Carême 1986 : "NOTRE PÈRE" : LA PRIÈRE DE L’ESPÉRANCELE NOM DU PÈRE : "...Que ton Nom soit sanctifié""NOTRE PÈRE" : LA PRIÈRE DE L’ESPÉRANCE Pasteur Daniel ATGER I
Jusqu’au 22 mars, chaque samedi, de 18h30 à 19h, France Culture nous offre à nouveau l’hospitalité de ses ondes pour diffuser une série d’émissions protestantes de Carême destinées, comme les années précédentes, à un public diversifié qui déborde nos frontières confessionnelles. Durant ces six semaines, nous vous invitons à reprendre avec nous les chemins de la prière. Ce ne sont pas des impasses comme se l’imaginent certains. Ce ne sont pas non plus des itinéraires buissonniers qui nous détourneraient des grands axes qu’empruntent aujourd’hui, par nécessité, la plupart de nos contemporains. Les vrais chemins de la prière, même quand ils traversent des déserts spirituels, passent toujours, hier comme aujourd’hui, par l’attente inquiète des hommes et des femmes qui entendent bien assumer leur existence pour ne pas avoir à la subir. Ils sont balisés par les questions vitales que nous affrontons chaque jour : le sens de l’aventure humaine, l’attente d’un Dieu vivant, le partage possible du pain nécessaire à chacun, la réalité du pardon, le prix de l’amour et de la justice, les démentis incessants que leur oppose le pouvoir du mal et de la mort. Toutes ces questions nous les retrouverons en méditant à chaque étape de cet itinéraire les six appels qu’à l’initiative de Jésus, ses disciples ont appris à lancer comme un cri de leur foi vers Celui qu’ils osent appeler curieusement "NOTRE PÈRE". Les voix d’une équipe fraternelle se conjugueront pour vous entraîner, Bible en mains, sur la piste de cette très ancienne et pourtant toujours nouvelle prière devenue, depuis des siècles, la prière par excellence et le signe de ralliement, le signe distinctif de tous les chrétiens, aussi étrangement unis en la prononçant que scandaleusement divisés, parfois quand ils en abandonnent les impératifs spirituels. Cette prière se résume en quelques phrases répétées par des générations de chrétiens mystérieusement unis à travers le temps et l’espace par Celui qui leur a appris à dire "NOTRE PÈRE", désignant ainsi le destinataire et l’initiateur de cet appel qui ouvre une brèche dans le mur des résignations, donnant un souffle à ceux qui étouffent dans un monde clos, dans un monde fermé. Commençons, si vous le voulez bien, par ouvrir un livre, par nous mettre à l’école de la prière. Car, il faut en convenir, nous ne savons pas prier. Nous ne savons plus prier. L’avons-nous su un jour ? La question peut se poser, les réponses sont hésitantes. Car s’il s’agit seulement de mieux respirer, ce qui est déjà utile, de chercher une technique spirituelle grâce à laquelle nos jours gris paraîtront plus clairs, il ne manque pas de gourous pour nous prendre en mains. Cette expérience-là, vous diront certains, en vaut d’autres. S’il s’agit encore, perpétuelle tentation de l’homme insatisfait, de s’inventer ou de choisir un dieu-selon-notre-cœur, un dieu qui réponde sans trop parler, à nos aspirations profondes souvent informulées, qui agisse enfin à la façon d’une drogue douce, chacun se débrouillera, avec ou sans paroles, pour lancer son cri à la cantonade en quête d’une hypothétique efficacité ou d’un nirvana de rêve. Ouvrir l’Evangile constitue une toute autre expérience. C’est renoncer d’abord à chercher ailleurs que dans l’irremplaçable témoignage des apôtres et des confesseurs du Christ vivant, le plus court et le plus simple chemin de prière qui mette en relation celui qui a soif de justice et celui qui donne à boire, celui qui aspire à la délivrance et celui qui ouvre un espace de liberté, celui qui est prisonnier de la mort et celui qui donne la vie, sa vie ! Ouvrir l’Evangile, c’est aussi entrer de plein-pied et par la seule puissance de l’Esprit Saint dans la prière de Jésus qui devient la nôtre. Nous écouterons donc d’abord le témoignage de Saint Luc et puis, aussitôt après, celui de Saint Matthieu. Luc, au chapitre 11 et à partir du verset 1°, nous donne