Carême 2003 : La Pierre et la Foi

Le passeur de parole

M - Depuis que nous voyageons à travers ces provinces germaniques, nous avons rencontré bien des choses étonnantes. A commencer par ce langage rauque et si savant . Et aujourd’hui, qu’ allez vous me faire découvrir dans cette ville de Cologne, si loin de ma Bourgogne natale ?

B- En cette église de Saint Marien im Kapitol, j’ai le souvenir d’un bas relief représentant un dernier repas qui va t’intéresser, je crois
Ah, le voilà .. Dis-moi ce que tu vois.

M- Je dirais que ce travail date du 12ème siècle.
Il y a trois groupes d’hommes derrière une longue table. Trois personnes à gauche,
Jean et Jésus au milieu, et cinq personnes à droite dont visiblement Judas car il n’a pas d’auréole. C’est rare qu’on voit Judas placé à droite de l’image pour un dernier repas.

Ils sont tellement expressifs tous. Je suis sà »re que c’est le moment exact de l’interrogation des disciples que l’on trouve dans les quatre évangiles .
Regardez les tous, maître, la main sur la poitrine : " est-ce moi Seigneur ? "

B - Un seul à l’air sà »r de lui et repousse l’idée d’une main assurée et d’un visage satisfait avec l’air de dire :
" Oh non pas moi ! "

M - Mais ne serait-ce pas Pierre ? disant à Jésus " même si les autres t’abandonnent, moi je ne t’abandonnerai jamais ! "10

B - Regarde bien les trois groupes en appliquant la grille de lecture que tu as apprise.
Les trois de la garde rapprochée que l’on voit souvent dans l’évangile de Matthieu, avec Pierre en Chef de file sont détachés de reste de l’équipe, même de Jean, qui pourtant fais partie de ce groupe de quatre personnes, habituellement sur les images.

Jésus et Jean forment un couple élégant, expressif . Jean a les cheveux courts, il est imberbe, à peine plus jeune qui les autres compagnons.

A droite un groupe de cinq hommes dont Judas.

M - Il a un air étonnant, ce Judas, un visage impassible, les cheveux longs, un nez très stylé, très marqué dans un visage imposant, imberbe lui aussi, avec un vrai caractère !

Tous les visages d’ailleurs sont ronds, massifs, expressifs. On dirait de la Bande Dessinée !

B - Pardon, fillotte ? De la quoi ?

M - Oh ! Rien, rien, Maître. Je vous expliquerai un jour, si j’arrive à mettre ça au point !

B - Remarques-tu que tous ont une main dans leur plat, affichant une solidarité troublante avec la culpabilité de Judas, désigné habituellement par ce geste comme le traître ?

M - C’est vrai, cela . Et quand on y regarde avec plus d’attention, on distingue que ce sont des poissons qu’ils tiennent.
Serait-ce encore une cène Vaudoise, ou hérétique ?

B - Cela y ressemble fort ! Mais je ne dirais pas cela.

Ce sculpteur n’est pas forcément Vaudois ou de l’un de ces groupes qui ont essaimé dans la région dès le 12ème siècle : je pense en particulier aux " Apostoliques de Cologne " 29 très connus ici. Il est peut-être simplement sympathisant, ou séduit par ces idées évangéliques, cette approche de l’Ecriture, et par là -même, de l’Eglise, qui dénote une grande liberté tout en ayant un respect de la foi et de Dieu.

La région de Cologne et de Mayence a été marquée par des bà »chers. Si le sculpteur avait été connu comme hérétique, s’il avait revendiqué sa non-adhésion à l’Eglise, son œuvre n’aurait pas survécu à son exécution ou sa condamnation. Le fait est qu’on admire cette eucharistie présente devant nos yeux, encore aujourd’hui.

M - Que veut-il signifier ici ?

B - Les cinq disciples à droite, rappelle- toi le 5 nombre de l’homme, le microcosme, l’humanité, les cinq sens, représente très certainement la communauté, l’Eglise, l’EKKLESIA, c’est à dire au sens originel, l’assemblée des fidèles - ni le bâtiment, ni l’institution.

Judas mange son morceau, faisant corps avec les autres, pendant que chacun se questionne sur sa responsabilité, la main sur la poitrine : " est-ce moi, Seigneur ? ".

