Carême 1931 : QU’EST-CE QUE L’EGLISE ?

L’EGLISE MILITANTE

L’EGLISE MILITANTE

 

En m’entendant parler de notre mère l’Eglise, certains de mes auditeurs ont jugé peut-être que je m’évadais de la réalité pour m’attarder à la description d’un idéal qui ne leur est jamais apparu, jusqu’à présent, incarné dans l’Eglise dont ils sont membres.

Si j’ai cru devoir rappeler à ceux qui l’oublient ou le méconnaissent dans quel sens et de quelle manière l’Eglise est notre mère, et dans quel sens et de quelle manière nous avons à la reconnaître pour telle, ce n’est nullement que j’aie dessein de voiler d’illusions ou de rêve la réalité souvent douloureuse. J’espère en donner la preuve au cours de la présente étude.

Mais la réalité est complexe et mouvante. Elle a des aspects multiples et contradictoires. C’est pourquoi, si réaliste qu’on soit et qu’on veuille être, on est en droit d’affirmer tout à la fois et que l’Eglise est une mère dont la tendresse est ressentie, par un nombre immense de chrétiens, comme une grâce de Dieu, et que l’Eglise est un soldat qui n’a pas su, toujours, demander à son seul Chef, Jésus-Christ, les armes dont elle devait se servir, ni dépenser ses énergies dans les seuls combats qu’il l’appelle à livrer.

Parlons donc aujourd’hui de l’Eglise militante dont le sort est, comme pour l’homme, d’être un soldat (1), de ce qu’elle a été dans le passé, de ce que l’état actuel du monde exige qu’elle soit aujourd’hui.

— 1 —

Militante, Messieurs, l’Eglise chrétienne l’a été dès le jour où, sortant de la chambre haute de Jérusalem, au matin de Pentecôte, les disciples du Christ sont allés en pleine foule humaine rendre témoignage à la puissance du saint Esprit et à la victoire du Christ ressuscité.

Militante, l’Eglise ne peut pas ne pas l’être, aussi bien à cause de ce qu’elle est qu’à cause de ce qu’est l’humanité où elle est appelée à vivre et, par conséquent, à agir.

Héritière des ambitions des prophètes, dont Jésus a précisé et achevé le message, l’Eglise sent reposer sur elle, dès le premier jour, une vocation d’universalité. C’est à elle qu’il appartient d’accomplir la mission confiée, jadis, par l’un des plus grands prophètes, au serviteur de l’Eternel : « Je t’établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre » (2). C’est pour elle qu’il a été dit : « Elargis l’espace de ta tente, allonge tes cordages et affermis tes pieux » (3).

Mais, plus encore, l’Eglise a conscience d’avoir reçu du Christ l’obligation primordiale d’être missionnaire. C’est au plus profond de l’âme des apôtres et, par conséquent, de l’âme de l’Eglise que s’est implanté l’ordre du Maître : « Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie... » (4). « Allez et prêchez l’Evangile à toute créature » (5). Et il ne s’agit pas ici d’une consigne qu’on observe parce que celui qui l’a donnée est en droit de commander et que ceux qui l’ont reçue sont tenus de lui obéir. La vocation que le Christ a adressée à l’Eglise, jaillissant de son amour pour Dieu et pour les hommes, l’Eglise, dès le premier jour, l’a acceptée, l’a vécue comme la loi même de son être et de sa vie, parce que, dès le premier jour, elle a compris qu’elle n’a pas de tâche plus essentielle que d’incarner en elle les saintes ambitions de l’amour éternel qui, par le Christ, veut se révéler aux hommes et leur révéler du même coup qu’ils ne deviendront ce qu’ils sont appelés à être, de par l’intention créatrice de Dieu, qu’en aimant Celui qui les a aimés le premier (6) et en s’aimant, en lui et par lui, les uns les autres.

Seulement, Messieurs, dans l’accomplissement de sa tâche et, plus simplement encore, par le seul fait qu’elle est et qu’elle vit, l’Eglise devient, comme le Christ, un « signe de contradiction » (7). « Par son rayonnement, l’exercice le plus spirituel de son activité apostolique pénètre, comme le son et la lumière, ceux qui en sont les témoins, fût-ce involontairement. Elle secoue les torpeurs, elle dévoile les illusions, elle trouble les satisfactions du monde » (8). Non plus seulement à cause de ce qu’elle est, mais en raison de ce qu’est l’humanité où elle a pris place, elle est inévitablement militante. En prêchant l’Evangile, même à ceux qui ne veulent pas l’entendre, elle se heurte à des ignorances, elle suscite des résistances, elle affronte des haines et des colères. Qu’on l’accuse alors d’intrusion illégitime et intolérable, le fait est constant. Mais n’est-ce pas elle, en définitive, qui s’expose elle-même « aux vraies violences de ce monde, aux violences du vieil homme qui ne veut pas se renoncer et qui défend ses appétits, ses intérêts et ses erreurs » (9) ?

