Carême 2001 : La Pudeur de DieuLa pudeur de l’amour de DieuUn pudique ne parle jamais de sa pudeur ; mais ses proches et ses amis, par contre, ont à coeur d’en parler, afin que son amour pudique ne passe pas inaperçu. Jésus est un véritable pudique, lui qui ne parle jamais de sa pudeur. Si nous sommes informés de cette pudeur, c’est grâce aux auteurs des Evangiles, ses amis, qui nous l’ont fait remarquer. Marc, en particulier, nous y a rendu attentifs, au moment précisément où l’amour pudique de Jésus n’était pas perçu par le jeune homme riche. Bienheureux Marc, qui nous a ouvert les yeux sur la pudeur de son Maître ! Mais qu’en est-il maintenant de Dieu ? Serait-il lui aussi pudique ? Car, lui non plus ne parle jamais de sa pudeur, et son amour aussi passe très souvent inaperçu ! Lequel de ses proches nous fera découvrir si Dieu est véritablement pudique ? Jésus, bien sà »r ! Lui, le proche parmi les proches, lui mieux que quiconque saura nous faire découvrir la pudeur de Dieu. Cependant, Jésus lui-même est pudique, ce qui, d’un côté, est pour lui un atout, car il est ainsi bien placé pour comprendre la pudeur de Dieu ; mais, d’un autre côté, comment Jésus, si pudique, parlera-t-il de la pudeur de Dieu ? Avec toute la discrétion de la pudeur, sans doute ! Nous voilà donc dans une situation très particulière, qui exige de nous une immense attention : écouter le Christ parler avec pudeur de la pudeur de Dieu ! Dieu seul, par son Saint Esprit, saura nous donner une telle attention. Père très bon, Dieu de tendresse et ami des hommes, Nous avons soif de mieux comprendre ton amour, afin de mieux t’aimer encore. Tu vois nos coeurs tout encombrés de tant de fausses richesses Et mal préparés à contempler ton mystère. Prends pitié de nous ! Accorde-nous maintenant l’aide de ton Saint Esprit ; Qu’il vienne éclairer nos coeurs et nos intelligences ; Qu’il nous fasse entrer dans la profondeur des paroles du Christ Et qu’il nous rapproche ainsi de toi, en nous rapprochant du Christ, Lui, ton Fils bien-aimé, notre Seigneur ! Amen. Parler de la pudeur avec pudeur, cela revient à dire les choses sans les dire, à les évoquer seulement, pour faire entendre ce qui n’est pas explicité. C’est là tout un art, qui n’est pas donné à tout le monde, mais que le Christ, heureusement, possède parfaitement. Comment Jésus va-t-il donc s’y prendre pour dire la pudeur de Dieu sans la dire ? Il me semble avoir noté qu’il utilise pour cela deux procédés bien particuliers. Un des procédés qui permet de dire les choses sans les dire, c’est l’emploi des verbes à la voix passive. Si, par exemple, je veux dire le pardon de Dieu, sans dire vraiment que Dieu pardonne, je ne vais pas dire " Dieu pardonne tes péchés ", mais seulement " tes péchés sont pardonnés ". Quand on sait, en effet, que Dieu seul pardonne vraiment les péchés, il suffit de dire " tes péchés sont pardonnés " et tout est clair : le pardon annoncé est bien celui de Dieu, mais cela n’est pas dit explicitement5. Ce type de passif, qui parle de Dieu sans le nommer, est appelé " passif divin ". Eh bien ! Jésus va saisir l’occasion de ces passifs divins pour dire avec pudeur la pudeur de Dieu, comme nous le découvrons, par exemple, dans cette parole bien connue : " Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés " (Mt 5.5). Cette Béatitude ne dit rien explicitement de Dieu, mais elle invite discrètement à entendre : " Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés par Dieu ". Vous me direz que d’autres que Dieu peuvent consoler des gens qui pleurent ! Eh bien, non ! Pas dans le cas présent de cette Béatitude ! En effet, toutes les Béatitudes qui accompagnent celle-ci mettent discrètement Dieu en avant, d’une