une sorte de version brève de cette prière, dont tous les éléments seront repris d’une manière plus complète dans l’évangile de Matthieu (6/7-13) qui s’adresse sans doute à ces communautés judéo-chrétiennes du Proche-Orient qui ont gardé un lien assez étroit avec la tradition d’Israël dans laquelle s’enracine la prière de Jésus. Si elle est devenue la prière de tous les chrétiens, n’oublions pas qu’elle évoque pour nos frères juifs le Quaddish et l’Amidah, prières que Jésus de Nazareth a prononcées dans sa langue maternelle. Ecoutons d’abord la version courte de Luc : "Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier comme Jean l’a enseigné à ses disciples. Il leur dit : quand vous priez, dites : Voici maintenant la version de Matthieu (6/7-13) : "En priant, ne multipliez pas de vaines paroles comme les païens qui s’imaginent qu’à force de discours, ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous ne le lui demandiez. Voici donc comment vous devez prier : Cette seconde version matthéenne du NOTRE PÈRE, l’Eglise des premiers siècles l’a très tôt retenue. Elle l’a insérée dans la liturgie dominicale au moment où le repas du Seigneur allait être célébré, au moment où les chrétiens affirmaient, en prononçant la prière enseignée par Jésus, la proximité du Royaume de Dieu vers lequel ils marchaient nourris par le pain eucharistique. C’était donc la prière de l’espérance. Certes, à force d’avoir été répétée, traduite et retraduite, il se peut qu’elle ait perdu pour certains chrétiens sa force initiale et sa signification première, un peu comme ces tableaux de maîtres que le temps a insidieusement recouverts d’une croûte opaque qu’il faut décaper avec précaution pour retrouver la lumière et la couleur originelle. Mais ce sont souvent nos esprits et nos mémoires qui se sont fermés à la profondeur et à la simplicité de ces paroles essentielles que seul l’Esprit Saint peut rendre transparentes et vivantes à nos esprits. Car si cette prière — nous aurons l’occasion d’y revenir — engage celui qui la prononce et le fait entrer dans l’universelle communauté des fils retrouvés par le Père, elle n’est pas une prière d’initiés, exclusivement réservée à ceux ou celles qui auraient découvert les arcanes d’un certain langage. S’il convient, certes, de se laisser enseigner par le Christ pour la prononcer avec lui, cet enseignement-là n’est jamais la communication d’un secret. C’est une prière publique. Elle atteste, aussi bien dans l’intimité d’une chambre que dans le rassemblement des fidèles, l’universalité de l’Eglise. Ce qui nous a été dit à l’oreille, nous avons à le crier sur les toits (Matthieu 10/27). Mais une difficulté subsiste. J’entends dire, ici et là, que les termes même de cette prière, malgré leur brièveté, et peut-être à cause d’elle, sont aujourd’hui incompréhensibles et parfois même scandaleux pour l’homme moderne. Il s’associerait sans doute plus volontiers, sans en comprendre toujours l’humour corrosif, à la célèbre invective de Jacques PRÉVERT : "Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y !". Faudrait-il pour autant, comme le suggèrent quelques adaptateurs habiles, transformer les termes mêmes de cette prière pour la rendre accessible à tous et, en définitive, pour la banaliser ? Une récente aventure survenue à l’un de mes collègues et amis pourrait bien nous en dissuader. En effet, il y a quelque temps, il visitait à Pékin le célèbre Temple du Ciel, Tian Tan, avec un groupe de chrétiens catholiques et protestants admirant le merveilleux temple rond à l’acoustique parfaite de la voûte céleste impériale. Au moment de partir, la guide chinoise qui les accompagnait leur rappelle avec un charmant sourire que toute prière prononcée sous cette voûte est, selon une vieille tradition, sûre d’être exaucée. Elle se tourne alors vers mon collègue : "Vous êtes chrétiens, je crois ? Je ne connais pas du tout votre religion, mais n’hésitez pas à dire une prière". Après un temps de silence, vous l’avez deviné, toutes les voix se mettent à l’unisson pour prononcer le NOTRE PÈRE. Très