Ce n’est pas à une humanité vouée, en vertu d’on ne sait quel principe, à une évolution plus ou moins rapide vers un progrès fatal que l’Eglise est appelée à apporter la bonne nouvelle du salut, c’est à une humanité qui, précisément, a besoin d’être sauvée, parce qu’asservie aux puissances sataniques ; elle ne peut se sauver elle-même ni même vouloir, d’une volonté droite et persévérante, le salut dont, cependant, elle sent parfois la nécessité.

Quelle clarté projette sur les combats, dès lors nécessaires, de l’Eglise militante, l’affirmation redoutable du Christ : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée ! » (10).

Le temps me manque, Messieurs, pour vous résumer, même à grands traits, dans ce qu’elle a eu de lumineux et de magnifique, l’épopée de l’Eglise militante.

L’apôtre saint Paul l’inaugure par une longue suite de combats dont il ne sort jamais sans blessures. « Souffre avec moi comme un bon soldat de Jésus-Christ », écrit-il à son disciple Timothée (11). L’Eglise, d’un seul cœur, répond tout entière à cet appel.

Les missionnaires de la Bonne Nouvelle s’en vont, avec les seules armes de l’Esprit, à la conquête du monde. La Gaule romaine reçoit l’Evangile et, bientôt, comme tant d’autres régions, elle donne à l’Eglise des confesseurs et des martyrs. « Je suis chrétien », ne se lasse pas de répéter, sous les outrages et les tortures, le diacre Sanctus, de l’Eglise de Lyon persécutée et, à cette simple et héroïque confession de foi fait écho la confession que Blandine, inlassablement, répète à ses bourreaux : « Je suis chrétienne ».

Deux siècles se passent. L’Eglise, désormais à l’abri de la persécution, reprend sa marche en avant vers de nouvelles conquêtes. C’est un saint Martin, le saint le plus populaire de France, qui évangélise plusieurs de nos provinces, sans que jamais les difficultés ou les périls triomphent de sa charité. C’est un Grégoire le Grand qui, devenu Pape, envoie, vers la fin du VI° siècle, dans la Bretagne d’alors, l’Angleterre d’aujourd’hui, les premiers missionnaires qui la gagneront à Jésus-Christ. Plus tard encore, c’est un fils de la jeune Eglise d’Angleterre, saint Boniface, qui devient l’apôtre de la Germanie.

De nouveaux siècles s’écoulent. Dans l’Europe tout entière christianisée, mais où les guerres intestines sont incessantes, l’Eglise s’efforce de prêcher la paix. Elle ne renonce pas toutefois à porter l’Evangile là où il n’a pas encore pénétré. Saint François d’Assise fait partager à ses fils spirituels ses ambitions apostoliques et, bientôt, les missions franciscaines ont, au Maroc, leurs premiers martyrs. Puis, c’est Raymond Lulle, franciscain lui aussi, qui, ne pouvant persuader à la chrétienté d’aller « fraternellement unie » à l’ « assaut spirituel » du monde musulman, décide de se rendre seul en terre d’Islam et y meurt lapidé (12). Deux cents ans après, c’est François Xavier, le pionnier des missions de la Compagnie de Jésus, qui porte le christianisme jusqu’au Japon et meurt au moment où il espère pouvoir le prêcher en Chine.

Dans le même temps, dans l’Europe chrétienne divisée par la Réforme, les Eglises qui veulent rendre à l’Evangile la première place dans la foi et dans la vie ont, à leur tour, leurs confesseurs et leurs martyrs. Elles aussi, comme l’Eglise des premiers siècles, deviennent un signe de contradiction. N’évoquons aujourd’hui leurs indicibles souffrances que pour rappeler que, longtemps, elles durent combattre simplement pour ne pas mourir, ce qui signifiait à leurs yeux sauvegarder pour notre peuple le droit de se nourrir librement de la Parole de Dieu.

Et puis, Messieurs, dès le XVII° siècle, le premier éveil des ambitions missionnaires s’affirme, avec un John Eliot, dans la chrétienté évangélique. L’Eglise des Frères Moraves ne tarde pas à donner aux autres Eglises de la Réforme le grand exemple d’une Eglise que consume le zèle apostolique. A l’appel de William Carey les premières sociétés de missions se fondent en Angleterre. Et c’est alors, à travers tout le XIX° siècle, le développement ininterrompu des missions protestantes, qui force l’admiration des missionnaires catholiques, témoins de leur croissance, de leur labeur, et, souvent aussi, de leurs souffrances. Un John Williams, un Hunt, un Livingstone, un Taylor, un Coillard, sont en plein paganisme d’Océanie, d’Afrique ou d’Asie, les pionniers de l’Evangile de Jésus-Christ. Près de 30 000 missionnaires protestants, hommes et femmes, que secondent 150 000 ouvriers indigènes, dont plus de 10 000 pasteurs ; et, dans l’Eglise romaine, où il est impossible de ne pas saluer un renouveau d’ardeur apostolique, 24 000 prêtres et sœurs missionnaires, aidés de 100 000 ouvriers indigènes dont 4 500 prêtres : telle est aujourd’hui, Messieurs, la grande armée par laquelle l’Eglise s’affirme militante au sein des peuples non chrétiens.

