Marie de Béthanie
Un soldat, un brigand, un disciple, un officier, une étrangère, un religieux et une autre femme se retrouvent à la Croix. Qu’entendent-ils ? Que disent-ils ?
Parfois,
il faut attendre la fin d’une histoire pour en saisir le sens.
Aujourd’hui un livre se ferme. Sa fin est cruelle, mais je sais
qu’elle n’est pas absurde.
Je
me souviens de la première fois que j’ai rencontré
Jésus. Il s’était arrêté à la
maison pour se reposer. En attendant le dîner il parlait et moi
je l’écoutais. Il vivait une vraie passion de Dieu, mais
il avait en même temps une grande compassion et une profonde
douceur. Je ressentais que tout ce qu’il disait était
vrai. Jamais personne ne m’avait parlé comme cet homme.
C’est comme si le temps s’était arrêté.
Nous avons été interrompus par Marthe, ma sœur,
qui faisait la cuisine : Maître, ça ne te
dérange pas que ma sœur me laisse seule pour servir ?
Il avait répondu : Marthe, Marthe, tu t’inquiètes
et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est
nécessaire, Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas
enlevée.
Depuis,
chaque fois qu’il montait à Jérusalem, il faisait
une halte à la maison. Il y a quelques jours, ils étaient
à table et ses disciples parlaient entre eux. Le lendemain,
ils avaient prévu de monter à Jérusalem et je
les entendais dire qu’ils pensaient que c’était
maintenant le temps de Dieu. Ils sentaient que l’accomplissement
était proche. Jésus allait purifier le Temple et
devenir le libérateur d’Israël.
Je
ne disais rien mais leurs discours m’ennuyaient. Je les
trouvais creux. J’avais écouté Jésus et je
savais que son Royaume n’était pas de ce monde. Quand il
parlait du Royaume, Jésus disait qu’il était pour
les pauvres de cœur, que les derniers y seront les premiers, et
que les petits, les infirmes, les boiteux, les aveugles seront aux
premières places. Je voulais parler, mais je ne savais pas
comment exprimer ce qui était en moi. Alors, sans réfléchir,
je me suis levée, j’ai pris un flacon de parfum de nard
pur, je me suis agenouillée devant Jésus, j’ai
versé le parfum sur ses pieds et je les ai essuyés avec
mes cheveux.
Les
disciples n’ont pas compris mon geste. Judas a même fait
une remarque sur le prix du parfum qui aurait pu aider les pauvres.
Jésus, lui, a senti ce que j’avais sur le cœur. Il
a répondu à ses disciples : Des pauvres, vous
en avez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas
toujours.
Le
lendemain, ils sont partis pour Jérusalem, et les événements
se sont précipités. Il a été arrêté,
jugé et condamné par le Sanhédrin, puis par
Pilate. Quand j’ai appris qu’il serait crucifié,
je suis montée à Jérusalem pour le voir une
dernière fois... J’étais terrorisée. En
chemin, j’essayais de raisonner le tumulte qui était en
moi. Je me suis souvenue qu’il avait dit : Si le grain
de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul. Mais s’il
meurt, il porte beaucoup de fruits.
Je
savais que toute sa vie était une offrande à Dieu et
aux autres. Mais pourquoi faut-il toujours que les vrais justes, ceux
qui ont le cœur pur et qui vivent la compassion soient rejetés
et persécutés ?
Quand
je suis arrivée au lieu du Crâne, la croix venait d’être
dressée. Je suis restée à ses pieds pendant
toute son agonie. J’ai recueilli ses dernières paroles.
J’ai
été bouleversée par la demande de pardon pour
les soldats qui l’ont cloué au bois.
Je
l’ai entendu dire une dernière parole d’accueil
pour un brigand qui partageait sa croix.
J’ai
été émue par la dernière parole d’amour
qu’il a échangée avec Marie sa mère, et
avec son disciple Jean.
