Carême 2002 : Il y a un temps pour toute chose

Vivre entre la résurrection et le sabbat

Ecclésiaste 3 verset 1

Ecoutons la voix du vieux Sage du premier Testament de la Bible, Qohéleth :

Dans ce monde, il y a un temps pour tout et un moment pour chaque chose :
Il y a un temps pour enfanter et un temps pour mourir,
un temps pour planter et un temps pour arracher les plantes.
Il y a un temps pour tuer et un temps pour guérir,
un temps pour démolir et un temps pour construire.
Il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire,
un temps pour les chants de deuil et un temps pour les danses joyeuses.
Il y a un temps pour lancer des pierres et un temps pour les ramasser.
Il y a un temps pour embrasser et un temps où il n’est pas bon de le faire.
Il y a un temps pour chercher et un temps pour perdre,
un temps pour garder et un temps pour jeter.
Il y a un temps pour déchirer et un temps pour coudre,
un temps pour se taire et un temps pour parler.
Il y a un temps pour aimer et un temps pour détester,
un temps pour la guerre et un temps pour la paix.
Quel avantage retire le travailleur du mal qu’il se donne ? J’ai regardé les occupations que Dieu impose aux humains. Dieu fait arriver toute chose au bon moment. Il a donné aussi aux humains le désir de connaître l’éternité. Pourtant ils ne peuvent pas connaître l’ensemble de ce que Dieu accomplit. Ainsi, je le sais, le seul bonheur pour eux, c’est de se réjouir et de profiter de la vie. Quand quelqu’un mange, boit et profite des résultats de son travail, c’est un don de Dieu. Je le sais, tout ce que Dieu fait, cela dure toujours. Il n’y a rien à ajouter et rien à enlever. Et Dieu agit ainsi pour qu’on le respecte. Ce qui arrive aujourd’hui et ce qui arrivera plus tard, cela s’est déjà passé autrefois. Dieu reproduit ce qui a disparu dans le passé.
(Qo. 3 / 1-15)

C’est une image courante, et même banale, mais aussi biblique, que de comparer la vie à un voyage. Il y a un départ et une arrivée, et entre les deux un parcours plus ou moins long, plus ou moins sinueux, plus ou moins difficile. C’est vrai de toute vie humaine. Cependant, pour ceux qui sont unis au Christ, le départ n’est pas le même, et dans leur espérance, l’arrivée non plus. Si vous avez écouté les prédications précédentes, vous vous souvenez que j’ai parlé de ce nouveau départ, de cette nouvelle naissance que nous propose le Christ et qui est un travail de l’Esprit de Dieu. J’en ai parlé aussi comme du commencement d’un processus de résurrection, qui doit un jour toucher toute notre personne, dans un monde lui-même entièrement renouvelé par Dieu. C’est là l’espérance chrétienne, qui peut, bien sà »r, sembler une illusion. Mais ce n’est pas seulement l’espérance chrétienne. C’est l’expérience chrétienne, qui touche en profondeur tous les domaines de la vie. C’est l’expérience d’une vie transformée par la présence de l’Esprit de Dieu, d’une vie partagée avec le Christ, d’une vie déjà arrachée à la mort, même si la mort physique est encore à regarder en face et à passer. Si nous sommes unis au Christ, le départ n’est pas notre naissance, mais notre nouvelle naissance, que nous puissions la dater avec précision, comme le peuvent beaucoup de chrétiens qui ont vécu cela comme une expérience bouleversante, ou non, comme beaucoup d’autres qui ont reçu cela comme une évidence, insensiblement. Et si nous sommes unis au Christ, notre arrivée n’est pas le jour de notre mort, mais celui de l’achèvement de notre résurrection, le grand Jour de Dieu.

Mais voilà le problème de ceux qui sont en cours de résurrection : nous avons pris le départ avec le Christ, mais nous ne sommes pas encore arrivés. Nous sommes en route, et nous connaissons les contraintes de la marche. Nous sommes comme le peuple hébreu après la sortie d’Egypte. Nous sommes entre la Mer Rouge et la Terre promise, dans le désert. C’est dans l’aujourd’hui que nous vivons, et non dans l’avenir espéré, comme nous le rappelle sans cesse notre vieux Sage, Qohéleth. Nous connaissons les contraintes de la vie concrète, des problèmes quotidiens, de ce qui nous est imposé, mais aussi de ce que nous nous imposons à nous-mêmes, les contraintes que nous nous créons nous-mêmes.