Toutefois, l’Eglise n’est pas seulement militante au loin, en face du paganisme et de l’Islam. Elle est militante auprès, partout où Dieu l’appelle, selon la parole du Christ, à « soumettre les démons » (13). Dieu seul connaît les secrets combats par lesquels, dans toutes les Eglises, des âmes chrétiennes s’efforcent de répondre aux exigences de la sainteté et de l’amour dont la grâce leur donne l’inexprimable nostalgie et qu’elle seule peut les aider à recevoir dans une acceptation qui est une victoire. Mais, d’autres combats de l’Eglise militante, nous sommes tous témoins. Les fléaux de l’esclavage, de l’alcoolisme, de la guerre, qui donc a pris l’initiative de les combattre, sinon des disciples de Jésus-Christ ? Qui donc est descendu dans les bas-fonds du vice et de la misère pour y chercher les esclaves du péché et leur enseigner qu’ils peuvent devenir des hommes libres, sinon des disciples de Jésus-Christ ?

Assurément, Messieurs, aucune Eglise ne doit s’enorgueillir de ce que de ses fils ou de ses filles aient livré les saints combats de l’amour qui triomphe par le don qu’il fait de lui-même. Ne laissons pas croire, cependant, et ne laissons pas dire que l’Eglise de Jésus-Christ ait été infidèle à son Chef au point de toujours se résigner à demeurer inerte et passive devant celui qu’à juste titre Jésus appelait le Prince de ce monde, mais dont il disait aussi, dans une vision prophétique, au lendemain des premiers efforts d’évangélisation de ses disciples : « J’ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair » (14).

Ne vous en ai-je pas dit assez, Messieurs, pour vous faire entrevoir combien est émouvante l’histoire des combats de l’Eglise militante ?

Elle le serait beaucoup plus encore si tous les combats de l’Eglise avaient été ceux que Dieu lui demandait de livrer, si toutes ses forces n’avaient tendu qu’à un seul but : le salut de tous les peuples.

Qu’il n’en ait pas été ainsi, qu’aux lumières dont quelques rayons viennent de venir jusqu’à nous se soient opposées des ombres, et des ombres qui, trop souvent, ont caché la lumière, c’est ce qu’il faut avoir la loyauté de reconnaître, et ce dont l’Eglise, dans toutes les confessions chrétiennes qui la représentent, devrait avoir le courage de s’humilier.

Luttes détestables, menées avec des armes charnelles, pour la conquête d’une primauté dissimulant mal des appétits de pouvoir temporel ; batailles incessantes pour contraindre les Etats au service des intérêts, pas toujours spirituels, de l’Eglise ; recours coupable — quelle que soit la confession qui y ait fait appel — au bras séculier pour extirper les hérésies ou réduire les minorités religieuses ; responsabilité indéniable dans des persécutions où se dépensait le meilleur des énergies de l’Eglise : ce ne sont là que des exemples des erreurs tragiques ou des crimes odieux de l’Eglise aux heures où, vaincue par les démons dont Dieu l’appelait à triompher, elle a cédé à la tentation de combattre avec des armes charnelles et dans des desseins charnels, et a laissé tomber à terre les seules armes qui doivent être les siennes, les armes de l’Esprit.

Combien de millions d’hommes n’ont vu ou n’ont voulu voir, de l’Eglise militante, que ces batailles funestes où les victoires qu’elle croyait remporter étaient, dans l’ordre des réalités éternelles, d’irréparables défaites ! Qu’ils se soient éloignés de l’Eglise, qu’ils aient rompu avec elle et, trop souvent, avec le christianisme, qui s’en étonnerait ? Cette sécession de multitudes humaines, se détournant de l’Eglise et du même coup de l’Evangile dont elle était, auprès d’elles, le seul messager, est incontestablement l’un des facteurs qui ont rendu le monde contemporain si radicalement différent de ceux qui l’ont précédé.

De ce qu’est ce monde contemporain, de ce qui le caractérise, il importe maintenant de se rendre compte pour être en mesure de préciser la tâche de l’Eglise militante d’aujourd’hui.