J’ai
habité ses ténèbres lorsqu’il a hurlé
à Dieu : Pourquoi m’as-tu abandonné ?
J’ai
partagé son désert quand il a crié : J’ai
soif.
J’ai
compris que la fin était proche quand il a dit : Tout
est accompli.
Il
a encore ajouté une dernière parole : Père,
je remets mon esprit entre tes mains. Puis il est mort. C’est
seulement à ce moment-là que j’ai totalement
compris mon geste, lorsque j’ai versé le parfum sur ses
pieds. Il est mort, et pourtant il n’a jamais été
aussi fort, aussi grand… Il n’a jamais été
aussi vrai. Cette mort est une folie, mais la folie de Dieu est plus
sage que la sagesse des sages. Cette mort est un scandale, mais le
scandale de Dieu renverse les puissances des puissants.
Il
est mort, mais dans mon cœur il n’a jamais été
aussi vivant. Je suis face à sa mort, et jamais je ne me suis
sentie aussi vivante.
La
parole de la croix
Lorsque
Marie a versé du parfum sur les pieds de Jésus, elle a
accompli un geste d’amour, de vie. Ce qui pouvait être
considéré comme une anticipation des soins mortuaires
s’est révélé un hymne à la vie. Au
moment où Jésus rend son dernier souffle, elle
déclare : Il est mort, mais dans mon cœur il n’a
jamais été aussi vivant. Je suis face à sa mort,
et jamais je ne me suis sentie aussi vivante.
Avec
Jésus de Nazareth, les notions de vie et de mort sont
revisitées, elles se situent sur une autre dimension que la
simple biologie.
Dans
l’évangile de Jean, lorsque Jésus se retrouve
devant Marthe, la sœur de Marie, au moment du décès
de Lazare, il dit : Celui qui croit en moi ne mourra
jamais65 .
Or nous savons bien que la foi n’est pas une potion magique qui
confère l’immortalité.
Dans l’évangile
de Luc, lorsqu’un homme appelé par Jésus lui
demande l’autorisation d’aller ensevelir son père,
il lui répond : Laisse les morts enterrer les
morts66 . Or nous savons bien que quand
on est mort, on ne peut pas enterrer les morts.
Pour Jésus,
être vivant va bien au-delà du simple fait d’avoir
un cœur qui bat et des poumons qui respirent. Etre vivant,
c’est aimer, partager, prier, rencontrer… C’est la
raison pour laquelle, jusque dans sa mort, Jésus reste vivant.
Le Dieu de la
Bible n’est pas une puissance céleste, froide et muette.
Il n’est ni impassible ni indifférent au sort de son
peuple et de l’humanité. C’est un Dieu passionné
pour la Création et pour l’homme. Sa passion de la vie
l’a conduit à la Passion sur la croix.
Parfois on entend
dire : Dieu ne saurait souffrir, Dieu ne peut pas
mourir, Dieu n’éprouve pas de désirs, Dieu n’a
pas besoin d’amis… Mais l’apathie n’a
jamais été un attribut de Dieu ! Dans la Bible,
Dieu est un Dieu jaloux qui entretient pour l’humanité
un intense sentiment d’amour, de zèle et d’enthousiasme.
Cette passion de
Dieu nous fait comprendre les représentations du Premier
Testament dans lesquelles Dieu souffle sa colère par ses
narines. A cause de sa passion, Dieu est jaloux, déçu
ou brûlant d’amour. Ces images peuvent nous choquer par
leur aspect rugueux et sévère, mais elles parlent au
moins d’un Dieu qui vit une véritable ferveur pour sa
Création. Si ces images nous heurtent, elles nous
interpellent, nous qui vivons dans une civilisation qui nous apprend
que rien n’est pire que l’indifférence.
Trois
illustrations rabbiniques nous aideront à entrer dans cette
passion de Dieu.
