Carême 2001 : La Pudeur de Dieu

La pudeur de l’amour blessé du Christ

L’amour est don, don total ; plus il est grand et plus il se donne, plus il est généreux. Or, la pudeur est faite de retenue, de réserve, si bien que l’amour pudique se donne généreusement, mais avec retenue ! Il se donne avec élan, mais en même temps avec un frein, non pas un frein qui lui est imposé de l’extérieur, mais un frein qu’il s’impose à lui-même. Il y a dans cela un paradoxe qui demande à être éclairé. Pourquoi ce frein dans cet élan ?

Si l’amour se donne avec retenue, c’est pour se protéger, car il sait qu’il est vulnérable, qu’il peut être blessé. Il se protège, non pas pour ne plus donner, mais pour mieux se donner encore.

Comment cela ? L’amour est vulnérable ! N’est-il pas fort, extrêmement fort même ? Dans sa force, l’amour n’a peur de rien ! L’amour parfait bannit la crainte (1 Jn 4.18) ! Il est puissant comme un fleuve que rien ne peut arrêter dans le don de lui-même ! Où donc est la vulnérabilité de l’amour ?

Certes, l’amour est fort, mais il est faible également. Il est puissant comme un fleuve, en effet, mais ce fleuve a une source et c’est dans sa source qu’il est fragile et vulnérable.

Le fleuve n’a pas à se protéger dans le débit puissant de son cours ; il doit se protéger dans sa source, non pour ne plus donner son eau, mais pour mieux la donner.

La source de l’amour, c’est le point le plus enfoui, le plus intime de l’être. L’amour protège son intimité dans la pudeur, pour mieux aimer.

Même fort, l’amour est donc en même temps vulnérable. Il lui arrive d’être blessé et cette blessure l’atteint au plus intime de lui-même. Il est blessé chaque fois qu’il est renié, trahi, rejeté, méprisé Alors, l’amour blessé redouble de pudeur pour favoriser la guérison de la blessure. La pudeur apparaît comme un baume déposé avec douceur sur la blessure, afin que l’amour ne cesse pas de donner le meilleur de lui-même.

La pudeur de l’amour blessé : voilà ce qui va nous occuper dans ce chapitre et dans les prochains.

Tout ce qui vient d’être dit concerne l’amour humain ; reste à savoir maintenant s’il en est de même pour l’amour divin. Peut-il aussi être blessé ? Et dans ce cas, Dieu redoublerait-il aussi de pudeur au plus intime de son être, afin d’aimer encore, avec plus de force encore ?

Comment savoir tout cela ?

Seul le Christ peut nous révéler ce qu’il en est vraiment de l’amour et de la pudeur de Dieu. Encore une fois, c’est par le Christ qu’il nous faut commencer.

Père très bon, Dieu de tendresse et ami des hommes,

Tu nous as donné, dans ta grâce, ton Fils Jésus Christ

Pour étancher notre soif d’amour en nous donnant le tien.

Dans ta grâce encore, accorde-nous maintenant ton Saint Esprit,

Afin qu’il ouvre nos coeurs au mystère de l’amour du Christ ;

Qu’il éclaire aussi pour nous les Ecritures

Et qu’il nous donne de découvrir dans l’amour du Christ

Le mystère de ton propre amour,

Afin que nous puissions en vivre

Et en rayonner autour de nous,

Au nom de ton Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus Christ.

Amen.

Que faisons-nous en présence d’un amour blessé, qui se protège dans sa pudeur ? Nous nous approchons avec notre propre amour, afin de consoler, mais aussi avec notre propre pudeur, qui respecte la pudeur de l’autre et s’ajoute à la sienne pour ménager la blessure.

Nous voyons ici apparaître une double pudeur : la pudeur de celui qui est blessé et la pudeur de celui qui console.

Cette double manifestation de la pudeur se trouve en Christ, et c’est ce que nous allons examiner maintenant.

Jésus a passé son temps à être confronté à la souffrance des autres. Un seul exemple, parmi tant d’autres, révèle à quel point Jésus est pudique devant cette souffrance d’un autre.