— 2 —

Lorsque, en 1928, se réunirent à Jérusalem, sur l’invitation du Conseil missionnaire international (15), les représentants les plus qualifiés des Sociétés de missions d’Europe et d’Amérique et des Eglises chrétiennes indigènes d’Asie et d’Afrique, à l’exception de celles qui se rattachent à l’Eglise romaine, de tous les témoignages apportés se dégagea, avec une force irrésistible, la conviction que le caractère essentiel du monde contemporain et de sa civilisation est ce que, faute d’un meilleur terme, on appelle sa « sécularisation » ou son « laïcisme ». Par où l’on entend que la civilisation moderne, à laquelle participent désormais les peuples de l’Asie et de l’Afrique, a rompu, de la façon la plus nette, avec toute base religieuse et se constitue en dehors de quelque fin religieuse que ce soit assignée à l’homme et à l’humanité.

C’est là, Messieurs, du point de vue de l’histoire universelle, un fait nouveau et unique dont il convient de souligner l’importance et la gravité.

Toujours, dans l’histoire du monde, la civilisation est apparue étroitement liée à la religion. Il en a été ainsi dans la Rome ancienne avant Auguste, dans la Grèce avant Périclès, dans les anciennes civilisations de Babylone, de l’Assyrie et de l’Egypte, aussi bien que de la Chine et du Japon, du Mexique et du Pérou. Et les peuples dits primitifs présentent, eux aussi, le même spectacle : la religion est le facteur prédominant de la vie sociale et de la civilisation (16). Le monde contemporain nous offre un spectacle tout différent. Essayons d’en saisir les traits essentiels, tout d’abord dans les peuples d’Occident et, ensuite, dans les peuples d’Extrême-Orient.

On a insisté, à maintes reprises, sur l’aspect scientifique, technique et industriel de la civilisation moderne. Il est exact de dire qu’à certains égards elle est caractérisée par le triomphe de la machine. Cependant, à ne voir que ce côté des choses, on se condamnerait à une vue superficielle. Il faut remonter plus haut et aller plus profond.

Il semble bien, en effet, que la civilisation moderne ait sa cause première dans la révolution décisive qu’a déterminée la Renaissance dans les rapports de l’homme avec Dieu et de l’homme avec le monde.

La Renaissance a abouti à une déformation singulièrement redoutable de quelques-unes des affirmations auxquelles le christianisme attache le plus de prix. A la notion si féconde de la responsabilité humaine, elle a substitué celle de son autonomie. A l’idée d’un monde distinct de Dieu, elle a substitué celle d’un univers autonome. De l’affirmation chrétienne que l’homme ne dépend pas du monde au milieu duquel il vit, la Renaissance a conclu que le monde est à la disposition de l’homme comme l’objet offert à l’exercice de sa pensée et de son action.

L’individu, autonome à l’égard de Dieu, dont le christianisme l’affirmait dépendant, et du monde dont il le savait solidaire, voilà l’homme dont la Renaissance a préparé l’avènement. Au principe de cette émancipation, elle a mis la souveraineté de la raison. « C’est par la raison que l’individu est autonome, car tout individu est doué de raison autant que tout autre. Dès lors il n’a pas besoin de l’autre. C’est par la raison que l’homme détache le monde de Dieu, car sa raison le rend capable d’étudier et de gouverner le monde. C’est par la raison qu’il devient le maître du monde car, par elle, il en fait l’objet de sa science et de sa technique. Par la raison, enfin, l’homme moderne est son propre Dieu, car il porte en lui-même, c’est-à-dire dans sa raison, la loi du vrai et du bien. L’autonomie, telle que l’entend l’homme moderne, est la déification de soi-même » (17).

Ainsi, le monde moderne apparaît non pas comme la cause, mais comme l’effet du bouleversement profond apporté dans la notion même de l’homme. Le fondement de la vie humaine est désormais la propre raison de l’homme. L’homme est libéré des liens qui l’unissaient au Dieu de la révélation ; mais il est libéré aussi des liens par lesquels le Dieu de la révélation le rattachait à ses semblables et au monde. De là l’isolement tragique de l’homme moderne dans un monde où les vérités scientifiques, techniques, économiques, font oublier la vérité humaine, et éliminent Dieu de la pensée laïcisée. Au-dessus de lui l’homme n’a plus de Ciel vers lequel lever ses yeux inquiets ou fatigués. La critique historique a sapé, pour beaucoup, les fondements de la révélation traditionnelle, et nombreux sont ceux qui, par elle et par ses outrances, ont été conduits à ne plus voir dans l’Evangile du Christ qu’un mythe infiniment émouvant, sans doute, mais sans réalité historique véritablement insérée dans la trame de l’humanité. Et d’ailleurs l’Eglise, qui continue de bercer nos souffrances en nous parlant de l’Evangile et d’un Dieu qui s’est révélé et veut se donner à nous, a éloigné trop souvent d’elle l’homme moderne par ses propres capitulations devant les puissances dont cependant elle avait pour mission de triompher.