M - Tout à fait à l’opposé, de l’autre côté du couple Jean/Jésus, les trois disciples qui n’ont pas la main sur la poitrine : l’un montre du doigt Pierre, le désignant peut-être suite à la remarque de Jésus : " l’un de vous me trahira ". Remarque qui bouleverse tous les autres, certainement moins ces trois-là qui ont l’air plus assurés, plus sà »rs d’eux-mêmes et de leur bon droit.

B - Le disciple que Jean sépare de Jésus, sans doute Pierre, est reconnaissable aussi à sa tonsure de moine, qui va le distinguer dans l’art dès le 11ème siècle en occident . Il est imberbe sur ce bas-relief ce qui est rare et intéressant pour l’époque.

M - Son coté péremptoire, son visage si expressif, tranquille et sà »r de lui donne un humour incroyable à cette composition . On peut se demander devant cette mimique de Pierre, si étonnante, si le propos n’est pas ironique.

B - Il n’y a ni couteau, ni coupe de vin : c’est un repas de Pâque juive typique de l’ Evangile de Jean, où l’on n’a aucune institution de l’Eucharistie ( pas d’hostie, pas de pains ronds). Je te rappelle que chez Jean aucun ordre ne peut faire penser que Jésus institue ce repas même comme mémorial .

Ce qui est étonnant c’est que le seul évangile où il n’y a pas d’Eucharistie est celui qui va être le plus utilisé graphiquement dans l’histoire de l’art pour lui faire dire des choses extrapolées qui sont de toutes les origines possibles, histoire de l’Eglise, histoire de l’art, traditions, mais pas de l’Evangile de Jean.

M - Comment expliquer cela ?

B - C’est souvent pour amoindrir la performance d’une idée, d’un texte ou d’une doctrine, que l’on va l’utiliser au maximum mais en détournant la force de son propos. En fragmentant un exposé global en petites séquences ou petits morceaux, on disperse ainsi l’unité théologique de la thèse. Observe bien cela dans les gravures et peintures en relisant l’Evangile.

M - Pourtant on dirait des moines sur cette représentation, donc certainement l’artiste qui a fait ce bas relief devait aussi en être un .

B - Certainement, mais ça ne veut rien dire. On sait qu’a cette époque nous sommes en pleine réforme des ordres religieux suite à des difficultés ou abus divers . Lancée par le pape
Grégoire VII elle est très appréciée et suivie dans les monastères.

Même les ordres religieux les plus sévères ne contrôlent plus tout ce qui existe chez eux. Tu sais, Henri de Lausanne, qui prêcha une doctrine évangélique qui contestait les rapports hiérarchiques de l’Eglises Romaine, à travers la Suisse, la Bourgogne, et la France vers 1150 était originaire d’une abbaye clunisienne ! Cela ne l’empêchera pas de critiquer sévèrement les sacrements de l’Eglise et son organisation institutionnelle

Ce que l’on peut dire du couple Jean/ Jésus est très intéressant.
On a un personnage, Jean, qui contrairement aux représentations qui vont se multiplier pendant des siècles, n’est pas affalé sur Jésus ou en train de dormir, totalement étranger au drame qui se joue ce soir-là . Nous avons plutôt une représentation pure et élégante du seul verset qui nous indique cette action de Jean 11 " Simon-Pierre lui fit signe pour qu’il demande à Jésus de qui il parlait . Le disciple [Jean] se penche alors vers la poitrine de Jésus et lui demanda : " Seigneur, qui est-ce ? ".

M - Pierre est obligé de passer par Jean pour interpréter ou comprendre ce qui dit Jésus. !
L’église a besoin de la spiritualité de Jean pour comprendre sa vocation. ?

B - Le bas-relief montre Jean proche de Jésus. L’institution à gauche, séparée de Jésus par un vide, puis par le disciple Jean ; à droite l’église, l’EKKLESIA, la communauté des croyants, se remettant en question, pécheresse également, séparée de l’institution mais plus proche de Jésus que les dirigeants.

Jean comme dans l’Evangile est ce passeur de parole, cet interprète indispensable.

M- Mais la critique est terrible, Maître !

B - Beaucoup moins que les écrits de l’époque, sache-le jeune fille.

M - Comment ce bas-relief a-t-il pu traverser cette période ? Comment tout cela est-il encore au cœur de nos églises ?

B - Hérode aimait bien se faire faire des remontrances par Jean Baptiste, sais-tu ?

M - Oui, mais on lui a coupé la tête !

