travers Jésus-Christ, dans le don qui se situe entre Noël et Pâques, et auquel le comble a été mis lors de la Semaine Sainte. Bonhoeffer, dans son « Ethique », refuse toutes les définitions qui voient l’essence de l’amour dans un comportement humain, dans un don de soi, un esprit d’offrande et de sacrifice, dans un sentiment de communauté, dans une fraternité et un service. « Tout cela, dit-il, peut exister sans amour, non pas seulement parce qu’il peut y demeurer un reste d’égoïsme qui obscurcit l’amour, mais parce que l’amour est quelque chose d’autre. C’est Dieu qui est amour. Ce qu’est l’amour, seul le sait quiconque connaît Dieu, et la révélation que Dieu a faite de lui-même, à savoir Jésus de Nazareth. L’amour, c’est en effet la réconciliation de l’homme avec Dieu par Jésus-Christ. Toute cause de séparation est abolie, entre l’homme et Dieu, entre les hommes — entre eux et le monde — entre l’homme et lui-même : l’amour, ce n’est pas un choix décidé et accompli par nous. C’est un événement qui nous arrive. C’est le choix de l’homme par Dieu ». « L’amour de Dieu a été manifesté envers nous, dit saint Jean, en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’Il nous a aimés » (1 Jean 4/9-10). C’est cet amour-là que le jugement de Dieu reproche à l’Eglise d’Ephèse — et à combien d’autres ! — d’avoir « abandonné », lâché, de s’en être détaché. Ce qui lui manque, malgré le nom de chrétien qu’elle continue à porter, c’est cette relation personnelle et fondamentale avec Jésus-Christ, l’amour vivant. Elle a reçu beaucoup de dons, cette Eglise, parmi ceux qu’énumère le célèbre chapitre 13 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, justement pour les opposer à l’amour : « Quand j’aurais le don de prophétie..., quand j’aurais toute la foi jusqu’à transporter les montagnes..., quand je distribuerais mes biens pour nourrir les indigents, quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne sert de rien » (1 Corinthiens 13/2-3). Derrière le comportement le plus magnifique, sans l’amour il n’y a plus qu’un vide. L’Eglise d’Ephèse — et combien d’autres — ont perdu ainsi leur existence même. Comme on a pu l’écrire : « Dieu trouve en elle une servante, alors qu’il voulait une fiancée ». Oh, bien sûr, cette Eglise a continué à parler d’amour, et même d’amour de Dieu. Mais sans doute n’en vivait-elle plus. L’amour dont elle parlait était une sorte de grand modèle des amours humaines. Ce n’était plus l’insolite amour humilié de Celui qui avait accepté d’être homme parmi les hommes, l’amour où le Maître se fait serviteur, l’amour qui a totalement dévoilé son visage à Golgotha. Cet amour-là, l’Eglise l’a si souvent remplacé par le soi-disant amour d’un « bon Dieu » doucereux, à qui on ne s’adresse que pour appeler au secours, un « deus ex machina » n’intervenant, comme dit encore Bonhoeffer, que « pour résoudre apparemment des problèmes insolubles, un Dieu « aux limites » et non pas « au centre » ! Bref, elle a fait parfois du « premier amour » une sorte d’amour second, d’amour de pacotille, à l’échelle de nos besoins à nous, et non à échelle de Dieu. Ce n’est plus qu’une sorte de sécurité, au lieu d’être une communion. Du même coup, l’Eglise d’Ephèse ne pouvait plus penser à contempler et à adorer un amour de Dieu dont elle ne connaissait plus que les succédanés ou les caricatures : « L’amour abandonné », c’est donc d’abord la relation d’amour qui s’exprime dans le culte, la prière, l’adoration. Mais qui dit « amour premier » dit aussi amour à l’origine de tout autre amour, amour non seulement contemplé et adoré, mais en même temps inscrit concrètement dans le monde en termes d’action et de service. Car l’amour est un tout qui ne se morcelle pas. « C’est comme hommes tout entiers, dit encore Bonhoeffer, que nous sommes aimés par Dieu en Jésus-Christ, réconciliés avec Dieu. C’est comme hommes tout entiers que nous aimons Dieu et les frères ». Lorsque l’Eglise l’oublie, il ne faut pas s’étonner qu’on n’aperçoive plus en elle qu’une dégénérescence de l’amour, voire une caricature, quel que soit le zèle dont elle fait preuve par ailleurs. En abandonnant peu ou prou la relation d’amour dont nous sommes aimés, nous abandonnons aussi l’amour pour les autres, tant les choses se tiennent. Elles se tiennent