A côté de lui l’homme ne voit que des inconnus, des concurrents à redouter ou des naïfs à exploiter. Et en lui-même, à la place de l’image d’un Dieu qui l’a fait « à sa ressemblance » (18), il ne trouve plus que des forces obscures que sa raison est impuissante à maîtriser.

Mais, ainsi que l’a noté le philosophe Berdiaeff, « l’homme ne peut supporter l’isolement. Il se désagrège à cause de cette solitude, il invente des contrefaçons de communion spirituelle et de liens spirituels » (19). J’ajoute : il se crée de fausses religions. N’en avons-nous pas la preuve décisive là où triomphe le nationalisme ou le communisme ?

Ne croyez pas, Messieurs, que je méconnaisse rien de ce que le monde contemporain porte en lui d’aspirations généreuses, de désir de justice et, plus encore, d’inquiétude douloureuse, ni que j’oublie la responsabilité encourue par toutes les Eglises dans la situation tragique que nous envisageons en ce moment. Me trompé-je, toutefois, en disant, avec de nombreux observateurs de notre humanité d’aujourd’hui, que la vie du monde, dans son infinie diversité, s’éloigne de plus en plus du christianisme ? Non pas parce que le monde est plus pécheur qu’autrefois, il l’a toujours été ; mais parce qu’il a été conduit à nier le principe même du christianisme et qu’il perd le sens du péché (20). Qui donc pourrait contester que cette négation soit étroitement liée à l’affirmation de l’autonomie souveraine de la raison humaine ?

Et si l’on veut souligner le caractère particulièrement redoutable de la croisade entreprise en Russie et méthodiquement développée contre Dieu par les ennemis de la religion orthodoxe et de toutes les confessions chrétiennes, ne convient-il pas de dire qu’elle s’affirme comme la négation essentielle de toutes les valeurs spirituelles, comme la négation essentielle de tout lien par lequel l’homme se rattacherait à un Dieu ?

Ce qu’un développement de trois siècles a fait lentement germer et mûrir au sein des nations occidentales, il semble que quelques décades suffisent à le produire dans les peuples dont les civilisations très anciennes, comme en Orient, ou dites primitives, comme en Australie ou en Afrique, subissent le choc de la civilisation occidentale. Le laïcisme moderne, après qu’il se fût développé en terre chrétienne, s’est rapidement répandu sur le monde entier. Son irruption soudaine dans les pays de civilisation non chrétienne y a provoqué, au témoignage des observateurs indigènes les plus compétents, de véritables dévastations. Oui, le monde est « extraordinairement civilisé ». Partout, les indigènes de l’Afrique ou de l’Océanie, aussi bien que les peuples de l’Orient, prennent de la civilisation « tout ce qui peut leur épargner quelque effort ou leur procurer quelque plaisir nouveau » (21). Mais, sous le choc souvent brutal d’une civilisation saisie soit par ses aspects les plus matériels, soit dans ce que son rationalisme a de plus dangereux, à savoir la prétention de l’homme à se suffire à lui-même, l’armature spirituelle que les religions de l’Orient ou même de l’Afrique et de l’Océanie avaient donnée à la civilisation de leurs peuples craque de toute part et menace de s’effondrer. L’Orient, l’Orient lui-même, dont le génie éminemment religieux s’est affirmé pendant de si longs siècles, est pris maintenant sous l’étreinte du laïcisme moderne ; il semble en train de perdre sa vision religieuse de la vie et du monde et proclame déjà, ici et là, que la religion est hostile à tout progrès et à toute vie sociale forte et saine (22).

Telle apparaît, Messieurs, dans son principe fondamental et dans son orientation essentielle, l’humanité contemporaine au milieu de laquelle l’Eglise, en dépit de ses fautes et de ses misères, demeure la grande éducatrice de l’homme en quête d’une vérité sur lui-même, sur ce qu’il est et sur ce qu’il doit être.

— 3 —

Dans cette humanité l’Eglise a, comme au premier jour, l’obligation primordiale d’être missionnaire. Mais quel message apportera-t-elle aux hommes et dans quel sens lui appartient-il d’être militante ?

Voyons, tout d’abord, ce que doit être son action proprement apostolique parmi les peuples non chrétiens.

Le message de l’Eglise au monde, Messieurs, la Conférence œcuménique de Lausanne l’a solennellement affirmé, « est et restera toujours l’Evangile de Jésus-Christ ».