" Dès le matin, Jésus alla de nouveau dans le Temple et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les enseignait. Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère ; et la plaçant au milieu, ils dirent à Jésus : "Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu ?" Ils disaient cela pour l’éprouver, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit : "Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle". Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers ; et Jésus resta seul avec la femme, qui était là au milieu. Alors, s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit : "Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ?" Elle répondit : "Personne, Seigneur." Et Jésus lui dit : "Moi non plus, je ne te condamne pas ; va et ne pèche plus." " (Jn 8.1-11).

De ce récit extrêmement riche, je ne retiendrai ici que les seuls détails qui montrent à quel point Jésus est pudique devant la souffrance des autres.

Voilà donc une femme qui souffre, à n’en pas douter, non pas du regret d’avoir péché, car elle ne semble demander pardon à personne. Non ! Ce qui blesse plutôt cette femme, c’est la façon dont elle est traitée. Elle est placée au beau milieu d’une foule et son affaire est étalée aux yeux de tous, y compris aux yeux de Jésus, et même aux yeux de Dieu, puisque la scène se passe dans le Temple. La vie intime de cette femme est exposée aux yeux de tous ; d’une certaine manière, elle est mise à nu, contre son gré, devant une foule entière. Sa souffrance est celle de la honte.

A cela s’ajoute la souffrance d’être traitée avec le plus grand mépris. Cette femme, en effet, n’est pas même traitée comme une femme. Elle n’est qu’un vulgaire appât, placé au milieu d’un piège tendu contre Jésus. Ce n’est pas le procès de cette femme qui intéresse les pharisiens, mais le procès du Christ qu’ils préparent. Non pas une femme, donc, mais un vulgaire appât : voilà ce qu’elle est, et c’est terriblement méprisant !

Or, que fait Jésus devant cette femme blessée ? Il se baisse !

Surprise ! On attend de lui qu’il juge, et un juge se tient assis ou debout, mais non pas accroupi par terre, comme il le fait ! Peut-être va-t-il ramasser la première pierre pour la jeter contre cette adultère ? Mais non ! Il se met à écrire par terre !

Cette attitude, pour le moins déconcertante, va révéler en fait une admirable pudeur. En écrivant par terre, en effet, Jésus regarde forcément le coin de terre sur lequel il écrit ; c’est-à -dire qu’il ne regarde pas cette femme mise à nu devant lui. Jésus a la délicatesse de ne pas la regarder. Admirable pudeur, qui ne regarde pas celle qui a honte.

En outre, pour ne pas la regarder, Jésus s’est baissé. Il s’est fait plus petit que cette moins que rien ! C’est elle qui peut poser sur lui son regard. Elle a sous ses yeux un humble, dont la pudeur ne peut que la soulager dans sa souffrance. Humble et pudique amour, qu’elle n’a trouvé en personne d’autre dans cette foule.

Enfin, le geste de Jésus est tellement insolite qu’il n’a pu qu’attirer sur sa main tous les regards de la foule. Le point de convergence de tous les regards est maintenant la main de Jésus, et non plus cette femme, qui se trouve ainsi libérée de tous les regards blessants posés sur sa vie privée. Admirable pudeur de Jésus qui parvient à soulager cette femme de tant de souffrances.

Vient ensuite la fameuse parole de Jésus : " Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle ".

La femme assiste alors à une scène qu’elle n’avait pas même imaginée : ses accusateurs s’en vont les uns après les autres, du plus âgé jusqu’au plus jeune, du plus vicieux jusqu’au plus respectable, alors que le procès vient à peine de commencer ! Tout cela parce que, à la parole de Jésus, chacun a détourné son regard, ni vers une quelconque pierre, ni même vers la femme, mais vers le fond de son propre coeur, pour y découvrir de quoi être rempli de honte. Et que fait Jésus pendant ce temps-là , devant la honte de ces gens ?