émue par ce qu’elle venait d’entendre, pour la première fois de sa vie, cette jeune femme chinoise demanda qu’on lui écrive le texte de cette prière. Ce n’était pas simple politesse de sa part. Elle devait en reparler quelque temps plus tard, avec cet aveu surprenant : "Je n’ai jamais entendu une prière aussi belle que celle-ci. Mais comment donc se fait-il que vous puissiez vous adresser à votre dieu en lui disant "Notre Père" ? C’est admirable !". Ce qui est admirable aussi, c’est qu’aux antipodes de la culture chrétienne, quelqu’un puisse accueillir avec la fraîcheur que nous avons perdue cette image d’un dieu-père dépouillée des soupçons castrateurs que fait peser sur elle l’ombre de Sigmund Freud. Un Père enfin, qui, échappant aux démons de notre imaginaire névrotique, vient à notre rencontre pour nous faire exister, pour nous rendre libres, pour nous permettre de lui parler dans la confiance et dans la vérité, avec ces mots de chaque jour qui retrouvent enfin la couleur du ciel. Mais il faut apprendre patiemment à les dépouiller de leur gangue glaiseuse, de tous les oripeaux dont nous les avons recouverts et qui tuent en nous l’Espérance qui fait vivre ! Notre Père : premier cri de la liberté. Première approche de cet espace qui élargit notre regard et notre horizon. Notre Père qui es aux cieux. Notre Père de tous les ciels, comme traduit Chouraqui. Mais voilà, le piège d’un rationalisme étroit risque de se reformer aussitôt sous les ricanements de ceux qui confondent avec une évidente mauvaise foi les espaces sidéraux où l’homme d’aujourd’hui rêve de bâtir un nouvel empire et cet ailleurs de Dieu que nous ne pouvons ni coloniser ni atteindre, car il échappe justement à la mainmise de l’homme. Une nécessaire distance est maintenue sans laquelle il ne saurait y avoir de réelle proximité. Un Dieu à la fois lointain et proche. Mais comment puis-je dire "NOTRE PÈRE" ? Ne faudrait-il pas, comme les rares fidèles d’Israël qui ont osé donner à Dieu le titre de Père, éviter avec soin la tentation païenne de réduire le Tout Autre à nos dimensions humaines, à nos caprices anthropomorphiques ? En réalité, je ne puis entrer dans cette prière-là sans que quelqu’un ne m’y introduise et ne m’y accueille. Sinon, elle sonne faux. Je ne puis prononcer en direct ce nom de Père que si le Fils unique, le fils par excellence, me fait partager son intimité avec ce Père qui, en devenant NOTRE PERE, me révèle en même temps le pouvoir illimité de son amour, sa capacité d’adoption, sa volonté de faire de moi, de toi, de nous, des fils et des filles et par conséquent des frères et des sœurs. Or, ne l’oublions pas, devant ses disciples Jésus s’est toujours adressé à Dieu en utilisant, ce que personne n’avait osé faire avant lui, le terme le plus familier, le plus intime qui soit : Abba, papa... mon Père. C’est ainsi que parle dans la vie quotidienne l’enfant en confiance avec celui qui le tient par la main et dans le regard duquel il peut plonger son propre regard. Cette tendresse et cette proximité effacent soudain l’image terrifiante et mutilée du père défaillant ou castrateur. C’est une autre figure du père que Jésus communique aux siens pour que leur quête de Dieu ne s’égare, comme elle est si souvent tentée de le faire, dans un imaginaire dévoyé. Ainsi, le Dieu-Juge, le Dieu-Tyran, le vieux dieu sanguinaire et aveugle des fatalités tombent du ciel quand la parole de Jésus nous remet les pieds sur la terre. Il nous révèle alors que le plus proche des Pères, celui qui tourne sa face vers nous, est aussi celui qui règne dans les cieux. Il tient en mains le passé, le présent et l’avenir du monde. Sa transcendance n’est plus l’obstacle, mais la condition même de sa proximité en Christ. En nous faisant ainsi entrer dans cette intimité du fils et du père, Jésus nous donne le pouvoir d’exister, de trouver une véritable identité spirituelle, de réintégrer une famille qui ne soit ni oppressive ni exclusive. Peut-être que certains auditeurs se demandent légitimement jusqu’où s’étend cette intimité-là. Concerne-t-elle