manière ou d’une autre. " Heureux les pauvres de coeur, car le royaume des cieux est à eux " (5.3). Dieu n’est pas nommé, mais il est clair que lui seul est capable de donner le royaume aux pauvres ! " Heureux les doux, car ils hériteront la terre " (5.4). Qui donc est possesseur de la terre entière, au point de pouvoir la donner aux doux ? Dieu seul, bien sà »r ! Et ainsi de suite pour toutes les Béatitudes. Voilà pourquoi pour ceux qui pleurent, le passif est un véritable passif divin : " ils seront consolés par Dieu ". Que dit Jésus ici ? Il nous révèle un Dieu étonnant, un Dieu si proche qu’il vient même essuyer les larmes de ceux qui pleurent6 ! Un tel geste de Dieu en dit long sur son amour, et révèle même un amour plein de pudeur. En effet, quand on pleure, on ne pleure pas en public. Et quand on va consoler celui qui se cache pour pleurer, on se cache avec lui ! Voilà tout ce que Jésus dit sans le dire, tout ce qu’il révèle avec pudeur de la pudeur de Dieu. Heureux, oui bienheureux celui que Dieu est venu consoler en secret ! On pourrait passer des heures à examiner tous les passifs divins utilisés par Jésus, on y découvrirait bien souvent, étroitement mêlées, la pudeur de Jésus et la pudeur de Dieu. Mais je vous laisse la joie de faire par vous-mêmes tout ce travail, pour m’arrêter sur l’autre procédé utilisé par Jésus pour dire les choses sans les dire. Ce deuxième procédé est très fréquent aussi dans le discours de Jésus : ce sont les paraboles. L’immense avantage de la parabole, c’est qu’elle permet, en particulier, de dire Dieu sans même le nommer. Ecoutons celle-ci : " Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir". Et le père leur partagea son avoir. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain, où il dissipa son bien dans une vie de débauche. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence. Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays, qui l’envoya dans ses champs pour garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : "Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! Je vais me lever et m’en aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers." Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et en fut tout bouleversé d’émotion. Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : "Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils ". Mais le père dit à ses serviteurs : "Vite, apportez la plus belle robe et habillez-le, mettez-lui un anneau au doigt et des sandales aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé " " (Lc 15.11-24) J’arrête ici la lecture, car nous avons déjà amplement de quoi nous émerveiller ! Le personnage central de cette parabole est le père, et tout le contexte de ce chapitre évangélique montre qu’à travers ce père c’est de Dieu qu’il s’agit, Dieu dans l’accueil extraordinaire qu’il réserve aux pécheurs (cf. 15.1) A travers le père, Dieu est donc au centre de cette parabole, et nous pouvons noter que le nom de Dieu ne s’y trouve pas une seule fois mentionné ! D’admirables commentaires ont été écrits sur l’amour merveilleux de ce père, et, par là , sur l’amour merveilleux de Dieu. Tout a été dit ! Je voudrais seulement m’arrêter ici sur ce que cet amour a de pudique. La première chose frappante, c’est le débordement d’amour du père au moment où il retrouve son fils : " Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et en fut tout bouleversé d’émotion. Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers ". Où donc est la pudeur dans ce débordement d’amour assez démonstratif ? Eh bien ! N’oublions pas que le père a couru vers son fils, qui était au loin, si bien que l’étreinte du père et du fils se situe loin de la maison, loin de tout témoin. La distance protège ainsi la pudeur du père, dans ce moment d’intimité avec son fils. Personne ne pourra alors entendre ce que dira le père. Mais, que dit le père à son fils dans leur étreinte ? Rien ! Le père reste totalement muet, alors qu’il aurait tant de paroles d’amour à dire ! Beaucoup de commentateurs se sont étonnés de ce silence, mais je crois que dans ce silence du père la pudeur de l’amour est à l’extrême. Que se passe-t-il exactement ? Jésus nous dit que le père, bouleversé d’émotion, se mit à courir pour " se jeter au cou " de son fils ; littéralement, pour " tomber sur le cou " de son fils ! Jésus utilise ici une expression très caractéristique, sur laquelle il est bon de nous arrêter : " il tomba sur le cou de son fils ". Cette expression est très parlante pour les auditeurs de Jésus, qui sont de fins connaisseurs de la Bible, et elle permet à Jésus de passer sous silence, très pudiquement, un détail très important. Je me vois un peu contraint d’expliciter ce détail, en pensant à ceux qui sont moins versés dans les Ecritures. Mais, expliciter ce détail, c’est aussi bousculer la pudeur du silence, et je suis désolé de malmener ainsi ce que Jésus évoque avec tant de pudeur ! Dans la Bible, l’expression " tomber sur le cou de quelqu’un " apparaît dans trois scènes, ce qui peut paraître peu, mais ces scènes sont si inoubliables que cela suffit. Ces trois scènes sont des scènes de retrouvailles, entre des gens très proches, comme ici, après des années de séparation. La première raconte les retrouvailles entre Esa༠et son frère Jacob : " Esa༠courut à sa rencontre, l’étreignit, se jeta à son cou et le couvrit de baisers ; ils pleurèrent " (Gn 33.4) La seconde décrit les retrouvailles entre Joseph et son jeune frère Benjamin : " Il se jeta au cou de son frère Benjamin en pleurant, et Benjamin pleura à son cou " (Gn 45.14) La dernière nous rapporte les retrouvailles entre ce même Joseph et son vieux père Israël : " Joseph monta à la rencontre de son père Israël. A peine celui-ci l’eut-il vu que Joseph se jeta à son cou et, à son cou encore, il pleura " (Gn 46.29) Dans chacune des trois scènes, vous l’avez noté, ceux qui se retrouvent ne parviennent pas à dire la moindre parole, aussi longtemps que dure leur étreinte. Ils ont certainement à se dire l’immensité de leur bonheur, mais ils en sont tout à fait incapables, pour la bonne et simple raison qu’ils pleurent. L’émotion est trop grande. Mais les larmes disent alors plus que toute parole. Dans chacune des trois scènes, le premier qui se met à pleurer est celui qui se jette au cou de l’autre. La pudeur pousse à trouver dans l’étreinte un refuge, pour y enfouir et cacher les larmes. Les auditeurs de Jésus savent tout cela et n’ont pas besoin d’entendre plus : on ne peut pas se jeter au cou d’un proche, après une longue séparation, sans se mettre à pleurer de bonheur. Jésus ne dit rien des larmes du père, parce que tout le monde a compris. Il n’en dit rien, parce que ces larmes-là sont celles de Dieu. Jésus fait silence sur les larmes de Dieu : pudeur de Jésus dans son silence ! Pudeur de Dieu dans ses larmes cachées ! L’amour pudique de Dieu ! Quelle révélation et quel émerveillement ! J’étais déjà émerveillé par la profondeur de l’amour que Dieu a pour nous. Et maintenant, mon émerveillement devient sans mesure, dès lors que je sais que cet amour est encore bien plus profond que tout ce que je peux en percevoir, infiniment plus profond, car Dieu lui-même voile cette profondeur et la cache à nos yeux. Amour infini, que Dieu enfouit dans sa pudeur. Mon émerveillement redouble encore, quand je vois avec quelle pudeur Jésus parle de Dieu, car cette pudeur révèle et cache à