« Jésus-Christ, a dit la Conférence, présenté comme le Crucifié et le Glorifié, comme le « Sauveur » et le « Seigneur », reste le centre de l’Evangile missionnaire prêché au monde entier par ses apôtres et par son Eglise. Et, parce que Jésus-Christ est lui-même l’Evangile, l’Evangile est le message de l’Eglise au monde » (23). Mieux qu’une théorie philosophique, qu’un système théologique ou qu’un programme de civilisation matérielle, l’Evangile est le don que fait Dieu d’un monde nouveau à un monde vieilli dans le péché et dans la mort. L’Evangile est la sommation prophétique adressée au pécheur pour qu’il se convertisse à Dieu, et la joyeuse nouvelle que la foi au Christ justifie et sanctifie les croyants. Il est la source de l’énergie nécessaire à la régénération de la société. Il montre la seule voie ouverte à l’humanité pour se libérer des haines de race et de classe, il offre le seul moyen de garantir le bonheur de chaque peuple, ainsi que l’amitié internationale et la paix. Il est un appel miséricordieux au monde non chrétien, en Orient et en Occident, une invitation à posséder la joie promise par le Dieu vivant (24).

Les missionnaires que l’Eglise envoie porter ce message au monde poursuivent leur œuvre, aujourd’hui, dans une atmosphère de tempête, au milieu des passions humaines exacerbées. A aucune époque, sans doute, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, on le remarquait récemment, les missionnaires n’ont eu à se reposer si complètement sur la bonne volonté de ceux à qui ils demandent de les accueillir et d’écouter leur message (25).

Le temps est passé où les missions chrétiennes pouvaient s’appuyer sur la puissance politique ou militaire de leur gouvernement. Bien plutôt se heurtent-elles à un nationalisme qui déferle sur le monde entier. Quant au prestige du blanc, il a, très particulièrement depuis la guerre, fait place à la méfiance, voire à l’hostilité.

Le temps est passé également où les missionnaires pouvaient présenter le christianisme, le christianisme de leur confession ou de leur secte, en y adjoignant la civilisation chrétienne presque tout entière, comme un tout parfait à substituer à une religion et à une civilisation païennes ou musulmanes, considérées comme un tout entièrement mauvais. Trop longtemps les peuples non chrétiens ont eu le sentiment qu’on venait à eux, au nom de l’Eglise et de Jésus-Christ, comme un supérieur va vers des inférieurs.

L’Eglise chrétienne sait aujourd’hui que son action missionnaire ne consiste pas seulement à arracher quelques âmes à leurs superstitions et à leur idolâtrie, mais à aller au secours des peuples non chrétiens pour les aider à trouver, dans l’Evangile, la vérité dont ils puissent vivre, et sur laquelle, tout d’abord, ils puissent s’appuyer pour sortir victorieux de la crise redoutable provoquée par leur contact avec la civilisation moderne.

Grâce à Dieu, Messieurs, l’Eglise est acculée à ne plus se servir, dans son œuvre missionnaire, que des armes de l’Esprit. L’arme spirituelle par excellence est l’amour. Aller vers les peuples non chrétiens avec la seule puissance de l’amour, étudier avec l’intelligence que donne le véritable amour leurs croyances religieuses, les plus grossières en apparence, pour y découvrir les pressentiments plus ou moins obscurs, l’espoir plus ou moins certain, l’attente plus ou moins inquiète des réalités surnaturelles dont l’Evangile révèle la plénitude ; prêcher l’Evangile, prêcher Jésus-Christ, oui, certes, mais en croyant que son Esprit saura guider tout peuple, toute race qui s’ouvre à son action, vers la formulation originale de la vérité chrétienne et l’intégrer au corps du Christ par le meilleur de son génie propre, purifié et sanctifié par le saint Esprit : voilà ce qu’un nombre croissant de missionnaires savent être la méthode nécessaire des missions contemporaines, voilà ce dont l’Eglise tout entière doit prendre plus nettement conscience lorsqu’elle médite, devant les difficultés qui s’amoncellent, l’ordre qu’elle a reçu de son Maître : « Allez et prêchez l’Evangile à toute créature ».

Mais, encore une fois, le monde non chrétien n’est pas seulement en Asie, en Afrique, en Océanie. Il est en Europe aussi bien qu’en Amérique. Il est tout près de nous, il nous entoure, il nous enserre de tout côté. C’est donc également là où nous vivons que l’Eglise a charge de « prêcher l’Evangile à toute créature ».

Ainsi sommes-nous conduits à nous demander ce que doit être l’apologétique de l’Eglise militante dans notre monde déchristianisé.

« Le rôle de l’apologétique, a-t-on dit, est de s’adresser à ceux qui ne croient pas pour les amener à croire » (26). On pourrait assez exactement la définir en disant qu’elle est l’effort de l’Eglise pour persuader aux hommes de se convertir à la vérité chrétienne, de la connaître et de se l’assimiler, en un mot d’en faire leur vérité, de manière à ce qu’elle vive en eux et à ce qu’ils vivent par elle.