B - Les Vaudois aussi vois-tu !

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LE DISCIPLE QUE JESUS AIMAIT

Evangile de Marc, Chapitre 14 verset 22 à 26 :

22 Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le donna à ses disciples, il leur dit :
- Prenez ceci, c’est mon corps
23 Il prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna ; et ils en burent tous. 24 Jésus leur dit :
- Ceci est mon sang, le sang qui garantit l’alliance de Dieu et qui est versé pour beaucoup. 25 Je vous le déclare, c’est la vérité : je ne boirai plus jamais de vin jusqu’au jour où je boirai le vin nouveau dans le Royaume de Dieu.
26 Ils chantèrent et ensuite les chants de la fête, puis ils s’en allèrent au Mont des Oliviers.

Voilà comment Marc, l’évangéliste dans sa sobriété, nous présente le dernier repas que Jésus prit avec ses disciples.

Ce qui est intéressant chez Jean, c’est de comparer son récit avec ceux des trois autres évangélistes. La comparaison avec Marc est plus aisée, car c’est le plus court des trois évangiles "synoptiques " (c’est à dire ceux qui s’approchent de très près dans la rédaction et le déroulement du récit et du scénario).

Jean décrit en cinq chapitres (de 13 à 17), un dernier repas pris par Jésus et ses disciples, au cours duquel Jésus laisse une partie importante de son enseignement avant son départ. Même dans cet épisode qui est commun aux quatre évangélistes, le récit de Jean se démarque par l’originalité qui caractérise l’ensemble de son évangile Visiblement Jean s’appuie plus sur la prédication que sur les sacrements..

Le texte de Jean apporte des faits nouveaux que l’on ne trouve pas dans les synoptiques, au travers de séquences et de personnages originaux qui lui sont spécifiques. L’intime parallèle entre l’évangile de cet auteur et la présence du personnage, disciple du même nom, est significatif et troublant

Jean le disciple, si c’est bien lui qui écrit cet évangile, le met sur parchemin tardivement vers la fin du premier siècle. Que Jean soit le rédacteur n’est pas aberrant : s’il est le plus jeune de tous, comme cela est suggéré à plusieurs reprises dans l’ensemble des récits, il peut avoir 18 ans alors que ses compagnons en ont déjà 30. En 70 à la chute du Temple, (détruit par les romains lors de la " Guerre des Juifs " comme le décrit Flavius Joseph dans sa chronique), le disciple pourrait avoir 55 ans . En l’an 90, où l’on situe la rédaction du texte, il en aurait 75. Si ce n’est pas Jean le disciple l’auteur direct de l’évangile, ce peut-être des compagnons, des élèves, des disciples qui l’ont suivi à Patmos là où un dénommé Jean écrit ’les révélations ", l’Apocalypse.

Cet auteur va s’attacher, il me semble, à signaler tout ce dont il se souvient dans un texte global, autonome, sans sur ajouter aux récits existants. Ils met en parallèle des éléments qui lui paraissent importants, qui permettent de cerner mieux les qualités du maître qu’ils ont tous suivi avec fascination.

L’Evangéliste Jean, dont je ne peux m’empêcher de l’associer au disciple, frère de Jacques, tous deux fils de Zébédée, est un passeur de parole.

Il écrit après la chute du Temple, quand il voit le peuple Hébreu, le peuple de Judée, les Juifs, basculer dans une autre civilisation. La civilisation contemporaine, dont il a une parfaite connaissance, est grecque. D’ailleurs, comme d’autres compagnons, il écrit en grec. Pourtant il est aussi le témoin conscient du bouleversement de civilisation en train de se produire dans un monde désormais latin, romanisé. Il va falloir qu’il soit l’interprète, le traducteur, l’exégète de ses contemporains. Il perçoit même qu’il doit être le contemporain des peuples qui arrivent après tous ces évènements : il devra être, et c’est sans doute la mission qu’il se reconnaît, l’interprète ultime, avant la disparition physique des derniers témoins, avant le basculement d’une culture à une autre.

La représentation dans l’art du disciple nous dit beaucoup sur la capacité des lecteurs, des auditeurs à comprendre cet homme subtil. Jean le disciple sera marqué dans les représentations artistiques par le passage biblique de Jean " Alors, se penchant vers la poitrine de Jésus Le disciple lui dit " Seigneur qui est-ce ? " "12.