La vie nomade des Hébreux en exode peut nous aider à prendre en compte certaines réalités de la vie de ceux qui sont en cours de résurrection. La Bible en parle comme d’une longue marche, exténuante, décourageante, d’un point d’eau à un autre, avec de longues périodes d’arrêt ou de piétinement, et des batailles à livrer. La Bible nous montre les moments où le doute s’empare du peuple. Et très peu de temps après la sortie d’Egypte, nous voyons ce peuple tenté de revenir en arrière, de se réinstaller dans sa condition humiliée, d’oublier l’espérance qui l’a mis en route. C’est qu’il est difficile de continuer de croire une promesse, quand le temps passe et que les difficultés viennent contredire l’espérance. Contrairement à ce que pensent souvent les non-croyants, la foi ne simplifie pas toujours la vie. Aux moments difficiles, aux temps d’épreuve, il arrive qu’il faille se battre, en plus, pour garder la foi et l’espérance. Tout croyant sait qu’une épreuve peut lui sembler plus incompréhensible, plus absurde, qu’à un non-croyant, et qu’alors la tentation est forte de renoncer à ce qui avait soulevé sa vie. D’autre part, si nous continuons de comparer la condition de ceux qui sont en cours de résurrection avec la vie nomade des Hébreux au désert, il nous faut considérer que les nomades sont obligés de n’avoir que le nécessaire, de ne pas accumuler, de s’alléger au maximum, de faire un tri permanent. Et là , il va falloir parler de nos vies.

Beaucoup d’entre nous se plaignent d’avoir des vies surchargées, encombrées et haletantes. Nous nous plaignons de ne pas avoir le temps, le temps de nous ressourcer, de prier, de méditer, le temps de rencontrer Dieu et de rencontrer les autres, et simplement du temps pour nous. Après des millénaires où l’homme a marché à son pas ou au pas de ses bêtes, des millénaires qui nous paraissent immobiles, tant les générations qui se suivaient reproduisaient les mêmes gestes pénibles pour se donner les moyens de vivre, nous sommes entrés il y a environ deux siècles dans le temps des inventions destinées à gagner du temps et à épargner de la peine. Et il est vrai que nous allons plus loin beaucoup plus vite, et que nous produisons plus en travaillant moins longtemps. Ceux qui, comme moi, ont vu leur mère faire la lessive au lavoir du quartier peuvent comprendre à quel point l’accès à un certain confort domestique et l’entrée, dans presque tous les logements, de multiples appareils ménagers ont changé la vie. Ce n’est qu’un exemple pour dire que je ne crache pas sur la société de consommation. Nous avons donc pu dégager du temps, arracher du temps au temps de travail, et de beaucoup ralentir l’épuisement de nos corps. Mais ce temps que nous gagnons toujours plus, nous nous empressons de l’emplir de nouvelles obligations, et même de l’obligation de loisirs qui sont devenus des produits commerciaux. L’emploi du temps des jours libres de beaucoup d’enfants scolarisés est absolument démentiel, entre le sport, l’apprentissage d’un art et même, pourquoi pas, le catéchisme. Nous nous plaignons, mais je crois qu’au fond cela nous plaît d’avoir des agendas surchargés, des journées haletantes, et d’être sans cesse en train de courir. Cela nous plaît, parce que cela nous donne de l’importance, cela nous valorise, cela donne de nous, aux yeux des autres et à nos propres yeux, l’image de gens actifs, efficaces et indispensables. Je dirai que cela justifie notre existence. C’est très vrai pour les pasteurs, ces gens dont le rôle dans la société n’est pas évident. Nous éprouvons tous même le besoin de justifier nos loisirs et notre repos : cela sert à reprendre de l’énergie pour mieux travailler, et nous ne voulons surtout pas "bronzer idiots". C’est à dire que nous aurions honte d’avouer que nous préférons passer nos vacances à lézarder sur une plage que de courir les festivals et lire les livres qu’il faut avoir lus. Nous avons besoin de ce temps encombré pour justifier notre existence, et quand, pour une raison ou pour une autre, nous nous trouvons avec un temps vide, nous sommes désarçonnés, et notre vie nous semble inutile et dépourvue de sens.