Que certaines méthodes, trop longtemps utilisées par l’apologétique chrétienne, et qui l’ont plus déconsidérée qu’elles n’ont servi la vérité, doivent être définitivement abandonnées, je n’ai garde de le contester.

L’apologétique qui présenterait le christianisme comme une vérité, étrangère tout d’abord à l’homme tel qu’il est, et que celui-ci aurait à mettre en lui comme après coup, ou à la façon d’un fait constaté dans le temps et dans l’espace, et dont la connaissance s’impose du dehors, ne pourrait que contribuer à accroître le nombre des sceptiques et des négateurs.

Que l’apologétique se garde, d’autre part, de paraître se réduire à n’être qu’une défense du christianisme, et parfois même d’un christianisme rendu solidaire d’un ordre de choses dont l’Eglise croit avoir intérêt à assurer la perpétuité. Trop souvent, a-t-on pu dire justement, « les apologètes ont donné l’impression d’être les champions du passé plutôt que ceux de l’avenir et de l’éternité » (27). Et trop souvent aussi ils n’ont su ni rendre justice aux aspirations de leurs adversaires, ni reconnaître leur sincérité.

C’est au centre même des aspirations tumultueuses du monde contemporain que l’apologétique chrétienne doit s’établir. Prenant son point de départ dans l’homme moderne, tel que nous avons essayé d’en préciser les traits essentiels, s’appliquant à le bien connaître, à discerner les contradictions qui le déchirent, à sympathiser avec les désirs souvent incohérents qui le soulèvent vers un but qu’il ne peut définir, elle partira « du besoin et du devoir qui nous incombe, pour vivre en homme, de savoir ce que nous sommes et ce que nous avons à faire ici-bas ». Et, dès lors, elle présentera la vérité chrétienne « comme attendue et réclamée du dedans, et non pas seulement comme s’imposant du dehors ». « Il s’agit essentiellement et primordialement, a écrit le Père Laberthonnière, de trouver un sens à l’existence humaine, d’expliquer aux hommes ce qu’ils sont dans leur réalité vivante, si étrangement complexe, et de les aider à se rendre compte de ce qu’ils ont à faire ici-bas » (28).

Ainsi l’apologétique trouvera son inspiration fondamentale dans la conviction que le problème religieux ne se sépare pas, ne peut pas se séparer du problème de la vie et de la destinée humaines.

Et aux hommes modernes, en qui un individualisme abstrait a produit de si grands ravages, l’apologétique aura à faire entendre la différence qui sépare la réalité de la personne de l’idée de l’individu.

Le christianisme est un personnalisme qui exclut l’individualisme au sens usuel de ce mot. L’individu ne se rencontre jamais et nulle part. La société humaine se compose de personnes, qui font essentiellement partie d’une communauté et ne peuvent jamais être séparées des autres membres de la communauté (29).

« L’individualisme, a écrit Berdiaeff, ne se fonde pas sur de l’éternel. Moins que tout, l’individualisme n’est susceptible d’affermir une personnalité, d’accuser l’image de l’homme... La personnalité n’existe que dans le cas où Dieu est... Au contraire, l’individualisme arrache la personnalité de son terrain essentiel et la voue au déchiquètement des vents du hasard » (30).

Voilà ce que, sans se lasser, l’apologétique chrétienne doit rappeler aux hommes qui, parce qu’ils veulent être modernes, ou parce qu’ils ont été imprégnés de ce qu’il y a de nocif dans l’esprit de la civilisation contemporaine, ont l’esprit et le cœur fermés à la vérité de l’Evangile.

Cette vérité, l’Eglise ne pourra lui gagner l’audience de l’humanité d’aujourd’hui que si elle la vit elle-même tout en la proclamant.

Redisons-le une fois de plus : le message apostolique de l’Eglise et son apologétique n’auront d’autorité que si la vérité qu’ils prétendent exprimer s’incarne dans la vie de l’Eglise et dans le don que, toujours, elle est appelée à faire d’elle-même.

N’a-t-elle pas trop souvent agi à l’encontre des intentions rédemptrices en se laissant dominer par des préoccupations égoïstes ? Et n’est-ce pas en elle, contre elle, tout d’abord, qu’elle doit être militante pour vaincre, par la puissance de l’Esprit saint, tout ce qui affaiblit ou paralyse son obéissance à sa mission essentielle ? Ne voyons-nous pas dès lors que l’accomplissement efficace de son apostolat lointain ou proche dépend, dans une mesure dont nous avons peine à entrevoir l’étendue, de la réponse que, dans sa vie la plus personnelle, chaque disciple du Christ donne aux appels incessants de l’amour, de la sainteté, de la vérité ?

Mais comment la vérité du christianisme s’incarnerait-elle dans la vie de l’Eglise sans que celle-ci fût inévitablement conduite à rendre manifeste le lien organique qui unit les principes les plus spirituels de son message à leurs conséquences sociales ?