• D’abord,
au moment de l’Exode, après que le peuple a traversé
la Mer Rouge et que les Egyptiens ont été noyés
dans les flots, les anges se sont réjouis de la délivrance
des enfants d’Israël. Ils ont commencé à
entonner des cantiques d’allégresse, lorsqu’ils
ont vu que Dieu restait dans son coin… et qu’il
pleurait. Ils se sont approchés de lui et ont posé la
question : Pourquoi pleures-tu ? Dieu a répondu,
en pensant aux Egyptiens : Mes enfants ont péri !
Mes enfants ont péri ! Pourquoi devrais-je me réjouir
de la destruction de mes enfants67 ?
• Ensuite, au moment
de l’Exil, au moment du retour en Israël, les sages ont
interrogé Dieu et lui ont dit : Maître de
l’univers, c’est toi qui nous as dispersés parmi
les nations et maintenant, c’est toi qui nous ramènes.
Et Dieu a répondu en racontant l’histoire d’un
roi qui a chassé son épouse infidèle hors des
son palais. Le lendemain il l’a fait revenir en lui disant :
Cette nuit, je t’ai suivie hors de mon palais, car je ne
pouvais y habiter seul. Le Talmud conclut : quand Dieu a
envoyé ses enfants en exil, il est parti avec eux pour les
faire revenir.
• Enfin un passage
du livre d’Esaïe dit que Dieu ramènera son peuple
dans sa maison de prière68 . Les
sages en ont conclu que, si Dieu avait une maison de prière,
c’est qu’il priait. Quelle est la prière de Dieu ?
Le Talmud dit que Dieu prie la prière suivante :
Que, selon ma volonté, ma miséricorde l’emporte
sur ma colère, et que je puisse traiter mes enfants selon mes
attributs de bonté69 .
L’image
d’un Dieu qui pleure, d’un Dieu qui part en exil avec ses
enfants, et d’un Dieu qui prie peut nous surprendre. Mais c’est
à partir de cette compréhension que nous voulons
aujourd’hui lire la croix.
La croix n’est
pas le martyre d’un homme exceptionnel qui aurait été
détruit par un tyran. Si elle n’était que cela,
elle ne serait malheureusement qu’une toute petite pierre dans
l’immense édifice des injustices de notre histoire.
La croix est la
marque de la passion de Dieu pour les humains.
Cette
compréhension de Dieu nous rejoint. Si Dieu est celui qui
s’est engagé totalement aux côtés de notre
humanité, alors nous n’avons plus rien à
craindre. Nous pouvons vivre, espérer, risquer, croire…
c’est ce que nous a rappelé Marie quand elle a dit :
Je suis face à sa mort, et jamais je ne me suis sentie
aussi vivante.
S S S
Dans le film
" Taxi Driver ", un exergue disait : Dans
chaque rue, il y a un inconnu qui rêve d’être
quelqu’un. C’est un homme seul, abandonné de tous
et qui cherche à prouver désespérément
qu’il existe.
Notre monde
s’urbanise de plus en plus. Chaque jour nous pouvons croiser
des dizaines, des centaines de visages qui nous sont inconnus. Mais
nous aussi sommes inconnus à leurs yeux, nous passons
inaperçus. La foule que nous côtoyons nous renvoie à
notre propre solitude. Nous ne sommes qu’un pion dans un jeu
qui nous dépasse. Comment, dans ce cas, ne pas se sentir
exproprié de son propre être ? Comment exister ?
Pour quoi vivre ?
Face à
l’anonymat et à la solitude, ce qui nous permet de
continuer à vivre, c’est de savoir que nous comptons
pour quelqu’un.
Compter pour
quelqu’un, c’est la définition de l’amitié.
Un livre pour enfants nous décrit un ami :
Un ami, c’est
quelqu’un qui t’aime bien.
Ce peut être
un garçon, ce peut être une fille,
ou un chat…,
ou un chien…, ou même une souris blanche.