tellement que l’inverse est également vrai : en abandonnant l’amour du prochain, on abandonne aussi l’amour de Dieu. L’amour du prochain passe par l’amour de Dieu. L’amour de Dieu passe par l’amour du prochain. « Tu as abandonné ton premier amour », l’amour premier dont nous sommes l’objet. On n’en finirait pas de traduire ce jugement en termes concrets, et actuels. C’est pourtant ce qui doit toujours être tenté, si la parole biblique n’est pas seulement un monument du passé. D’abord, il faut voir ici une mise en garde contre toute tendance qui voudrait que l’action et le service puissent remplacer le culte et la prière. D’autre part, notre culte et notre prière n’ont-ils pas, eux aussi, « abandonné l’amour » ? Je veux dire : remplacé par trop de paroles le geste silencieux et aimant de Marie de Béthanie, assise tout simplement aux pieds de son Seigneur. Sans doute s’efforce-t-on aujourd’hui à juste titre de retrouver dans l’Eglise l’amour de tous les hommes, l’amour du monde. On se rappelle la parabole du jugement dernier et ces paroles de Jésus : « Tout ce que vous aurez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait » (Matthieu 25/40), ou encore les mots de saint Jean : « Celui qui dit : j’aime Dieu, et qui n’aime pas son frère est un menteur » (1 Jean 5/20). Certes, il est temps de s’en mieux souvenir. Mais on risque aussi d’oublier l’autre et inséparable aspect du Nouveau Testament, à savoir qu’il manque toujours quelque chose à tout amour des hommes s’il évacue l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ et contemplé dans l’adoration. C’est beaucoup moins admis, nous le savons bien. Comment ne pas penser, en effet, à tous les incroyants qui donnent aux chrétiens des leçons d’amour pour les autres ? Cependant l’Evangile est clair : l’amour complet, c’est l’un et l’autre. On peut se demander, comme le fait Georges Mollard dans un récent numéro de la revue « Esprit », « si l’épouse du Christ, encombrée par les soins du ménage, ne rayonne plus l’amour de son époux, de ses enfants et des hommes », en quoi elle n’est plus « l’humble compagne de la marche des hommes ». Peut-être parce qu’elle oublie d’être « l’humble compagne aimante de son Dieu ». Il faut se demander aussi pourquoi l’amour est devenu si souvent la « charité » des « bonnes œuvres » (avec la sonorité condescendante de ces mots). Il faut voir comment on abuse du terme de « communauté » là où en fait si peu de choses sont mises en commun et, en mettant les choses au mieux, une si petite partie de chaque chose. Il faut se demander pourquoi l’action de l’Eglise est si timide et prudente, si inefficace dans le domaine de la réconciliation entre les peuples, les races ou les classes sociales, pourquoi si souvent elle ne sait que multiplier les belles déclarations et les appels pathétiques, pourquoi elle a mis tant de temps à admettre l’objection de conscience, pourquoi elle n’est pas plus radicale contre l’armement atomique, sa menace de destruction et de pollution du monde, pourquoi elle montre tant de lenteur dans la recherche d’une unité entre Chrétiens qui prétendent pourtant connaître l’amour en Jésus-Christ, pourquoi elle supporte, et parfois soutient les injustices, et s’étonne quand la conférence « Eglise et Société » du conseil œcuménique réunie en 1966 ose parler d’une « théologie de la révolution », bref pourquoi en tout cela elle court si peu les risques de l’amour. Quoi d’étonnant alors si c’est parfois du monde profane que lui viennent les leçons ? Vous connaissez peut-être la belle chanson moderne qui imagine l’invasion montante des loups, jusqu’au jour où les hommes ayant retrouvé l’amour et la fraternité « les loups sont sortis de Paris ». De même que l’amour de Dieu se mue en sentimentalisme, de même l’amour des hommes se dégrade en philanthropie, voire en tolérance (comme s’il suffisait de tolérer !), peut-être même en lâcheté, quand l’Eglise ne sait plus aimer suffisamment pour crier l’inébranlable exigence du service et du sacrifice. Comme on comprend alors, lorsque l’amour du prochain est devenu si fade, qu’on le tourne parfois en dérision, et qu’on préfère préconiser une virile violence. Où est, oui, où est dans la vie et l’action de l’Eglise cet « amour premier » qui perd sa vie, comme