" S’étant baissé à nouveau, il écrivait sur la terre. "

Même attitude que tout à l’heure, même geste, et même pudeur aussi, non pas à l’égard de la femme cette fois, mais à l’égard de la foule, dont il connaît la honte. La honte souffre du regard du juste, mais le juste, dans son amour pudique pour ceux qui s’éloignent maintenant, regarde par terre et trace simplement de son doigt quelques traits sur le sol, aussi longtemps qu’il le faudra.

Pour la femme, chaque départ est un caillou de moins, une insulte de moins, une blessure de moins ! Chaque départ soulage un peu plus sa douleur. Le seul qui reste maintenant devant elle pourra la regarder, son regard ne la blessera pas. Peu importe la sentence qu’il prononcera, il aura raison. Devant la pudeur de l’amour, le coeur fermé par la souffrance finit par s’ouvrir de lui-même.

Enfin, et c’est là que la pudeur de Jésus traverse le récit de part en part, lorsque Jésus se retrouve seul avec la femme, il se relève et se met à lui parler. Il prend le temps de lui poser des questions ; mais ses questions ne sont pas celles qu’un juge doit poser pour préparer son verdict. Les questions que pose Jésus sont d’une extrême pudeur : aucune ne concerne l’adultère, aucune ne porte sur la vie privée, ni sur l’intimité blessée de cette femme ; absolument aucune !

" Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? "

Immense pudeur, qui soulage encore la souffrance de cette femme, en lui épargnant des questions qui pourraient la gêner !

Quand Jésus parle ainsi, nous dit Jean, cette femme était là , " au milieu " ! Mais au milieu de quoi ? Comment peut-elle être au milieu, alors qu’ils ne sont que deux ? Curieux détail, qui nous fait nous souvenir que la scène se passe dans le Temple. La femme n’est plus au centre d’un piège tendu devant Jésus ; elle n’est plus au centre d’un tribunal rassemblé autour d’elle ; elle est au milieu du Temple, au centre du coeur de Dieu. La pudeur du Christ l’a conduite jusque là  ; et là , soulagée de sa souffrance intérieure, elle peut maintenant entendre ce qu’on entend dans le coeur de Dieu : " Moi non plus, je ne te condamne pas ; va et ne pèche plus ".

Qu’en est-il maintenant de la propre souffrance du Christ dans son amour blessé, et de la pudeur dans laquelle il a pu dissimuler sa souffrance ?

Dans les trois premiers Evangiles, il est dit une seule fois expressément que Jésus aima quelqu’un : l’homme riche. Dans le quatrième Evangile, les cas sont un peu plus nombreux, mais se comptent toutefois sur les doigts de la main.

En plus du " disciple que Jésus aimait ", il est seulement dit expressément que Jésus aima trois frère et s urs : Marthe, Marie et Lazare (11.5). La pudeur de Jésus est telle qu’à aucun moment nous ne le voyons dire son amour à l’une de ces personnes. Pourtant, Marie eut un jour à son égard un très beau geste d’amour, qui bouscule un peu les consignes de la pudeur : elle répandit un flacon de parfum de grand prix sur les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux (12.3). Jésus ne désapprouva pas ce geste, mais le replaça dans le cadre de la pudeur, en le recevant tout simplement comme un geste faisant partie du rituel de ses funérailles. Il est de règle, en effet, de répandre du parfum sur un mort, y compris sur ses pieds.

En ce qui concerne Lazare, Jésus parle une seule fois de lui à ses disciples, en disant " notre ami Lazare " (11.11). Il suffit de relever qu’il ne dit pas " mon ami Lazare ", mais " notre ami Lazare ", pour mesurer à quel point l’amour de Jésus reste parfaitement pudique.

Le jour où Jésus parle ainsi de Lazare, il vient d’apprendre que celui-ci est gravement malade. Marthe et Marie l’en ont averti. Et lorsque Jésus arrive, il est déjà trop tard : Lazare est mort !