tous les hommes ? Se limite-t-elle à Jésus et au cercle des disciples ? Se poser une telle question, n’est-ce pas déjà se savoir appelé à marcher, de quelque lieu que l’on parte, vers ce Père de tendresse et de miséricorde qui échappe même à nos conceptions machistes du père ? Il ouvre ses bras et son cœur à celui et à celle qui a le courage de balbutier "Notre Père... mon Père, je ne suis pas digne que tu me regardes comme ton fils, comme ta fille". Telle est l’attitude du fils retrouvé dans la célèbre parabole de Luc 15 que l’on appelle, je ne sais trop pourquoi, l’histoire du fils prodigue. C’est plutôt le père qui l’est, prodigue. Rembrandt, dans le célèbre tableau récemment déchiré, paraît-il, par un dément au Musée de l’Hermitage à Léningrad, nous présente la rencontre du père et du fils comme une sorte de naissance à la vie, d’accouchement. Enveloppant de ses bras ouverts et de ses mains accueillantes le fils auréolé de lumière, ce père-là fait jaillir la vie. Son amour nous apparaît alors aussi maternel que paternel. Quand le Père de Jésus vient au-devant de nous, s’effondrent aussi, avec nos illusions et nos culpabilités, les images masculines que, du plus profond de l’inconscient collectif, il nous arrive encore de projeter sur lui. "Mon fils qui était mort est revenu à la vie...". Mais qu’allons-nous dire, qu’allons-nous demander à ce Père qui vient au-devant du désir de ses enfants pour les inviter à la fête ? En vérité, c’est par un cri de louange, par une triple acclamation que s’ouvre la prière des fils dès que ceux-ci comprennent de tout leur être ce que Jésus, le Fils et le Frère unique, leur enseigne, leur communique dans son dialogue perpétuel avec le Père. Que ton nom soit sanctifié, Comme il est difficile de séparer ce qui est uni à la manière des doigts d’une même main ! La triple demande par laquelle commence cette prière n’a qu’un seul objectif, envisagé sous trois angles différents : elle attend, dans la dynamique de l’Espérance et de la Foi, un monde nouveau dont elle perçoit dès à présent les premiers signes annonciateurs. Si notre bouche s’ouvre pour lancer cet appel au Père, ce n’est pas pour énoncer une quelconque exhortation destinée à des auditeurs défaillants, les atteignant ainsi par ricochet. Non, c’est pour annoncer, c’est pour proclamer la Gloire de Dieu. Elle accomplit ce que Jésus nous révèle sous le souffle de l’Esprit : le Seigneur vient ! Les temps nouveaux où la création toute entière reconnaîtra Dieu tel qu’Il est dans sa sainteté, dans son amour et dans sa puissance libératrice, marquent déjà les temps difficiles que nous vivons. Nous ne sommes plus en face d’un projet irréalisable que le fidèle, réduit au silence et à l’absence de Dieu, garderait secrètement au plus intime de son cœur ou de sa piété. Nous accueillons, au contraire, l’intervention du Père comme une possibilité inouïe offerte dès aujourd’hui pour vivre ici-bas, sur la terre, quelque chose de la Sainteté du Père, du Règne du Fils et de la volonté puissante de l’Esprit Saint qui nous fait grandir dans la condition des enfants de Dieu. Et tout ceci alors que nous étions prêts à baisser les bras, à capituler, à nous laisser enfermer dans la triste dialectique du Maître et de l’esclave sous le signe de laquelle nous ne pouvons que régresser. Essayons aujourd’hui, avant que ne s’achève cet entretien, de placer à la lumière d’une révélation dont Dieu lui-même a pris l’initiative au cœur de notre histoire, cette première acclamation qui déroute parfois les auditeurs et les lecteurs de l’Evangile : QUE TON NOM SOIT SANCTIFIÉ ! N’est-ce pas d’abord l’acclamation des humbles à l’heure où Jésus entre à Jérusalem : Hosannah, au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! (Matthieu 21/9) ? Ainsi, quand Jésus pénètre au cœur de la cité sainte, et qu’il purifie par sa seule présence le Temple profané par les marchands ou par les clercs qui s’en considèrent les gardiens et les propriétaires, le peuple des petits reconnaît en Jésus celui qui sanctifie le nom du Seigneur. Si vous ne devenez comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. La première étape de cette marche vers le Règne de Dieu, c’est la sanctification du Nom qui est au-dessus de tout nom et devant lequel en s’agenouillant l’homme retrouve sa dignité perdue. Quand Dieu vient à nous comme un Père accompagnant son Fils, il nous dit lui-même qui Il est. Dans un monde où tout se profane, se gaspille et se détruit, il nous réapprend que la Sainteté n’est pas un état dans lequel on s’installe ni même un lieu dans lequel on s’enferme, mais une mission vécue sous le signe de l’Espérance en marche vers la croix et la résurrection : Soyez saints comme Je suis saint ! Cette mission commence toujours par la révélation du Nom divin, c’est-à-dire de la personne même qui authentifie, actualise et donne cette mission. Déjà, au début de l’histoire biblique — relisez le chapitre 3 du livre de l’Exode — la révélation faite à Moïse, le premier et le plus grand des prophètes, annonce et prépare la sanctification de tout un peuple, c’est-à-dire sa mise à part pour une mission spécifique, pour un service qui concerne en définitive toute l’humanité. Sur le lieu saint du Sinaï, à l’heure du buisson ardent qui ne se consume pas, Moïse reçoit l’assurance que Dieu a vu la détresse des hommes et, dès ce moment, il est associé à ce dessein libérateur. Mais pour cela, il lui faut savoir qui est ce dieu si différent de toutes les puissances que l’homme nomme ainsi. Quel est son vrai nom ? La réponse semble déconcertante quand on se contente de la traduction habituelle : "Je suis qui je suis". Elle risque de nous engager dans une impasse, comme si le Dieu de la Bible se voulait énigmatique ou comme s’il fallait recourir aux subtilités de l’ontologie pour le connaître. Il vaudrait beaucoup mieux traduire, avec nos amis Juifs, avec Chouraqui, par exemple : "Je suis qui je serai". L’avenir de Dieu, du Dieu qui vient, c’est aussi l’avenir de l’homme. Le Dieu d’Abraham, le Dieu de Moïse, le Dieu de Jésus, ce Père dont le Nom est Saint, imprononçable sans l’acte de la foi, appelle toujours l’homme à le suivre sur un chemin de liberté. Et il l’y précède. Du même coup, la sainteté de son Nom nous conduit non certes à le prononcer à tout bout de champ, à l’invoquer à tort et à travers, mais à accepter de la suivre partout où sa sainteté fait passer un peuple de frères de l’esclavage à la liberté, ou plus exactement encore de la servitude au service. Certes, le peuple de Dieu, aujourd’hui comme hier, risque toujours de profaner le Nom et l’honneur de son Dieu par ses révoltes et par ses compromissions. C’est pourquoi nous voyons les prophètes d’Israël et à leur suite les apôtres du Christ rappeler à maintes reprises de quelle manière le Seigneur intervient pour assurer la pleine sanctification de son Nom, en opérant chez les siens un renouvellement intérieur, une transformation, une conversion du cœur et des mentalités qui les rendra fidèles à Celui dont le Nom est saint. Je crois que le meilleur commentaire de la première demande du NOTRE PÈRE qui, rappelons-le, s’inscrit dans la grande tradition spirituelle d’Israël accomplie par Jésus, c’est cette exhortation d’Ezéchiel que nous allons réentendre au terme de cette première étape méditative du Carême : "Parle à la maison d’Israël et dis lui : Ainsi parle Seigneur. Ce n’est pas à cause de vous que j’agis de la sorte, maison d’Israël, mais c’est pour mon saint nom que vous avez profané parmi les nations. Je sanctifierai mon grand Nom qui a été profané parmi les nations. Et les nations sauront que je suis le Seigneur quand je me sanctifierai en vous à leurs yeux. Je vous ferai sortir d’entre les nations, je vous ramènerai sur votre terre. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés. Je vous donnerai un cœur nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit et vous observerez alors mes lois et mes ordonnances. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères et vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu".
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