Un de nos problèmes, c’est le rapport entre le travail et la vie. On peut confondre son travail et sa vie, n’exister que pour son travail et par son travail. Alors on n’a pas de vie en dehors du travail, on n’est rien ou personne en dehors du travail. Sur beaucoup de tombes en Ardèche on peut lire : "Le travail fut sa vie". C’est à la fois un éloge et le constat d’une malédiction, que l’on a voulu, par défi, transformer en vertu. Dans ma ville il y a, comme partout en France, une place Jean-Jaurès, avec un buste de ce très grand homme. On a gravé sur ce buste la phrase la plus stupide et la plus dangereuse que cet homme remarquablement intelligent et humain, doublé d’un grand orateur, ait sans doute prononcée : "Il n’existe pas d’idéal plus noble qu’une société où le travail sera souverain." Autrement dit : l’idéal le plus noble de la société humaine, c’est la fourmilière ou la ruche, où l’individu n’a le droit d’exister que s’il est utile. D’un autre côté nous avons parfois l’impression que la vraie vie est ailleurs, que nous vivons vraiment quand nous sommes en vacances et en week-end, ou que la vie commence quand on arrive à l’âge de la retraite. Un slogan disait, il y a déjà bien des années : "Il ne faut pas perdre sa vie à la gagner."

Notre société a inventé le week-end. C’est le couronnement de la semaine, la récompense, la détente attendue après le travail. Nous avons donc le week-end. Il unit le dernier et le premier jours de la semaine, car le dernier jour c’est le samedi, et le premier c’est le dimanche et non le lundi, ce que presque tout le monde a oublié, tout comme nos agendas. Ce n’est qu’un détail sans importance, direz-vous. Et bien justement non. Que nous ayons oublié cela est significatif du déracinement spirituel de notre société, et même de beaucoup de croyants. Cela veut dire que nous avons perdu de vue le sens profond du samedi, ou en langage biblique du sabbat, et le sens profond du dimanche.

Parlons d’abord du sabbat, du septième jour de la semaine : que le dernier soit le premier. Les chrétiens ont souvent dans la tête une idée négative du sabbat, à cause des évangiles. Apparemment, si nous en croyons leur témoignage, l’observation du sabbat était devenue, à l’époque de Jésus, quelque chose de passablement inhumain, l’occasion pour les petits et les grands chefs religieux de faire peser le poids d’une sorte de terrorisme spirituel sur toute une société, un peu comme les talibans en Afghanistan, toutes proportions gardées. Mais cela s’est reproduit pour l’observation du dimanche dans les sociétés protestantes puritaines. Le légalisme est une maladie qui guette toute religion, et qui a vite fait de transformer un message libérateur en bigoterie tatillonne et craintive. Il ne serait sans doute pas inutile que les chrétiens interrogent les Juifs pratiquants d’aujourd’hui sur leur joie à vivre le sabbat. Et il n’est pas inutile d’interroger la Bible elle-même. Sans entrer dans les détails, je dirai que le commandement de mettre de côté le jour du sabbat est justifié de deux manières, car nous trouvons deux textes différents de ce qu’on appelle les Dix Commandements. Ce sont deux manières d’envisager le travail et le repos. D’un côté, le premier Testament nous présente le travail comme une collaboration à l’oeuvre de Dieu, et l’homme est invité à se reposer comme Dieu s’est reposé après avoir créé le monde. Travail et sabbat sont une communion d’oeuvre et de joie avec Dieu. D’un autre côté le premier Testament présente le travail comme une malédiction, une sorte de punition, et le sabbat est ordonné en souvenir de la rupture de l’esclavage égyptien. Mais de toute façon, le sabbat est un don de Dieu à l’homme, comme le dit Jésus. Il est fait pour sa joie. Il est une manière de se délivrer des soucis matériels, du rythme haletant des jours. Il est un apprentissage de la confiance : dans nos vies, dans le monde, tout ne dépend pas de nous. Le sabbat est une contestation de tout ce qui voudrait réduire l’homme à n’être qu’un producteur et un consommateur, à n’avoir qu’une valeur économique. Le sabbat associe l’homme au Dieu créateur et au Dieu libérateur.