A son arrivée, Jésus est conduit par Marie sur le lieu de la sépulture. Ils sont accompagnés par quelques connaissances de la famille. C’est alors qu’en chemin, Jésus a une réaction qui fait dire aux personnes présentes : " Voyez comme il l’aimait " (11.36). Qu’a donc fait Jésus pour que son amour pour Lazare soit ainsi perçu ?

Jean nous le dit avec une extrême sobriété : " Jésus pleura " (11.35).

Oui, Jésus se mit à pleurer ! Et dans ces larmes, l’amour de Jésus se dit clairement, si clairement que cet amour n’échappe à personne.

Cet amour qui pleure est un amour blessé, blessé par la mort d’un ami. Jean ne fait aucun commentaire sur ces larmes, mais arrêtons-nous sur elles, car elles mettent en cause la pudeur.

Qu’un homme pleure, cela peut arriver, bien sà »r, mais dans le monde biblique la pudeur demande à un homme de ne pas pleurer en public, ou bien de cacher ses larmes, si cela lui arrive. Une femme peut pleurer, cela n’est pas gênant (Est 8.3). Il arrive même qu’on invite des femmes à pleurer (2 Sm 1.24 ; Lc 23.28) ; mais un homme doit savoir dissimuler ses larmes.

Et c’est un fait que dans la Bible, tous ceux qui cachent leurs larmes devant les autres sont toujours des hommes. Joseph se cache à plusieurs reprises pour pleurer (Gn 43.30, 45.1-2) ; Samuel rentre chez lui pour pleurer (1 Sm 15.35) ; Jérémie s’éloigne en secret (13.17) ; David se réfugie dans une chambre pour pleurer son fils mort (2 Sm 19.1), puis il ressort en gardant son visage sous un voile (19.5) ; Ezéchias sur le point de mourir, trouve encore la force de tourner son visage contre le mur pour ne pas laisser voir ses larmes (2 R 20.2-3). Et s’il arrive que quelqu’un soit témoin des larmes d’un homme, la pudeur lui demande alors de détourner le visage (Es 22.4).

Tout cela est admirable, mais il n’y a rien de cela ici ! Jésus pleure et ne parvient pas à cacher ses larmes. Cette entorse à la règle est une magnifique révélation de l’intensité de l’amour de Jésus et de l’intensité de sa souffrance devant la mort. La blessure est profonde, mais je crois, malgré tout, que la pudeur de Jésus demeure une réalité ; et c’est ce qui reste à préciser, maintenant.

Il est arrivé à Jésus de pleurer une autre fois, comme nous le dit Luc (19.41). Ce fut le jour des Rameaux, le jour de son entrée triomphale à Jérusalem. La foule est en liesse et les disciples aussi. Jésus est le seul à pleurer. Alors que tout le monde est à la joie, Jésus ne pleure pas de joie, il se lamente sur Jérusalem, dont il voit venir la fin. Larmes de deuil, larmes de souffrance, à cause de la blessure de son amour pour Jérusalem. Mais ces larmes demeurent pudiques, car elles sont passées inaperçues dans la joie de ce jour. Personne ne les relève, en dehors de Luc. Les autres Evangélistes n’en parlent même pas.

Avec la mort de Lazare, il en est autrement : tout l’entourage voit Jésus pleurer !

Si Jean ne fait aucun commentaire sur ces larmes, il utilise cependant un verbe " pleurer ", qui retient mon attention. Jean dit que Marie a pleuré son frère (11.31,33), en utilisant alors le verbe habituel " pleurer "18 que nous retrouvons une quarantaine de fois dans le Nouveau Testament. Mais pour parler des larmes de Jésus, Jean utilise un autre verbe " pleurer "19, si rare qu’il ne se retrouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament. Jésus pleura comme personne n’a pleuré ce jour-là  !