Un arbre peut
être aussi ton ami ;
il ne te parle
pas, mais tu sais
qu’il
t’aime, parce qu’il te donne des pommes
ou des poires
ou des cerises
ou également
une grosse branche pour te balancer.
Un ruisseau
peut aussi être ton ami,
un ami tout
particulier.
Lorsqu’il
fait glouglou et qu’il clapote,
il te
parle70 .
Ces paroles qui
chantent l’amitié ont un ton apaisant. Elles nous disent
la nostalgie d’un monde dans lequel nous n’aurions rien à
prouver pour pouvoir exister. Devant un ami, un chat, une souris
blanche, un arbre ou un ruisseau nous pouvons être tels que
nous sommes. Nous pouvons simplement être nous-mêmes…
Comme c’est réconfortant !
Le contraire de
l’ami, c’est le concurrent, celui qui n’est pas
bienveillant à notre égard. Face à un
concurrent, il faut être performant, il faut se battre, se
lever tôt, prouver qu’on est quelqu’un d’important,
qu’on n’a pas usurpé notre place, mériter
ce que nous sommes.
Le problème
de notre civilisation, c’est qu’elle génère
beaucoup plus de concurrents que d’amis.
Dans l’évangile,
il y a deux passages dans lesquels on parle d’amitié à
propos de Jésus.
Le premier se trouve dans l’évangile
de Jean. Avant de mourir, Jésus dit à ses disciples :
Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait
pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis71 .
La grande parole
de la croix, c’est qu’en Jésus nous sommes devenus
les amis de Dieu. Nous n’avons plus rien à prouver.
Devant Dieu, nous pouvons quitter le registre de la performance pour
enfin devenir ce que nous sommes.
Un témoignage
de cette amitié de Dieu est proposé par l’apôtre
Paul dans la deuxième épître aux Corinthiens.
Dans cette ville, son ministère est attaqué par des
personnes très spirituelles qui mettent en avant des
expériences mystiques supérieures pour asseoir leur
autorité. Elles reprochent à Paul son manque de
spiritualité, sa présence sans autorité et son
peu d’éloquence.
Paul pourrait
répondre en se justifiant, en faisant de la surenchère,
en mettant en valeur son travail et ses œuvres. Mais il répond
sur un autre registre. Il parle d’une blessure, d’une
écharde. Il raconte que trois fois il a prié pour être
libéré, et que sa prière n’a pas été
exaucée. Mais s’il n’a pas été
guéri, il a reçu une parole : Ma grâce te
suffit72 . Dans cette parole, il a
entendu l’amitié de Dieu, malgré ses faiblesses
et sa blessure.
A ses
adversaires, qui lui reprochent son manque de performances
spirituelles, il répond par une contre-performance, une prière
non exaucée. Ce qui le fait vivre et qu’il essaye de
partager, ce ne sont pas ses œuvres, fussent-elles
spirituelles, mais la seule et unique amitié de Dieu.
S S S
Le second passage
de l’évangile qui parle d’amitié dit à
propos de Jésus qu’il était l’ami des
péagers et des pécheurs73 .
Jésus a souvent été critiqué pour ses
fréquentations douteuses. Il partageait le repas des impies et
fréquentait des gens de mauvaise vie.
L’évangile
ne dit pas que les pécheurs étaient ses amis, mais
qu’il était l’ami des pécheurs. La
différence est fondamentale. Avoir un ami, cela dépend
encore de nous, de nos sentiments, de nos préoccupations, du
temps que nous consacrons à l’amitié. Mais être
l’ami de quelqu’un est totalement indépendant de
nous.
Si Jésus
se présente comme l’ami des pécheurs, c’est
que tous, nous pouvons compter sur son amitié. C’est ce
qui a fait dire au Baal Shem Tov, le maître du hassidisme :
Si seulement je pouvais aimer le plus proche des miens autant que
Dieu aime le pire des débauchés !