la fois tout son amour pour Dieu. Amour infini, que Jésus lui-même voile dans sa pudeur ! Mais, il nous faut avancer ! Nous avons écouté le Christ nous parler de l’amour de Dieu. Il est temps maintenant d’écouter Dieu lui-même dire son amour. Il arrive à un pudique de dire " je t’aime ", mais lorsque c’est le cas, ces mots-là prennent une profondeur extrême, car on sait qu’un pudique dit toujours moins de son amour que la réalité. Quels sont donc les mots d’amour dans la bouche même de Dieu ? Eh bien ! Lui aussi sait dire des mots aussi forts que " je t’aime " ou " je vous aime ". Arrêtons-nous sur ces mots, sans doute les mots d’amour les plus forts qui soient, galvaudés parfois, mais jamais dans la bouche d’un pudique. " Je vous aime " : Dieu n’a dit cela qu’une seule fois, au début du livre de Malachie (1.2). Une seule fois ! Nous reconnaissons là sa pudeur ! Il n’a pas besoin de le répéter ; personne ne peut l’oublier. Ce mot est si fort que personne après Dieu n’a osé le faire sien. Dans toute autre bouche que la sienne cela sonnerait faux ! Une seule fois ! Cette unique fois prend une saveur d’éternité. Dans le grec7, nous l’avons vu, c’est devenu " je vous ai aimés ", et Jésus seul a su reprendre ces mots sans en ternir l’éclat. L’amour du Christ et l’amour de Dieu sont de la même veine, de la même beauté, de la même pudeur. " Je t’aime ", dit aussi Dieu, avec une force encore plus grande, car elle suppose une intimité plus grande aussi. Dieu dit cela quatre fois dans la Bible, avec deux verbes synonymes 8 ; trois fois dans Esaïe (43.4, 54.8, 60.10) et une fois dans Jérémie (31.3). Dans Jérémie, c’est même dit avec une redondance, qui en fait un véritable superlatif : " Je t’aime d’un amour éternel ". Quatre fois au total ! Cela reste très peu dans des écrits bibliques qui s’étalent sur plusieurs siècles. " Je t’aime " : ce qui est essentiel de savoir pour bien comprendre Dieu ici, c’est que le destinataire de cette parole n’est jamais une personne particulière : " Parce que tu as du prix à mes yeux, parce que tu es honoré et que je t’aime, je donne un homme à ta place et des peuples pour ta vie. Ne crains rien, je suis avec toi " (Es 43.4-5) Dieu s’adresse là à tout son peuple et il fait de même dans les autres passages. Le " tu " prononcé par Dieu est un " tu " collectif, qui a la même étendue que " je vous aime ", aussi adressé au peuple dans Malachie. Cette remarque est fondamentale pour comprendre la pudeur de Dieu. On ne dit pas son amour à une personne seule comme on le dit à tout un peuple.9 L’intimité n’est pas la même. Jamais nous n’entendons Dieu dire " je t’aime " à une seule personne. " Je t’aime " : ce mot reste cependant un singulier et garde la force du singulier, en sorte qu’à travers ce collectif, chaque membre du peuple peut aussi entendre Dieu lui dire personnellement " je t’aime ". C’est vrai et c’est très important ! Il est même vital pour chacun de nous d’entendre Dieu lui dire un jour personnellement " je t’aime ". C’est une parole qui fait vivre, en vérité, une parole de vie éternelle. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ce singulier reste collectif, en sorte que je ne peux jamais l’entendre pour moi seul. Le singulier collectif n’est pas un singulier exclusif, qui isole un individu ; c’est un pluriel de communion, qui garde chaque personne aimée de Dieu en lien de communion avec les autres. " Je t’aime " : ce mot résume à lui tout seul tout le Cantique des Cantiques. Jamais il n’est dit dans ce chant d’amour que le bien-aimé est Dieu. L’auteur de ce livre, en tout cas, n’en dit rien10. Cependant, la place de ce livre dans la Bible invite à découvrir Dieu à travers le bien-aimé. Dans ce cas, ce