Jésus-Christ, et en son nom, au lieu de chercher à la sauver ? Ce tableau est-il trop noir ? Cet « abandon de l’amour » ne serait-il pas plutôt une défaillance de détail, une légère déformation qu’il faut certes essayer de corriger, mais qui n’entamerait pas la valeur et la solidité de l’ensemble ? Ce n’est pas ce que le Christ vivant dit à la belle, grande, orthodoxe et courageuse Eglise d’Ephèse. Pour lui il s’agit d’une chute. La lettre que nous lisons aujourd’hui est formelle : « Souviens-toi d’où tu es tombée ». Car lorsque l’amour vrai est abandonné, lorsqu’il n’est plus soit adoré, soit agi, soit les deux, tout est abandonné, l’Eglise est déchue. Elle est comme un arbre amputé à la fois de ses racines et de ses branches. Il ne reste plus rien de vivant. L’homme moderne a beau multiplier ses vertigineuses découvertes, tout lui manque lorsqu’il manque d’amour. Or, il n’a guère appris à aimer, il faut bien le reconnaître, et l’Eglise en est sûrement en partie responsable. La lettre à Ephèse le proclame : cette situation de l’Eglise ne se redresse pas tout doucement, progressivement, par de prudentes et insensibles retouches. C’est un repentir qui est indispensable, et que le Christ réclame, ou pour traduire plus exactement le texte grec, c’est une conversion, un changement total de direction. L’Eglise qui abandonne l’amour, et qui ainsi trahit son Seigneur, les hommes, et elle-même, ne se redresse pas. Elle se repent. Un « aggiornamento » ne saurait suffire. Elle doit demander pardon et faire demi-tour. Elle doit se convertir. Si elle ne le fait pas, la menace qui pèse sur elle est terrible (c’est encore la lettre à l’Eglise d’Ephèse qui le proclame) : « J’ôterai ton chandelier de sa place ». Ce qui ne veut pas dire seulement : « Ephèse, tu perdras ton rang de métropole religieuse » (Bible de Jérusalem). Cela signifie : tu n’éclaireras plus autour de toi. Tu seras l’ombre et non plus la lumière. Tu ne seras plus « la lumière du monde », alors que Jésus pourtant avait osé dire à ses disciples qu’ils l’étaient. La lumière de l’amour de Dieu en Jésus-Christ continuera pourtant de luire, mais ailleurs, à une autre place, dans d’autres Eglises peut-être, dans lesquelles l’amour premier aura sa juste place, et qui, elles, ne l’abandonneront pas ; qui sait même, peut-être brillera-t-elle là ou l’on ne prononcera même plus le mot d’Eglise ? Car de toute façon la lumière ne s’éteindra pas. Le Christ qui parle à l’Eglise d’Ephèse et à toute Eglise qui lui ressemble à travers le monde et le temps, est « le premier et le dernier », c’est-à-dire l’éternellement vivant. Il est le porteur de la lumière et la source de la lumière, celui qui se présente ici comme marchant au milieu des sept chandeliers d’or, c’est-à-dire au milieu de cette Eglise universelle qui, comme Jean-Baptiste, ne sera jamais la lumière, mais toujours chargée de la porter, comme le fait un candélabre. Voici ce que l’Esprit dit aux Eglises au sujet de l’amour. Si, par la grâce de Dieu, quelque Eglise ici ou là a des oreilles pour entendre, si elle se repent et se convertit au « premier amour », si quelqu’un et quelque Eglise remporte cette victoire, c’est la vie qui lui est promise, la vraie, la seule vie authentique d’une Eglise vivante, la vie « première », elle aussi, celle de l’« arbre de vie », c’est-à-dire celle qui remonte aux premiers gestes de Dieu et de sa création, et qui aboutit aux situations les plus concrètes d’aujourd’hui, celle qui est à la fois racines, tronc et branches. Car la vie de l’Eglise, ce n’est pas la vitalité ou l’agitation ; cela ne consiste pas à faire parler d’elle. Ce n’est pas le prestige. C’est la vie qui trouve sa source dans l’amour parfait, manifesté dans le Christ frère et serviteur des hommes, et mort sur la Croix pour eux. C’est celle aussi qui voit poindre à l’horizon, envers et contre tout, à cause des promesses du Christ, le triomphe final de l’amour absolu, de l’unité parfaite avec l’amour de Dieu et de la réconciliation du monde entier. L’Eglise du Christ, c’est celle qui est en marche entre les deux moments de Noël et du Royaume de Dieu, celle qui se situe quelque part entre ces deux pôles, sur le trajet brûlant de l’étincelle d’amour qui ne cesse de jaillir entre eux, en passant par le Calvaire. |