Dans un de ses
livres, Raoul Follereau, un des pionniers de la lutte contre la lèpre
dans le monde, raconte qu’autrefois, dans les léproseries,
les hommes étaient mis en quarantaine. Ils ne faisaient rien
de la journée, sinon de tourner en rond. Ils passaient leur
temps à épier l’évolution du mal chez eux
et chez les autres malades. Abandonnés de tous, ils
s’enfonçaient dans le silence et la nuit.
Pourtant, dans
une de ces léproseries, un homme a gardé les yeux
clairs. Il lui arrive de sourire et même de dire merci aux
religieuses qui essayent de le soigner. Une des religieuses souhaite
connaître la raison de ce miracle : pourquoi reste-t-il
vivant quand tous les autres sombrent dans la nuit ? Elle le
surveille et ne tarde pas à remarquer que chaque jour,
par-dessus le mur d’enceinte qui entoure la léproserie,
un visage apparaît. C’est un petit bout de visage de
femme qui lui sourit. L’homme sourit à son tour, et le
visage disparaît. Ensuite, il recommence son attente jusqu’au
lendemain.
Lorsque la
religieuse l’interroge, l’homme répond :
C’est ma femme. Avant que je vienne ici, elle m’a
soigné en cachette. Mais le mal a progressé et on m’a
emmené dans cette léproserie. Elle m’a suivi. Et
lorsque chaque jour je la vois, je sais que je suis vivant, et je
dis : Merci !74
Cette histoire
est une parabole de l’amitié de Dieu. Cette femme est
une image du Christ.
Le lépreux
est dans les enfers, mais dans ses souffrances il survit, il résiste,
il combat, il espère... Pourquoi ? Parce qu’il sait
que, de l’autre côté du mur, il y a quelqu’un
de vivant qui pense à lui, qui prie pour lui, qui pleure avec
lui, qui le regarde et qui lui sourit.
Croire en
l’amitié de Dieu, cela ne veut pas dire que les enfers
n’existent pas, cela ne veut pas dire que les ténèbres
ne recouvrent pas la terre. Cela veut dire que nos enfers ont été
visités et qu’il existe quelqu’un qui croit en
nous, qui prie avec nous, qui nous sourit et qui nous appelle à
la vie. Alors nous pouvons nous relever, nous pouvons continuer, nous
pouvons combattre.
La parole de la
croix, c’est qu’en Jésus, Dieu est allé
jusqu’au bout de sa passion pour l’humanité. Cette
passion, il ne l’a pas exprimée avec des mots, il l’a
vécue. Pour nous, cela veut dire que, quelle que soit notre
vie, que nous soyons menacés par l’indifférence
ou la culpabilité, par l’anonymat ou le non-sens, nous
avons l’assurance de l’amitié de Dieu qui nous
appelle à nous aimer nous-mêmes.
Quelques heures
avant sa mort, le curé de campagne de Bernanos dit qu’une
fois que tout orgueil a été brisé, la grâce
des grâces c’est de s’aimer humblement soi-même.
Un des
personnages les plus ignobles de la littérature est
Marméladov, l’ivrogne de Crime et Châtiment.
Dostoïevski met en scène cet homme qui a conduit sa
fille à la prostitution pour assouvir son vice et nourrir sa
famille.
Un soir de
beuverie, quand l’alcool conduit à la lucidité,
l’ivrogne raconte : Au jour du jugement, Dieu nous
convoquera nous aussi : Allons, approchez, vous autres !
Venez les ivrognes, venez les infâmes, venez les impudiques !
Et nous avancerons tous sans aucune honte. Et les raisonnables
s’écrieront : comment, vous les recevez, ceux-là
aussi... Et il leur répondra : si je les reçois, ô
vous les raisonnables et les intelligents, c’est que pas un
d’entre eux ne s’en est jugé digne... Et il nous
ouvrira les bras et nous nous y jetterons... Et nous fondrons en
larmes et nous comprendrons tout ! Et tous comprendront.