Tout a été dit, dessiné et peint à ce propos. Nous verrons l’amalgame du témoignage de Jean avec les autres évangiles à ce propos dans toutes les représentations peintes ou sculptées, nous verrons le disciple affalé, écroulé, endormi, lové dans le manteau de Jésus, complètement en dehors de ce qui se passe alors que pour l’évangéliste, Jean avait un rôle central. Nous pouvons trouver une constante cependant : plus l’Eucharistique aura de l’importance dans l’image, plus Jean sera minimisé, ridicule, béat d’admiration, inutile, ailleurs, dormant.

Plus l’auteur recherchera une vérité biblique, de quelque évangile qu’il tirera son inspiration, Jean reprendra sa vraie place, intelligente, certaines fois très heureuse, très plastique, sa place d’autrefois plus hiératique. C’est au jeu commun de trois personnages que nous voyons comment sont traités les textes bibliques : Jean, Judas, et Pierre. Jésus est à part mais tout autant significatif.

Jean pourtant n’est repérable que très tard dans l’art. Nous apercevrons d’abord Judas, dès le 5ème siècle, puis Pierre et enfin Jean à partir du 11ème siècle. Jean est un personnage typiquement occidental. L’Orient, Byzance n’en parlera pratiquement jamais. Le repérage de Jean sera généralisé à partir du milieu du 12ème siècle en occident. Il deviendra même un motif autonome.

Quelque soit le genre artistique, la tendance théologique, Jean devra être reconnu dans l’image et ce jusqu’au 20ème siècle comme personnage incontournable. A part quelques très belles représentations (dont le maître de Naumburg, Fouquet, Léonard de Vinci) il faudra le début du 16ème siècle pour redonner à Jean une place normale, avec Pierre derrière lui, grâce en particulier aux peintre de la réforme (Dà¼rer, Cranach, Cranach le vieux, Schaufelein, Holbein, Rembrandt) On pourra repérer également Jean grâce à son jeune age, son absence de barbe ou ses cheveux plus clairs que les autres.

Faute d’institution de la Sainte Cène dans l’Evangile de Jean, ce dernier est gênant pour faire l’apologie de l’Eucharistie, c’est pourquoi, nous nous permettons de l’affirmer, la personne de Jean, son personnage sera minimisé plus la cause à défendre sera eucharistique, et pétrinienne.

§§§§§

Pour mieux comprendre de quel point de vue cet auteur se place, lisons dans la fin de l’Evangile de Jean au Chapitre 20 :

24 Cependant, l’un des douze disciples, Thomas (appelé le Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent :
- Nous avons vu le Seigneur.
Mais Thomas leur répondit :
- Si je ne vois pas la marque des clous dans ses mains, si je ne mets pas mon doigt à la place où étaient les clous et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas.

26 Une semaine plus tard, les disciples de Jésus étaient de nouveau réunis à l’intérieur de la maison, et Thomas était avec eux. Les partes étaient fermées à clé, mais Jésus vint, se plaça au milieu d’eux et dit :
- La paix soit avec vous !
27 Puis il dit à Thomas :
- Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. Cesse de doutes et crois !
28Thomas lui répondit :
- Mon Seigneur et mon Dieu !
29 Jésus lui dit :
- C’ est parce que tu m’as vu que tu as cru ? Heureux sont ceux qui croient sans m’avoir vu !

L’évangéliste, tout comme le disciple est ce passeur, ce traducteur, cet exégète qui nous parle à travers les siècles.

Nous avons toujours légèrement tendance à prendre nos ancêtres pour plus bêtes qu’ils ne l’étaient, les disciples et les premiers chrétiens pour plus naïfs que nous, en leur attribuant cette grande crédulité qui aurait fait l’effervescence chrétienne des premiers siècles. Nous, hommes et femmes du 21ème siècle, aurions plus de recul et donc plus de raison face à cet évènement incompréhensible de la Résurrection d’un mort, fà »t-il le Christ lui-même.

Jean l’Evangéliste avait déjà compris ces doutes et cette lenteur à croire, dès son époque, fort heureusement pour nous. Il nous lègue ainsi un grand texte sur la foi d’un contemporain à notre époque : Thomas.

Contemporain il l’est malgré les apparences : Jean, le visionnaire, qui écrit son évangile à la fin de 1er siècle d’occupation Romaine, nous parle directement à travers le temps sans pourtant nous connaître, ni imaginer l’espace qui nous sépare de lui.