Que dit ce verbe si rare ? Ses quelques emplois dans le grec de l’Ancien Testament montrent qu’il ne fait pas partie du rituel du deuil. Et d’ailleurs, ce qui a frappé l’entourage ce n’est pas le deuil que Jésus partage avec Marthe et Marie, mais son amour pour Lazare. Ce sont, en effet, des larmes d’amour. Si Jésus est venu, ce n’est pas pour se lamenter, mais pour ressusciter Lazare, et il va, en effet, affirmer sa victoire sur la mort. Il n’empêche que Jésus pleure. La mort, même vaincue, est terrible et inflige à l’amour de Jésus une profonde blessure ; non pas une défaite, mais une blessure. Jésus pleure : ce sont les larmes d’un amour blessé, et non d’un amour vaincu par la mort.

Lorsqu’un homme se cache pour pleurer, personne ne le voit, mais tout le monde l’entend cependant (Gn 45.2 ; 2 Sm 19.2), car il est normal dans le monde biblique de pleurer bruyamment. C’est un lieu commun dans la Bible de dire qu’on " élève la voix " pour pleurer (Gn 27.38,29.11 ; Jg 2.4 ; 1 Sm 11.4, 24.17 ; 2 Sm 3.32,13.36 ; Rt 1.9,14), ou bien qu’on pleure " à pleine voix " (2 Sm 15.23 ; Esd 3.12).20

Dans un contexte de deuil, les larmes s’accompagnent de cris et d’autres manifestations démonstratives. Les endeuillés déchirent leur vêtement, et les amis qui viennent partager le deuil font de même, comme nous le voyons avec les amis de Job : " Levant leurs yeux de loin, ils ne le reconnurent pas. Ils pleurèrent alors à grands cris. Chacun déchira son manteau et ils jetèrent en l’air de la poussière qui retomba sur leur tête " (2.12)

Le contraste avec Jésus est frappant ; la sobriété du récit évangélique tranche avec tout ce que nous trouvons dans le reste de la Bible, et c’est là qu’apparaît la pudeur de Jésus.

Au moment où Jésus se met à pleurer, il ne manifeste d’aucune autre manière sa douleur : des larmes et c’est tout ! Jésus ne pousse aucun cri ; il ne fait rien entendre. Des larmes coulent et l’amour les laisse couler, tout simplement, en silence. Ces larmes-là franchissent les limites de la pudeur coutumière, mais elles coulent dans un silence d’une authentique pudeur. Jésus a donné à la pudeur de nouvelles limites dictées par son amour infini.

Que dire pour aller un peu plus en profondeur dans le mystère de l’amour pudique du Christ ?

Dans la Bible, comme pour nous aujourd’hui, le siège de l’amour se trouve dans le coeur ; voilà pourquoi, il nous est demandé d’aimer de tout notre coeur (Dt 6.5 ; Mt 22.37).

Si la source de l’amour est dans le coeur, qu’en est-il du coeur de Jésus ? Aussi curieux que cela puisse paraître, il n’est fait qu’une seule fois mention du coeur de Jésus dans toute la Bible ; et cet unique passage est dans la bouche même de Jésus : " Je suis doux et humble de coeur " (Mt 11.29).

L’humilité ! C’est tout ce qu’il est dit du coeur de Jésus, mais cela suffit amplement pour éclairer sa pudeur d’une lumière admirable.

La pudeur du Christ, son immense retenue dans l’expression de son amour, vient de son humilité. Tout s’éclaire soudain : l’humilité rend toujours l’amour pudique ; l’amour humble est forcément pudique.

L’orgueilleux est toujours ostentatoire, et affiche un amour plus grand qu’il n’est en réalité. Et l’humble fait l’inverse : il dit toujours moins de son amour que ce qu’il n’est en réalité. C’est bien cela la pudeur : l’humble amour qui voile en partie ce qu’il révèle de lui-même.

Humble et pudique amour du Christ : amour infini qui sera toujours bien au-delà de tout ce que je pourrai en percevoir !

Dans la même phrase sur le coeur de Jésus, nous apprenons que Jésus est doux. La douceur ! Voilà un autre aspect de la pudeur. L’amour pudique est toujours plein de douceur.

On ne mesurera jamais assez à quel point la pudeur appartient à l’être même du Christ.

Les larmes pudiques de celui qui est doux et humble de coeur coulent doucement de l’humble source de son amour.