Les
Intermèdes musicaux étaient extraits de :
- Les
7 dernières paroles du Christ en croix ( Heinrich
Schütz )
- Pièces diverses pour
choeur, en si mineur ( Jean-Sébastien Bach )
- Pièces
diverses pour choeur, en si mineur ( Jean-Sébastien
Bach )
- Johannes Passion Chorals ( Jean-Sébastien
Bach )
Introduction
du Pasteur Antoine NOUIS, pour le volume "Sept
paroles de vie"
Les
méditations qui composent les différents chapitres de
ce livre sont le texte, à peine modifié, des
conférences du " Carême Protestant " qui
ont été diffusées sur France Culture en
mars-avril 2000.
Lorsqu’on
m’a proposé de prendre en charge ces conférences,
j’ai tout de suite pensé à une série de
narrations que j’avais écrites pour une liturgie de
Vendredi Saint. J’avais pris la liberté littéraire
de rassembler autour de la croix sept personnages, cinq hommes et
deux femmes, et de leur donner la parole pour qu’ils expriment
la façon dont ils ont entendu les sept dernières
paroles que le Christ a prononcées avant de mourir. Un soldat,
un brigand, un disciple, un officier, une étrangère, un
religieux et une amie proche se retrouvent au Golgotha.
Qu’entendent-ils ? Que disent-ils ?
Ces narrations
sont des prédications, c’est-à-dire qu’elles
se situent du côté de l’interprétation et
non de la source historique. Mais comme toutes prédications,
elles ne font pas l’économie d’une lecture
minutieuse du texte biblique, et d’un travail d’exégèse.
Si nous avons
choisi ce procédé, c’est qu’il semble
particulièrement pertinent pour parler de la croix. Au-delà
de toutes les explications elle demeure un événement
qui fait éclater nos cadres de pensée, et qui
transcende nos raisonnements. Dès que nous cherchons à
expliquer la croix, nous courons le risque d’apprivoiser ce qui
restera toujours de l’ordre de la folie et du scandaleux. En la
racontant nous demeurons dans le domaine de l’interprétation,
mais nous lui laissons de l’espace pour dépasser nos
paroles.
Les épîtres
de Paul articulent la croix avec la grâce. Elle débouche
sur un autre thème qui, par définition, relève
de l’indicible. Si la grâce est grâce, elle échappe
à toute logique, elle déjoue toute tentative de vouloir
l’enfermer dans un système cohérent. Si la grâce
ne peut pas s’expliquer, elle peut néanmoins se
raconter. C’est ce que nous avons essayé de faire en
suivant le cheminement de sept personnes qui ont entendu les paroles
d’un mourant, et qui les ont reçues comme des paroles de
vie.
Pour les
émissions du Carême, nous avons demandé aux
comédiens de la troupe Sketch up d’interpréter
ces sept personnages. Je suis reconnaissant à son responsable,
Olivier Arnéra, pour les conseils qu’il m’a donnés
afin d’adapter ces récits à une écriture
radiophonique.
La seconde
partie de chaque émission est plus classique. Elle comprend
des méditations qui essayent de développer et
d’actualiser la parole des comédiens. Elles me donnent
l’occasion de développer une théologie de la
croix qui se déploie autour des thèmes du pardon et de
la conversion, de l’absence et de la persévérance,
de la quête de Dieu et de l’accomplissement des
Écritures.
Puisque ce
livre est la reprise des conférences de Carême, il me
revient de remercier tous ceux qui m’ont accompagné dans
ce travail. Les amis de l’Eglise de Paris-Annonciation qui ont
eu à cœur de me laisser le temps nécessaire pour
l’écriture, ma famille qui a pâti de mon manque de
disponibilité pendant les derniers mois qui ont précédé
les enregistrements, Geneviève Barnaud ma correctrice
attitrée, et enfin Dominique Fano-Renaudin qui a fait un gros
travail de recherche pour l’illustration musicale et qui a
déployé ses talents de comédien pour lire les
citations.
Antoine
NOUIS