Il nous parle comme pour nous dire : ce n’est pas grave si vous n’avez pas vu le Christ vivant devant vous, si vous n’avez pas touché ses plaies . Votre foi n’est pas remise en cause. Votre situation de chrétien n’est pas différente des premiers chrétiens.

L’épisode de THOMAS, que des quatre évangélistes seul Jean relate, nous permet de penser que même ceux qui ont vu et suivi le Christ doivent admettre uniquement par la foi sa Seigneurie sur nous et notre monde.

Pourquoi donc notre acharnement contre Thomas, que nous désignons toujours comme celui-qui-n’a-pas-la-foi ? Cette version de l’événement le poursuivra toujours, tant que nous ne réaliserons pas que Thomas c’est nous. Nous projetterons sur lui cette culpabilité tant que nous n’aurons pas compris cette gémellité fulgurante du récit.

- Déjà , son nom surprenant nous guide dans cette explication : " Thomas appelé Didumoz (Didyme) en grec, c’est à dire le jumeau "13, nous indique à travers le temps et l’espace que c’est du lecteur de l’Evangile, qu’il est le jumeau.

- Comment ne pas prendre pour nous cette répétition insistante de Jean qui nous l’a déjà présenté ainsi dans son chapitre 11 ?

- Thomas est pourtant celui que notre regard critique et notre jugement sévère va mettre à part des autres disciples ! A part, il l’est certainement, mais mis par Jésus lui-même dans le sens du premier testament et du nouveau : mis à part, c’est à dire sanctifié, destiné à la plus haute des mission, saint pour traduire l’hébreu KADOSH ou le grec HAGIOS, HERIOS.

- Et Jésus a mis Thomas à part pour nous permettre de croire encore aujourd’hui.
Jean, le visionnaire, se rappelle de cette épisode et réalise que Jésus agit ainsi avec Thomas, pour que chacun de nous se sente interpellé par ses paroles.

Jean parle ainsi à tous ceux qui n’ont pas touché le Christ pour leur dire qu’en désirant de toutes leurs forces rencontrer le Christ face à face, nous pourrons comme Thomas, reconnaître sa présence, sa puissance et sa seigneurie.

Thomas, au contraire du naïf ou de l’exalté est ce croyant qui nous ressemble un peu, mais en mieux. Il ne veut pas croire aux rumeurs ou les amplifier par bêtise et intérêt personnel. Le Christ ressuscité est trop important pour lui pour risquer de croire en n’importe quel subterfuge. Quand il veut toucher le maître, c’est du moins sa demande aux autres disciples, c’est parce que lui aussi veut rencontrer le Christ, toucher son maître, il veut le rencontrer face à face. D’ailleurs au moment où il le rencontre, le texte ne dit absolument pas qu’il le touche.
Il dit devant tous, devant Jésus, le Nazaréen, vivant, debout devant lui : MON SEIGNEUR ET MON DIEU . Quelle plus belle confession de foi que celle qui englobe les mots Seigneur et Dieu. C’est toutes les réalités visibles et invisibles, tout le monde terrestre, social, politique, économique qui est dominé par ce terme de Seigneur, et le monde spirituel, intérieur qui fait la force de l’homme qui est dominé par le terme de DIEU.

MON SEIGNEUR ET MON DIEU

Pour nous il va intercéder. Pour nous Jean l’évangéliste et Thomas le disciple vont intercéder.

Jean l’Evangéliste va nous rapporter cet épisode, dont les autres n’ont apparemment plus souvenir, pour nous passer le " témoin ", pour être le passeur entre deux mondes comme l’est le disciple entre Pierre et Jésus, entre l’institution et l’esprit, entre nous et Dieu.

Alors, Thomas demande avec insistance, presque comme une revendication, de voir et de toucher le maître. Et il sera exaucé ! Il est prêt à croire à ce miracle du Christ vivant et ressuscité mais pas à n’importe quel prix.

L’Evangile de Jean nous ouvre à l’espérance de la foi malgré les siècles et le scepticisme.

C’est cela la foi donné par DIEU, et non créé par nous-mêmes, par nos manques ou notre désespoir. Cette foi ne sera pas l’œuvre de Thomas, de l’homme, de nous-même mais de DIEU SEUL. La foi c’est cette assurance de l’incrédule, quand soudain son maître l’appelle par son nom !