Parce qu’elle est appelée à penser l’homme dans ses rapports avec Dieu et avec le monde, l’Eglise est appelée à penser le monde dans lequel elle vit et qu’elle a pour mission de surnaturaliser. Elle est donc obligée de se placer en présence des problèmes redoutables de la vie et de l’action humaines et de montrer aux hommes comment ces problèmes peuvent et comment ils doivent se résoudre dans la seule perspective où les hommes puissent découvrir le sens de leur destinée éternelle.

A ces problèmes, et à l’action pratique que suggère leur examen, nous consacrerons, si Dieu le permet, une autre série d’études. D’ailleurs, la Conférence œcuménique de Stockholm les a abordés et son Comité exécutif continue de les étudier, non pas certes dans le désir illusoire d’assurer aux Eglises un renouveau d’autorité en montrant qu’elles entendent ne pas rester étrangères aux préoccupations et aux souffrances de l’humanité contemporaine, mais parce que l’Eglise de Jésus-Christ a une conscience plus nette, une connaissance plus réfléchie de ce qu’implique de libération spirituelle, mais aussi de régénération sociale, le mot qui résume tout le message qu’elle doit faire pénétrer, comme une espérance et comme une promesse, au cœur de toute créature humaine, le mot de salut.

Mais — et ceci doit être indiqué dès aujourd’hui — par l’étude de ces problèmes comme par son effort même pour accomplir sa tâche apostolique et missionnaire, l’Eglise est acculée à l’examen d’un autre problème qui domine aujourd’hui tous les autres : le problème de l’unité chrétienne. Où que l’Eglise militante agisse, el !e est contrainte de s’avouer que ses divisions stérilisent ou, tout au moins, affaiblissent gravement son action. Que d’échecs subis, en particulier en terre non chrétienne, parce que l’Evangile était prêché aux hommes par des Eglises divisées, parfois hostiles ! C’est sur les champs de mission d’Asie et d’Afrique, tout d’abord, que l’Eglise militante a été contrainte de se demander si, dans le « sint unum »qu’ils soient un — de Jésus-Christ (31), il n’y avait pas, en même temps qu’une prière à Dieu, une exigence trop méconnue par un grand nombre de chrétiens. Et, peu à peu, c’est dans le monde chrétien tout entier que les Eglises ont compris que Dieu les appelait à s’engager sur le chemin sur lequel, un jour, l’unité de l’Eglise manifesterait au monde, « afin qu’il croie », que la prière du Christ est exaucée.

Il nous reste à indiquer, Messieurs, à la lumière des études faites et des efforts entrepris ces dernières années, quel est ce chemin de l’unité où, j’en ai la conviction profonde, Dieu appelle son Eglise à marcher résolument.

 

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(1) Job 7/1.
(2) Esaïe 49/6.
(3) Esaïe 54/2.
(4) Jean 20/21.
(5)
Marc 16/15.
(6) 2 Jean 4/19.
(7) Luc 2/34.
(8) LABERTHONNIERE, Positivisme et Catholicisme, Paris, Bloud, 1911, p. 360.
(9) Ibid.
(10) Matthieu 10/34.
(11) 2 Timothée 2/3.
(12) Cf. Petite Histoire des Missions chrétiennes, par un laïque, Paris, Société des Missions évangéliques, 1929, p. 45.
(13) Luc 10/20.
(14) Luc 10/18.
(15) Ce Conseil missionnaire international (International Missionary Council) est né, sous sa forme première, de la Conférence universelle des missions réunie à Edimbourg en 1910, et dont il sera question ci-dessous dans l’étude consacrée à l’Unité de l’Eglise.
(16) Cf. Emil BRUNNER, Secularism as a Problem for the Church, International Review of Missions, octobre 1930, p. 495.
(17) Ibid., p. 498.
(18) Genèse 1/26.
(19) Un nouveau Moyen Age, Paris, Plon, 1927, p. 40.
(20) KRAEMER, Christianity and Secularism, International Review of Missions, avril 1930, p. 200.
(21) Elie ALLEGRET, Le Problème missionnaire de l’heure actuelle, Paris, 1929.
(22) KRAEMER, loc. cit., p. 196.
(23) Foi et Constitution, p. 522.
(24) Ibid., p. 523-524.
(25) A Survey of the year 1930, dans l’International Review of Missions, janvier 1931, p. 3.
(26) LABERTHIONNIERE, Essais de Philosophie religieuse, Paris, 1903, p. 193.
(27) KRAEMER, loc. cit., p. 203.
(28) Ouvr. cité, p. 194ss.
(29) KOHNSTAMM, The Necessity for a new Philosophy..., International Review of Missions, avril 1930, p. 172.
(30) Un nouveau Moyen Age, p. 114.
(31) Jean 17/21.