Le sabbat, c’est le point d’arrivée, c’est le dernier jour, c’est la promesse, c’est notre horizon. C’est notre terre promise, celle vers laquelle nous sommes en route. L’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, écrit : "Dieu nous l’a promis : nous entrerons dans son repos, et cette promesse est toujours valable... Cela veut dire qu’il y a encore un repos pour le peuple de Dieu. Il ressemble au repos du septième jour. En effet, celui qui entre dans le repos de Dieu se repose, lui aussi, de son travail, comme Dieu s’est reposé du sien. C’est pourquoi, cherchons de tout notre coeur à entrer dans ce repos." (Hébreux 4/ 1, 9-11). Dans le même passage, le repos du septième jour est comparé à l’entrée dans la terre promise. Pour nous, c’est la conviction que ce monde, où l’homme est souvent instrumentalisé, chosifié par les lois de l’économie, est un monde provisoire. Et c’est un appel à le contester avec Dieu, dans nos propres vies et face à la société, comme des nomades qui refusent de s’assimiler. C’est un appel à ne pas nous laisser transformer en outils de production et en simples consommateurs, et à ne pas l’accepter pour les autres. C’est un appel à vivre notre tâche et nos charges de chaque jour comme une collaboration à l’oeuvre actuelle de Dieu, en sachant que l’accomplissement de cette oeuvre appartient à Dieu. Ce qui devrait nous décrisper : nous n’avons pas à construire un monde parfait, à devenir des êtres parfaits ; l’achèvement, c’est à lui que cela revient.

Les chrétiens ont, pour la plupart, adopté le dimanche à la place du sabbat juif. Bien sà »r, il a le même sens, mais il en a aussi un autre. Le dimanche, le premier jour de la semaine, c’est la célébration de la résurrection du Christ. Pendant longtemps, chaque dimanche a été une célébration de Pâques, même aux époques où il n’était pas chômé. Quand nous rappelons et célébrons la résurrection du Christ, nous nous rappelons que notre résurrection a commencé, que nous sommes nous-mêmes en cours de résurrection, enfants de Dieu, nés de Dieu, des vivants avec le Christ. C’est cela notre identité et le sens de notre vie. Nous n’avons pas à les conquérir par nos réalisations, nos performances, nos palmarès. Cela nous est donné.

Le dimanche est un jour de rupture dans le rythme des jours pour nous ramener à l’essentiel : notre résurrection avec le Christ, et pour nous y enraciner. Notre semaine commence par le dimanche, ce qui est bizarre à concevoir, puisque c’est le deuxième jour de notre week-end. Je me répète, mais c’est important. Notre résurrection a commencé, Dieu nous a fait entrer dans la vie avec le Christ, ce qui est devant nous, c’est l’achèvement de ce qui est commencé. Le dimanche nous le dit, pour que nous vivions le reste de la semaine sur cette base, jusqu’au sabbat, le jour du couronnement, qui annonce le grand Jour de Dieu, le couronnement de l’histoire du monde. Il nous le dit aussi pour que nous vivions notre parcours terrestre avec ce grand Jour à l’horizon. Le dimanche, c’est le jour où l’essentiel nous est donné à l’avance, pour vivre le reste, et non comme une récompense ou un acquis. Et le dimanche est là pour nous remettre à notre vraie place, et remettre chaque chose à sa vraie place, en redécouvrant qui est notre Dieu, et qui nous sommes. C’est pourquoi il me semble important que les chrétiens ne vivent pas des week-ends banals, mais qu’ils marquent très visiblement le dimanche au milieu du monde. Pour eux, et pour le monde, pour lui rappeler ce qui lui est déjà donné et ce qui lui est promis.