chant a valeur de parabole. De même que Dieu se tient discrètement caché derrière le père du fils prodigue, Dieu se tient discrètement caché derrière le bien-aimé du Cantique. Cette discrétion est celle de la pudeur des paraboles. La bien-aimée du Cantique, c’est chacun de nous personnellement et c’est aussi tout le peuple de Dieu, dans cette intimité à la fois personnelle et collective, que Dieu seul sait créer : " Je dormais mais je m’éveille : J’entends mon bien-aimé qui frappe ! "Ouvre-moi, ma s ur, ma compagne, Ma colombe, ma parfaite ; Car ma tête est pleine de rosée ; Mes boucles, des gouttes de la nuit." J’ai enlevé ma chemise : comment ! Je la revêtirais ? J’ai lavé mes pieds : comment ! je les salirais ? Mon bien-aimé avance la main par le trou ; Et mon ventre s’en émeut. Moi, je me lève pour ouvrir à mon bien-aimé. Et mes mains distillent de la myrrhe, Et mes doigts de la myrrhe fluide, Sur les paumelles du verrou. Moi, j’ouvre à mon bien-aimé ! Mais mon bien-aimé s’est détourné, il a passé. Hors de moi je sors à sa suite : Je le cherche mais ne le rencontre pas ; Je l’appelle mais il ne me répond pas. Ils me rencontrent, les gardes Qui font le tour de la ville ; Ils me frappent, ils me blessent ; Ils enlèvent de dessus moi ma houppelande, Les gardes des remparts Je vous en conjure, filles de Jérusalem : Si vous rencontrez mon bien-aimé, Que lui expliquerez-vous ? Que je suis malade d’amour ! " (5.2-8) Il arrive à la bien-aimée du Cantique de divulguer aux autres ce que son bien-aimé lui a dit dans l’intimité (2.10), mais lui ne fait jamais de même. Elle se permet de raconter ce qu’il a fait dans l’intimité (8.3), mais lui jamais. Elle est naïvement impudique, mais lui ne transgresse à aucun moment son admirable pudeur. A côté du Cantique des Cantiques, la Bible nous apprend qu’il existe tout de même des êtres qui ont connu avec Dieu une réelle intimité personnelle. C’est ainsi que Dieu parlait avec Moïse comme avec un ami (Ex 33.11). Abraham est aussi appelé " l’ami de Dieu " (Jq 2.23) ; et Amos nous apprend que Dieu fait des confidences à ses serviteurs les prophètes (3.7). Tout cela est vrai, à ceci près que les moments de plus grande intimité avec de tels amis ne nous sont jamais révélés. Par exemple, au moment où nous apprenons l’amitié de Dieu avec Moïse, celui-ci dit à Dieu : " Tu m’as toi-même dit : tu as trouvé grâce à mes yeux. " (Ex 33.12) " Tu as trouvé grâce à mes yeux " : c’est là une parole d’amour très forte, que Dieu n’a dite à personne d’autre11. Moïse fait donc référence ici au moment où Dieu lui a dit son amitié ; mais quand est-ce que Dieu lui a dit cela ? Dans quel moment d’intimité ? Nous n’en savons rien ! Cela reste enfoui dans la pudeur de Dieu. Il est bon de savoir que l’intimité personnelle du coeur à coeur avec Dieu est une réalité, mais nous devons garder cela enfoui dans le silence de la pudeur. Une seule fois, David, un autre ami de Dieu, laisse échapper dans un psaume un mot de son intimité avec Dieu : " Je t’aime, Seigneur, ma force " (Ps 18.2)12 Ce verset de psaume nous apprend avec bonheur que dans notre intimité avec Dieu nous pouvons lui dire tout à fait librement tout notre amour pour lui, avec des mots très forts, non pas en porte à faux avec la pudeur, mais à l’intérieur même d’une pudeur partagée, car c’est cela l’intimité : une pudeur partagée. Ce verset de psaume nous apprend encore une chose essentielle : le lieu de l’intimité avec Dieu, c’est la prière. La prière : c’est là que Dieu nous attend, au plus intime de notre être, pour nous faire connaître cette intimité, où Dieu s’enfouit et nous enfouit avec lui, au plus profond de sa pudeur, en gardant tout lien de communion avec les autres. |