Dans ce temps que nous avons à vivre entre le dimanche et le samedi, entre la résurrection et le sabbat, il y a la vie concrète et ses contraintes, il y a ces jours qui portent dans notre langue les noms des divinités païennes de la répétition, du conflit, du profit, de la puissance et du plaisir. Toutes ces choses s’imposent à nous, ou se refusent à nous, mais d’une façon ou d’une autre s’emparent de notre temps, comme je le disais un peu au début. Nous aimerions tous maîtriser le temps, notre temps, ne pas nous laisser dévorer par tout ce qui se présente à nous et par tout ce que nous nous imposons, surtout si nous avons comme croyants le souci de ce qu’on appelle une vie spirituelle, c’est à dire de rencontre avec Dieu. C’est là , pour beaucoup, une source de culpabilité, et cette culpabilité s’ajoute à un besoin que nous n’arrivons pas facilement à satisfaire. Peut-être alors notre ami, le vieux sage du premier Testament, Qohéleth, peut-il nous aider, avec son souci de concret. Il nous dit : Dans ce monde, il y a un temps pour tout et un moment pour chaque chose. De nouvelles tâches et de nouvelles obligations se présentent sans cesse à nous. L’information omniprésente et immédiate nous présente sans cesse d’autres besoins, d’autres causes, d’autres combats, tous aussi urgents les uns que les autres. Nous ne savons plus où donner de la tête. Or cela rencontre notre besoin profond de justifier nos existences, et de les justifier en étant actifs, efficaces et présents sur tous les fronts. Qohéleth veut peut-être dire d’abord qu’il nous faut combattre la tentation de vouloir tout faire, et de tout faire en même temps, comme si tout dépendait de nous. Qohéleth nous apprend aussi que le travail et le plaisir sont importants, qu’il faut savoir donner du temps à l’un et à l’autre, parce qu’à ses yeux ce sont des dons de Dieu à accueillir, chacun en son temps. Cependant, je ne sais pas si Qohéleth nous conseille d’organiser et de maîtriser notre temps, ou s’il nous conseille d’apprendre à accueillir les temps différents qui se présentent à nous. Il est vrai que notre hantise, c’est de maîtriser le temps, alors qu’il nous échappe de toute façon. Ce qui fait que nous paniquons, que nous perdons facilement pied, quand nous arrivent des temps où nous ne maîtrisons plus rien, comme les temps de maladie. Oui, au fond, nous avons peut-être à apprendre à accueillir volontairement, comme des dons de Dieu, les temps différents de nos vies. Sans doute nous faut-il aussi bien comprendre que nous n’avons pas à justifier notre existence, ni aux yeux de Dieu, ni aux yeux des autres, ni à nos propres yeux. Notre existence, Dieu l’a justifiée en faisant de nous ses enfants, en nous donnant de vivre avec le Christ. Le dimanche nous dit cela. Et le sabbat nous apprend à faire confiance : tout ne dépend pas de nous, nous n’avons pas à tout faire. Nous avons donc le droit de faire des choix, d’opérer des tris, de déterminer des priorités dans l’emploi de notre temps. Ces priorités peuvent changer en fonction des circonstances et de nos possibilités. Parfois, la priorité, ce peut être nous, pour que nous puissions apprendre ensuite à faire ce qu’il faut faire, au moment où il faut le faire, et de bon coeur, sans mauvaise conscience, sans amertume. Notre problème, c’est que nous n’avons jamais le temps... Si nous ne l’avons pas, il faut le prendre. D’ailleurs, on trouve toujours du temps pour ce qu’on estime important. Et l’important aujourd’hui, c’est peut-être de prendre et de réinventer le temps du dimanche et le temps du sabbat, pour redécouvrir ce qui donne sens au temps que nous avons à vivre.

Je vous invite à prier avec le Père Michel Quoist :

Seigneur, j’ai le temps.
J’ai tout mon temps à moi,
tout le temps que tu me donnes,
les années de ma vie,
les journées de mes années,
les heures de mes journées.
Elles sont toutes à moi.

A moi de les remplir,
tranquillement, calmement,
mais de les remplir jusqu’au bord,
pour te les offrir
et que de leur eau fade tu fasses
un vin généreux,
comme jadis à Cana,
tu fis pour des noces humaines.

Je ne te demande pas, Seigneur,
le temps de faire ceci,
et puis encore cela.
Je te demande la grâce
de faire consciencieusement
dans le temps que tu me donnes,
ce que tu veux que je fasse.

Amen.

(D’après Michel Quoist, PRIERES, Editions ouvrières, 1954)